« Il y a deux types de maîtres. Nous faisons partie des bons maîtres qui détestons être sévères. Il est donc plus difficile d’obtenir quelque chose, et il faut beaucoup de tact et de délicatesse. Alors, je préfère laisser les choses aller. Et je ne veux pas faire fouetter ces pauvres diables. » (p. 73)
« C’est absurde de parler du bonheur que peuvent connaître les esclaves. Travailler toute sa vie, du matin au soir, sous l’autorité d’un maître… et cela juste pour un peu de nourriture… C’est une honte. » (p. 76)
Ces paroles frappèrent Éliza de stupeur. La vision du marchand d’esclaves lui revint ; elle pâlit, la respiration lui manqua comme si elle eût reçu un coup mortel. Elle chercha des yeux son Henri qui, las du ton grave de la conversation, était allé sous la véranda, où il galopait triomphant sur la canne de M. Shelby. Elle eut envie de parler à son mari de ses craintes, mais elle se retint.
Un méchant homme a beau étouffer ses remords ; sa conscience est pour lui une hôtesse incommode.
- Vous venez trop tard, monsieur George. Le Seigneur m'a racheté, il va me conduire chez lui... Et j'aspire à y aller. Le ciel vaut mieux que le Kentucky.
Et mesquines peuvent être ces choses
qui ramènent
Sur le coeur le poids que celui-ci vou-
drait
A jamais chasser - C'est un son,
Une fleur, le vent, l'océan qui rouvrent
la blessure
En frappant la chaîne électrique qui
nous
Lie de ses noirs anneaux.
Byron, Childe Harold.Chant IV.
L'oreille qui n'a jamais entendu que des injures est incapable de croire à la bonté.
- Entendons-nous, protesta le maquignon. Le Seigneur en a fait des êtres humains, et on se donne toute la peine du monde de les transformer en bêtes.
- La malédiction divine repose sur l'esclavage ! s'écria-t-elle désespérée. Et c'est une malédiction qui retombe autant sur le maître que sur l'esclave. Sotte que j'étais, de croire que je pourrais tirer quelque bien d'une situation aussi détestable ! Quelle honte d'avoir des esclaves sous des lois comme les nôtres ! Je pensais déjà ainsi quand j'étais enfant ; quand je me suis convertie, j'en étais persuadée, mais j'espérais rendre la condition de ces malheureux plus supportable, meilleure même que la liberté à force de bonté, de soins dévoués, d'instruction. Folle que j'étais !
- Notre maître à nous est si bon !
- Certes, mais qui sait ? Il peut mourir, et je petit pourrait être vendu à n'importe qui. A quoi lui servirait d'être beau, intelligent, vif ? Je t'assure, Eliza, qu'une épée transpercera ton âme pour chacune des qualités de ton enfant ; plus il en a, moins tu auras une chance de le garder.