Agréable marche ce matin avec Papa, qui devient vieux avec une philosophie pleine de grâce. Comparant les abeilles & les papillons aux éléphants & perroquets & parlant de contrats avec le niveleur. Faisant irruption à travers les haies et passant par-dessus les murs avec l’aide de mon épaule, blasphémant et s’arrêtant pour se reposer sous prétexte d’admirer la vue. Je n’aurai jamais quelqu’un d’autre comme lui.
(Samuel Beckett à propos de son père Bill Beckett, fin juin 1933, deux mois avant sa mort d’une maladie foudroyante.)
Lettre à Axel Kaun, 9 juillet 1937
De plus en plus mon langage m’apparaît comme un voile qu’il faut déchirer pour parvenir à ces choses (ou ce rien) qui se cachent derrière. Grammaire et style ! Pour moi ils semblent être devenus aussi hors de propos qu’un costume de bain Biedermeier ou l’imperturbabilité d’un gentleman. Un masque.
Il faut espérer que le temps viendra, Dieu merci, dans certains cercles il est déjà venu, où la meilleure manière d’utiliser le langage sera de le malmener de la façon la plus efficace que possible.
Puisque nous ne pouvons pas le congédier d’un seul coup, au moins nous voulons ne rien négliger qui puisse contribuer à son discrédit. Y creuser un trou après l’autre jusqu’au moment où ce qui se cache derrière, que ce soit quelque chose ou rien, commencera à suinter — je ne peux imaginer de plus noble ambition pour l’écrivain d’aujourd’hui.