On pourrait soutenir que la mort est intrinsèquement absurde et que le sourire n’est pas une réponse inappropriée. Absurde dans le sens ridicule, déraisonnable. Quelqu’un est là, et la seconde d’après il n’y est plus.
Mes frères et moi nous ne pouvions pas rivaliser avec les lampes astrales, les girandoles et les chaises Hepplewhite. Elles étaient parfaites. J’en vins à détester sa façon de traiter ses meubles comme des enfants et ses enfants comme des meubles. Très tôt, une préférence marquée pour l’épuré et le fonctionnel apparut chez moi.
On pourrait soutenir que la mort est intrinsèquement absurde et que le sourire n’est pas une réponse inappropriée. Absurde dans le sens ridicule, déraisonnable. Quelqu’un est là, et la seconde d’après il n’y est plus.
Je suppose qu’une vie entière passée à dissimuler sa vérité érotique ne peut aboutir qu’au reniement de soi. La honte sexuelle est en elle-même une sorte de mort.
Parfois, quand tout allait bien, je crois que mon père aimait vraiment avoir une famille.
De plus, mes frères et moi offrions une main d’œuvre gratuite. il nous considérait comme des extensions de son corps, des bras-robots de précision.
En théorie, ses relations avec ma Mère relevait plutôt de la coopération.
En pratique absolument pas.
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La critique littéraire restait pour moi une activité suspecte.
Notre maison était une colonie d’artistes. Nous mangions ensemble mais consacrions le reste du temps à nos quêtes personnelles et dans cet isolement, notre créativité prenait un tour compulsif.
On pourrait penser qu'une enfance passée dans une proximité aussi banale des choses de la mort serait une bonne préparation. Que lorsque quelqu'un de votre entourage mourait, vous pourriez sauter une ou deux phases du processus de deuil- "déni" et "colère" par exemple... et reprendre d'autant plus vite une vie normale. En fait, ces années passées à rendre visite aux fossoyeurs, à plaisanter avec les vendeurs de tombeaux et à taquiner mes frères avec les capsules de sels ont rendu la mort de mon père encore plus incompréhensible. Qui embaume le croque-mort quand il meurt? C'était comme le paradoxe de Russell... la célèbre énigme du barbier rasé de près dont la pancarte proclame "Je rase tous les hommes, et uniquement ceux-là, qui ne rasent pas eux-mêmes." Le barbier, également incapable de se raser lui-même et de ne pas se raser, ne peut exister. Et pourtant, le voilà.
[En parlant de ses parents] « Leur concentration extatique ravive chez moi un ressentiment familier. Il est sans doute puéril de leur contester les bienfaits de leur solitude créative. C’était la seule chose qui les nourrissait. De ce fait, elle dévorait tout. Suivant leur exemple, j’appris vite à me sustenter seule. C’était toutefois un cercle vicieux. Plus nous trouvions de gratification dans nos génies respectifs, plus nous nous isolions. Notre maison était une colonie d’artistes. Nous mangions ensemble mais consacrions le reste du temps à nos quêtes personnelles. Et dans cet isolement, notre créativité prenait un tour compulsif »
L'expression "quelle horreur" a un côté un peu facétieux qui me rappelle Wilde. Elle englobe l'horreur réelle - la puberté, la disgrâce publique - pour l'esquiver d'un rire à la dernière seconde.