[Cette critique concerne les trois tomes de la saga!]
Le Waverly Hills Sanatorium, bien qu'il soit classé parmi les dix lieux les plus effrayants du monde (si, si, c'est la vérité), est également le lieu de vie de nos chers amis les esprits errants. Bon, mis à part le fait que plus de 60 000 personnes y sont mortes de la tuberculose, Doris Greathouse a essayé de rendre ces ruines potables pour nous y inviter le temps d'une soirée. Héroïne de la BD Pandemonium, elle a confié sa fille, Cora, au Waverly Hills Sanatorium pour qu'elle y soit soignée, tandis qu'elle-même y travaille en tant qu'infirmière. Ce qui lui permet de garder un oeil sur l'hospitalisation de sa fille. C'était en 1951, les progrès médicaux n'étaient donc pas aussi développés qu'aujourd'hui, et c'est peut-être pour cela que Cora a du mal à guérir, voire même, pour cela que sa maladie empire. Doris Greathouse a donc tenté de percer le secret que recèle cet établissement si lugubre et peu rassurant.
Christophe Bec (scénario) et
Stefano Raffaele (dessin), sont à l'origine de cette trilogie d'abord publiée aux Humanoïdes Associés et maintenant chez Soleil. Ce sont eux qui ont tenu à ce que vous veniez ce soir. Ne vous inquiétez pas, la tuberculose se soigne bien, au XXIe siècle…
> Coup de crayon
Le dessin est assuré par la main de maître de
Stefano Raffaele (principalement auteur de comics). Sous son crayon sont nés tous les ingrédients de la bonne BD d'horreur : un lieu hanté aux allures si inquiétantes qu'on en tremble pendant la lecture, une chambre mystérieuse à la porte délabrée qui ne nous incite pas à l'ouvrir, des silhouettes pâles et éphémères vaguement esquissées, là-bas, derrière la fenêtre, des enfants qui ne sourient pas comme tous les enfants le devraient, mais qui ont ce visage blême, infiniment triste, ces yeux opaques…
Stefano Raffaele réussit à nous terrifier avec ses contrastes, ses jeux de lumière, ses prises de vue, ses portraits plus que réalistes ! Les scènes qu'il esquisse sont déroutantes, les détails travaillés avec précision, rendant l'ambiance plus qu'inquiétante. J'aimerais également saluer le travail des coloristes (
Marie-Paule Alluard, Olivier Thomas et
Bruno Pradelle), dont je ne parle jamais mais que je juge utile pour cette oeuvre. Les coloristes, tout le long de cette trilogie, s'illustrent à merveille dans leur domaine. Les fondus, les dégradés, les zones de flou, rien n'est laissé au hasard, la colorisation participe de manière totale à l'ambiance et à la réussite de cette BD d'horreur. Vraiment, en ne regardant que la couverture, on ne se sent pas très à l'aise. On sent qu'il y a quelque chose de pas net.
> Coup de plume
Christophe Bec est également le scénariste de grands classiques comme le temps des loups, Sanctuaire mais surtout Carthago, la grande série des Humanos. Mais attachons-nous à Pandemonium. Tout d'abord, l'intrigue se déroule dans un huis clos morbide. Jusque là, la situation est gérable. Si seulement
Christophe Bec n'avait pas ajouté à ce décor une intrigue angoissante, des paroles d'enfants à nous faire frissonner, de celles qui disent « Maman, y a une fille là-bas, c'est mon amie, on joue tout le temps ensemble, la nuit, quand tout le monde dort, dans la chambre au fond du couloir »… le scénario est cohérent, le langage correspond aux années 50 dans lesquelles se déroule l'histoire, il n'y a pas de longueurs, le rythme est lent et efficace. Comme dans un bon film d'horreur. On entendrait presque les personnages et autres fantômes nous susurrer à l'oreille des choses angoissantes.
Christophe Bec sait nous faire sursauter. Même si ce n'est que de l'encre, ça suffit à nous faire vérifier par-dessus notre épaule que non, ce n'est pas une porte qui vient de claquer alors qu'elle était grande ouverte. C'est juste le vent. Oui, juste le vent.