« Seul celui qui espère peut continuer à vivre . Car celui qui n'envisage plus un avenir a déjà renoncé à son âme . Avant qu'elle ne le quitte. ».
Extrait du livre d'
Ulrich Alexander Boschwitz, «
Levoyageur » que l'auteure , la fille de la narratrice aurait aimé lui faire découvrir avant sa disparition , en mai 2018.
C'est une très longue lettre d'amour un magnifique récit personnel évoquant avec tendresse en phrases élégantes et raffinées pétries de tendresse où pudeur , lucidité , souvenirs , douleurs , s'entrecroisent au fil des pages de ce PUZZLE familial, un témoignage autobiographique accompagné des silences beaucoup de silences de sa mère :
Nicole , née en novembre 1934, enfant cachée durant la deuxième guerre mondiale , de Paris occupé en passant par la Bourgogne ombrageuse à Linant ——-sous la tutelle de la vilaine fermière , en jupon gris , les toisant , elle et son frère d'un air mauvais madame Bouygues ,——Nicole ——devenue, une jeune femme débordée, une cardiologue parisienne éminente , doctoresse tourmentée ,passionnée par son métier , tout près des ses patients du « coeur » , qui affronta à l'époque l'autoritarisme des chefs de service , la rigidité d'un système établi par l'ordre des médecins lors de sa création , sous le régime de Vichy, en 1942. ….. « le régime de Vichy, cette tâche sombre au pays des lumières » .
Port de l'étoile jeune , une partie de la famille déportée , Nicole : « enfant cachée tu as dissimulé des fragments de ton histoire sans doute pour lui survivre » écrit la narratrice .
Elle cherche , elle classe , elle fouille , elle range elle trie les humiliations des parents de Nicole , Rachel et Herman , petits chapeliers juifs , artisans venus de Pologne , Rachel, la grand - mère, tant aimée qui gardait les enfants de deux cardiologues débordés .
Le mari de Nicole : Paul Benaïm , dont en réalité le prénom était Abraham , encore un puzzle entre juifs Séfarades et juifs Ashkénazes, lui aussi cardiologue qui découvrit la détresse et la misère à l'hôpital…..
La narratrice évoque , dans la dernière partie du livre : bouleversante, les difficultés actuelles de son père , devenu aveugle , né en Algérie en 1926, une fin de vie douloureuse , un lent glissement ,la non fiabilité des EPHAD, l'impossibilité de trouver pour lui , une résidence sécurisée ,lui, qui pourtant a passé sa vie à soigner les autres avec passion .à l'hôpital.
Un bel hommage rétrospectif , témoignage d'amour intime et universel , aux vivants et aux morts, sur les liens familiaux, les non - dits …beaucoup de non - dits ….
Les faire parler et revivre pour CONJURER l'absence , ce combat magnifique , sur la transmission , la dépendance, le dévouement aux autres et la fin de vie …
Face à cette sidération, le départ de cette mère , si lointaine devient très proche, la narratrice réveille le passé tragique .pour dénoncer l'antisémitisme d'aujourd'hui ——-sa mère partie en laissant en héritage ses doutes, ses conditions ,ses peurs dans un monde pétri d'échardes——
Cette lettre , elle l'a écrite avec son coeur parce que sa maman si occupée par son métier L'ÉCOUTAIT peu, pour tordre le cou du temps , pour avoir sa mère , enfin ,entièrement à elle . ….
Enfin pour témoigner du destin d'une famille éprouvée , pour ne jamais OUBLIER .
Un très beau témoignage complet , dense , riche , foisonnant, éclairant, lumineux malgré tout , à l'écriture magnifique, qui, je l'espère a permis à l'auteure de commencer à faire son deuil.