Un homme se noie.
Pas n'importe où.
Dans le « contre-réservoir de Grosbois », près de Dijon, et « non dans un lac, comme le commun des mortels. »
Une malencontreuse crampe à « l'arrière de la cuisse » lui laisse le temps de convoquer souvenirs, désarrois, échecs et joies.
« Aujourd'hui, je me noie. »
Étrange petit livre que ce «
Requin ». Étrange, métaphysique, drôle, désemparé, désabusé, comme le « clafoutis de la vie. »
Bertrand Belin m'était connu comme chanteur, auteur, interprète, portant de sa voix grave des textes originaux et poétiques.
Il écrit là son premier roman et c'est une vraie réussite.
Le narrateur voit ressurgir différents épisodes de sa vie « tout ce dans quoi l'homme est plongé corps et âme » et qui constitue « le difficile métier de vivre. »
Son métier, topographe au service d'archéologues, sa passion pour la préhistoire, sa femme, son fils, une pêche aux briques de lait UHT, des dents cassées, un cygne égorgé, un vol de squelettes mérovingiens, tout ce « dédale » qui mène à la mort dont on devine « qu'elle ne promet pas quelque chose d'incontestablement folichon. »
J'ai trouvé ce petit roman plus efficace que bien des traités de philosophie s'agissant de cerner le « passage de vie à trépas » qui est « la catastrophe de l'homme », « sa plus grande catastrophe », surtout quand on périt « si bêtement, serré dans un slip de bain Go sport. »
L'humour noir est probablement le meilleur stimulant et on ressort de ce livre bien décidé à profiter du feu et de la neige, de la lumière et à ne plus se contenter de « petits arrangements avec la vie. »
« Je veux courir en tout sens, me répandre en logorrhées par les vallons et dans les villes, je veux tenir salon derrière des monuments, je veux boire et manger éperdument […], mettre ma tête dans la gueule d'un fauve, me rouler dans le raison avec des Chinoises… »