Conçu comme une conférence ou comme "un livre de morale" tel qu'il le voudrait,
Baudelaire présente deux études documentaires, l'une portant sur le haschisch et l'autre sur l'opium, substances dont il faisait lui-même usage.
Concernant le haschisch,
Baudelaire en décrit les effets : affinement de la sensibilité, dilatation du temps, euphorie... (chapitres " l'homme dieu " et " le théâtre de séraphin " ) comme les méfaits : extrême fatigue, paresse... ( chapitre " morale "). Pour décrire les effets de la drogue, l'auteur fait appel non seulement à sa propre expérience mais aussi à des témoignages qu'il a pu recueillir d'autres initiés. Ce qu'il y a de frappant dans cette étude, c'est son aspect clinique.
Baudelaire décrit le haschisch par le menu. Il commence par opposer ce qu'en attendent les consommateurs éventuels et les effets réels :
Que les gens du monde et les ignorants, curieux de connaître les jouissances exceptionnelles, sachent donc bien qu'ils ne trouveront dans le haschisch rien de miraculeux, absolument rien que le naturel excessif. (29)
il parle de son aspect : " un peu de confiture verte, gros comme une noix, singulièrement odorante..." (29) puis des effets en trois phases : hilarité soudaine, perception accrue des choses extérieures intériorisée par l'ivresse où les hallucinations se créent " par l'action de l'imagination ", distorsion du réel puis fatigue physique.
Baudelaire parle en poète et en esthète, la prise de drogue n'est pour lui qu'une occasion de pousser son imagination déjà féconde. Les incultes n'y trouveront sûrement pas cette subtilité.
Dans la deuxième partie de l'ouvrage, l'auteur se consacre à l'étude de l'opium par le biais du livre de Thomas de Quincey (Confessions d'un mangeur d'opium anglais, 1822). En traduisant en partie cet auteur et en introduisant ses propres commentaires,
Baudelaire explique comment cet auteur a vécu les voluptés et les tortures de l'opium tout en ayant vécu des drames dans sa vie (mort de sa mère puis de sa soeur) qui devenaient les sujets de rêves d'opium troublés et esthétisants. (Suspiria de Profundis). Comme lui,
De Quincey met en garde le lecteur en précisant que sa première prise d'opium "innocente" découlait d'un mal de dents qu'il voulait guérir.
Baudelaire fait ensuite quelques coupes dans le texte et résume la vie du mangeur d'opium décrivant tour à tour les "voluptés de l'opium" qui le pousse à la contemplation et à ses "tortures" dont une des plus atroces est de ne pouvoir accomplir la moindre action malgré son désir d'agir. C'est dans la dernière partie les Suspiria de Profundis (1845) que
Baudelaire montre notre mangeur d'opium, après la mort de sa jeune soeur survenue dans son enfance, il retrouve l'ambiance esthétique (on dirait presque gothique aujourd'hui) de l'apparat qui l'entourait lors de ses études à Oxford, l'opium lui permet de revivre cette scène en amplifiant les couleurs, les sons ou les odeurs avec le recul esthétique de son esprit à présent cultivé. Pour
Baudelaire, l'homme qui a passé son enfance au milieu de femmes a aiguisé sa sensibilité plus qu'un autre et a gardé un goût pour les choses ondoyantes et vaporeuses... wow!! faut que j'arrête là!