Remonter jusqu’au Commencement du Temps… Mon âme défaillit rien qu’en y songeant !
Vous croirez peut-être qu’il y avait un peu de lâcheté dans cette réaction. Et c’était probablement vrai. Mais n’oubliez pas que j’avais déjà connu la vision d’une extrémité du Temps – sa triste Fin – dans l’une des Histoires que j’avais visitées : la toute première, où j’avais observé l’agonie du Soleil au-dessus de la plage désolée. Je me rappelai aussi mes vertiges, mes nausées, mon désarroi et le fait que la peur de rester sans défense dans cette obscurité m’avait à elle seule persuadé de remonter à bord de ma Machine transtemporelle et de me lancer à nouveau vers le passé.
C’était un monde-île en train de brûler. Sous mes yeux, de gigantesques explosions en pulvérisèrent la surface, soulevant des nuages qui s’épanouirent en fleurs d’une mortelle beauté. Ce monde-île devait déjà être privé de vie, car rien ne pouvait survivre à la conflagration dont je venais d’être témoin, mais des explosions continuaient de pleuvoir sur toute sa surface, et ce dans un silence irréel !
Ce faisant, je me remémorai mon honteux affolement en découvrant que le véhicule était aux mains des Morlocks et je sentis au tréfonds de moi un sursaut d’affection pour cet engin disgracieux. La Machine était une cage ouverte de nickel, de cuivre et de quartz, d’ébène et d’ivoire, plutôt complexe – comme le mécanisme d’une horloge de clocher – et dotée d’une selle de bicyclette incongrue au milieu de tout cet attirail. Quartz et cristal de roche, gorgés de plattnérite, luisaient dans l’armature, donnant à l’ensemble un aspect irréel et décalé.
La Terre ne peut que jusqu’à un certain point absorber les déchets de l’industrie, humaine, laquelle pourrait même se développer jusqu’à rendre la planète inhabitable.
L’unité de l’espèce devra commencer à la base : en s’appuyant sur la plus ferme des fondations – la seule qui soit –, le soutien instinctif que l’homme apporte à ses semblables.
Je doutais que tout ou partie de ce raisonnement pseudophilosophique émanât de Wallis lui-même ; il se contentait de refléter son époque selon les perspectives tracées par les volubiles faiseurs d’opinion sévissant dans les milieux gouvernementaux et au-delà.
L’illusion de la démocratie, pour commencer. Voyez-vous, il est à présent clair qu’il ne sert à rien de demander aux gens ce qu’ils veulent. Il faut d’abord réfléchir à ce qu’ils devraient vouloir s’il faut sauver la société. Il faut ensuite leur indiquer ce qu’ils veulent et faire en sorte qu’ils l’obtiennent.
C’est un fait que les gens sont en général obsédés par la surface des choses – et ils n’ont pas tort ! Combien de fois dans votre propre année trouvez-vous les quotidiens remplis d’analyses en profondeur des Causes de l’Histoire ?
Ce Gödel démontrerait, dans les années 1930, que les mathématiques ne peuvent jamais avoir de fin ; au contraire, leurs systèmes logiques doivent éternellement s’enrichir en incorporant la vérité ou la fausseté de nouveaux axiomes.
Les hommes envisageaient la guerre – la prochaine, au moins ! – comme un grand nettoyage, comme la dernière des guerres qu’on eût jamais besoin de faire. Mais il n’en était pas ainsi, j’en avais la preuve sous les yeux : les hommes se faisaient la guerre à cause de l’héritage que la brute avait laissé en eux, et toute justification n’était que rationalisation fournie par nos cerveaux hypertrophiés.