J’ai besoin d’agir, de me dépenser, de réaliser ; il me faut un but à atteindre, des difficultés à vaincre, une oeuvre à accomplir. Je ne suis pas faite pour le luxe.
(page 302)
J’aimais mieux penser à lui, à distance, que me trouver en face de lui.
(page 297)
Je me rappelai le grand rêve d’amour-admiration que je m’étais forgé à quinze ans et je le confrontai tristement avec mon affection pour Jacques : non, je ne l’admirais pas.
(page 296)
Si je restais la même, en proie aux mêmes routines, au même ennui, je ne progresserais jamais ; jamais je ne réussirais une oeuvre. […] Pour la première fois de mon existence, je pensais sincèrement qu’il valait mieux être mort que vivant.
(page 292)
Ce que je rêvais d’écrire, c’était un “roman de la vie intérieure” ; je voulais communiquer mon expérience.
(page 288)
devant cette atroce parade, je pris brutalement conscience que le monde n’est pas un état d’âme. Les hommes avaient des corps et souffraient dans leurs corps.
(page 286)
J’hésitai, retenue par cette peur du ridicule qui avait paralysé mon enfance ; mais je ne voulais plus me conduire en enfant.
(page 284)
Une fois, il me dit sans aucune gaieté : “Vois-tu, ce qu’il me faudrait, c’est croire en quelque chose ! - Est-ce que ça ne suffit pas de vivre ?” lui demandais-je ; moi, je croyais à la vie.
(page 281)
Autour de moi on réprouvait le mensonge, mais on fuyait soigneusement la vérité ; si aujourd’hui j’avais tant de difficultés à parler, c’est que je répugnais à utiliser la fausse monnaie en cours dans mon entourage.
(page 270)
Dès que j’ouvrais la bouche, je donnais barre sur moi, et on m’enfermait à nouveau dans ce monde dont j’avais mis des années à m’évader, où chaque chose a sans équivoque son nom, sa place, sa fonction, où la haine et l’amour, le mal et le bien sont aussi tranchés que le noir et le blanc, où d’avance tout est classé, catalogué, connu, compris et irrémédiablement jugé, ce monde aux arêtes coupantes, baigné d’une implacable lumière, que n’effleure jamais l’ombre d’un doute. Je préférais garder le silence.
(page 266-267)