Au fil des pages de ce roman, l'érotisme s'accentue frôlant son apogée, sans jamais l'atteindre, à tel point qu'il est tentant de se demander où cela peut mener. L'histoire, nous le savons dès le départ, est vouée à l'échec, mais le ton reste intelligemment mystérieux pour nous perdre dans un vertige érotique.
Si « roman » semble être le genre choisi, Emma ne rougit pas derrière Ellie. Elle rend à la littérature ses lettres de noblesse, en jouant de l'indicible. Si presque tout est raconté, elle peut être fière de donner derrière chaque mot, pesé, réfléchi, une puissante argumentation. La jeune Emma impressionne par la maturité de son style.
Certains auteurs prétendus "sulfureux" s'étonnent du courage qui consiste à briser des interdits pulvérisés depuis des années. «
Mr » impressionne, non pas avec ses scènes érotiques transparentes, racontées sans pudeur, mais plutôt par la capacité de l'auteure à précisément écrire des désirs.
Ellie et « Monsieur » deviennent des figures littéraires en apparaissant comme des personnages hautement problématiques
Monsieur est marié, Ellie a 20 ans, une flopée de garçons à ses pieds, ils ne se connaissent presque pas, ne partagent que des draps. Où se situe l'attirance ? Dans l'éphémère, le péremptoire, les parenthèses ? le corps de l'autre, ou sa totale dévotion ? La séduction ou la soumission ?
Ellie détaille chacune de ses émotions, mais écoute aussi le moindre sursaut ou souffle du mystérieux Monsieur. Elle retranscrit chaque geste, mot, et les dissèque au scalpel.
La jouissance est analysée, le plaisir justifié. «
Mr » s'apparente à une mécanique des hommes, écho moderne à
Calaferte.
Emma Becker nous a prouvé, si tant est qu'il faille encore le faire, que le corps n'est pas si mécanique que l'on croit, elle écrit avec sa chair.
J'ai trouvé là une écriture " Superbe " pour une jeune auteur (22 ans ) dont c'est le premier livre, qui traite d'un sujet " combien délicat " !!