Citations sur Le Deuxième Sexe, tome 1 : Les faits et les mythes (235)
ce n'est pas l'Autre qui se définissant comme Autre défini l'Un : il es posé comme Autre par l'Un se posant comme Un. Mais pour que le retournement de l'Autre à l'Un ne s'opère pas, il faut qu'il se soumette à ce point de vue étranger. D'où vient en la femme cette soumission ?
Ce n'est pas une entreprise facile que de parler de la psychanalyse. Comme toutes les religions --- christianisme, marxisme --- elle se montre, sur un fond de concepts rigides, d'une souplesse gênante.
En 1888, un savant anglais écrivait: " Les femmes non seulement ne sont pas la race, elles ne sont pas même la moitié de la race mais une sous-espèce destinée uniquement à la reproduction."
Les hommes font les dieux; les femmes les adorent, a dit Frazer; ce sont eux qui décident si leurs divinités suprêmes seront femelles ou mâles; la place de la femme dans la société est toujours celle qu'ils lui assignent; en aucun temps elle n'a imposé sa propre loi.
En effet, à côté de la prétention de tout individu à s'affirmer comme sujet, qui est une prétention éthique, il y a aussi en lui la tentation de fuir sa liberté et de se constituer en chose : c'est un chemin néfaste car passif, aliéné, perdu, il est alors la proie de volontés étrangères, coupé de sa transcendance, frustré de toute valeur. Mais c'est un chemin facile : on évite ainsi l'angoisse et la tension de l'existence authentiquement assumée. L'homme qui constitue la femme comme un Autre rencontrera donc en elle de profondes complicités. Ainsi, la femme ne se revendique pas comme sujet parce qu'elle n'en a pas les moyens concrets, parce qu'elle éprouve le lien nécessaire qui la rattache à l'homme sans en poser la réciprocité, et parce que souvent elle se complaît dans son rôle d'Autre.
"L'éternel féminin" c'est l'homologue de "l'âme noire" et du "caractère juif".
(...) la femme est adaptée aux besoins de l'ovule plutôt qu'à elle-même. De la puberté à la ménopause elle est le siège d'une histoire qui se déroule en elle et qui ne la concerne pas personnellement. Les Anglo-saxons appellent la menstruation "the curse", "la malédiction" ; et en effet il n'y a dans le cycle menstruel aucune finalité individuelle.
La femme est ainsi vouée au Mal. "Il y a un principe bon qui a créé l'ordre, la lumière et l'homme; et un principe mauvais qui a créé le chaos, les ténèbres et la femme", dit Pythagore. Les lois de Manou la définissent comme un être vil qu'il convient de tenir en esclavage. Le Lévitique l'assimile aux bêtes de somme possédées par le patriarche. Les lois de Solon ne lui confèrent aucun droit. Le code romain la met en tutelle et proclame son "imbécilité". Le droit canon la considère comme la "porte du Diable". Le Koran la traite avec le plus absolu mépris.
Le sexologue Maranon avait déclaré: "En tant qu'énergie différenciée, la libido est, peut-on dire, une force de sens viril. Nous en dirons autant de l'orgasme". Selon lui les femmes qui atteignent l'orgasme sont des femmes "viriloïdes"
Quand il a à l'égard de la femme une attitude de collaboration et de bienveillance, il thématise le principe de l'égalité abstraite; et l'inégalité concrète qu'il constate, il ne la pose pas. Mais dès qu'il entre en conflit avec elle, la situation se renverse: il thématisera l'inégalité concrète et s'en autorisera même pour nier l'égalité abstraite.