J'ai lu ce livre avec recueillement et dès que j'ai tourné la dernière page, j'ai su qu'il allait faire partie des "romans phares", ceux sur lesquels j'aime revenir de temps à autre...
Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est la gravité "légère" de l'auteure, forme de paradoxe dont elle se tire à merveille.
Légèreté du cadre spatio-temporel à peine esquissé : une ville, une colline, une maison, sorte de ventre matriciel, où vont se retrouver cinq personnages : Octave Lassalle, vieil homme en fin de vie, qui va jouer les grands prêtres pour "sauver du vivant" comme lorsqu'il était chirurgien ; Béatrice au regard marin, Hélène au "sourire qui flotte", Marc Mazetti, l'homme "aux nuits sans sommeil" et Yolande, "déesse prosaïque" dont la vitalité et la force impressionnent tous les autres.Entre ces quatre-là, un pacte officiel et un autre implicite qui va leur permettre de naître ou de renaître à eux-mêmes et aux autres, par-delà leurs anciennes blessures.
Légèreté de la phrase, qui passe avec fluidité du récit au dialogue, du je au tu, qui cerne avec beaucoup de doigté, l'impalpable, l'éphémère, celui d'un geste, d'une posture, d'un regard... le langage du corps est perçu avec une grande justesse dans tout ce qu'il peut révéler de l'intime.
Légèreté de la construction très symphonique avec un début et une fin qui se font écho et différents chapitres qui donnent à entendre chaque personnage mais avec une alternance qui n'a rien de systématique.
Légèreté, fluidité vont de pair avec un grand souci de précision et l'on a l'impression que l'auteure part à la "traque" du mot le plus juste, celui qui exprime la quintessence de sa pensée. J'ai beaucoup aimé cette alliance des contraires qui oblige le lecteur à se poser et à réfléchir.
Car ce qu'évoque Jeanne Benameur par la voix de ses personnages n'a rien de léger ni d'anecdotique.
L'enfance est l'un des thèmes qui balaie tout le roman. Mais rien n'est simple, ni idyllique dans l'évocation qu'elle en fait. Qu'il s'agisse de "l'enfant en trop", de "celui qui remplace", de "l'enfant perdu" ou même de "l'enfant cadeau", il va toujours falloir trouver le lien qui répare, qui guérit les anciennes blessures voire les traumatismes. L'amour est une autre thématique récurrente . Mais là encore pas de chemin balisé : amour fusion, amour nomade, le choix est souvent difficile. Hélène, la peintre, en fera la douloureuse expérience , elle à qui va échoir la délicate mission de faire le portrait de la fille défunte d'Octave Lassalle. Ce travail sera pour elle un véritable parcours initiatique qui va lui révéler ce qui se cache derrière l'acte créateur : la découverte d'un sacré qui n'a rien de religieux mais qui est le moyen de relier les vivants aux morts tout en étant également une prise de conscience de sa propre finitude.
Cette conception de l'art, de l'acte créateur se retrouve avec une grande force dans tout le roman et l'on sent que pour Jeanne Benameur c'est une profession de foi qui participe aussi d'un humanisme,sans transcendance, à hauteur d'homme. A ce titre, on peut penser que les convictions d'Octave Lassalle sont sans doute aussi les siennes tellement est grande la tranquille assurance qui s'en dégage.
Pour finir, je dirais que ce roman est une belle méditation sur l'humain, le sens de la vie et de la mort, et qu'à ce titre il mérite d'être lu et savouré page après page...
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On croit, passé les premières pages, qu'on aura droit à un débat sur l'aide médicale à mourir. L'auteure a plutôt choisi le côté vivant du personnage principal, Octave Lassalle, un vieux médecin retraité qui vit seul dans sa grande maison. C'est un hommage à l'humanisme, aux liens qu'on tisse les uns avec les autres, pas nécessairement ceux de la famille mais plutôt ceux reliés à notre condition de mortels. Une très belle écriture porte le récit et nous achemine trop vite vers une fin que j'ai trouvé précipitée.
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Octave Lassalle, quatre-vingt-dix ans, décide d'engager quatre personnes qui viendront, tour à tour, partager sa maison dans la journée et s'occuper à différents travaux. Il s'agit de Marc, Hélène, Béatrice et Yolande. Petit à petit des liens se nouent avec le vieil homme et la vie de chacun s'en trouve transformée, celle d'Octave Lassalle aussi d'ailleurs.
Petit à petit, on entre dans l'univers de chacun et l'on comprend que le salut peut venir des autres ou de l'action. C'est un livre tendre et profond sur ce que la vie fait, défait et dépose en nous. Il faut aimer être en contact avec les chemins intérieurs pour apprécier l'oeuvre et ses nuances. J'ai aimé.
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C'est rare mais j'ai bien du mal à trouver les mots pour qualifier mon ressenti en refermant ce livre.
Je suis émue, je suis mal à l'aise, je suis perplexe, je suis tourne-boulée...
J'ai adoré le voyage, mais j'avais mis ma ceinture ça m'a valu des sueurs froides. Je parle des montagnes russes d'émotion, pas de violence. Il n'y en a aucune.
La délicatesse des mots choisis, la douceur des gestes, des intentions, ...
Je pense que ce livre ne se raconte pas, il faut le lire.
Je suis très très attachée à cette auteure!
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