La nuit avec ma femme

Nous dormons longtemps. Jusqu'à ce que la nuit arrive.
Jusqu'à ce qu'il ne reste plus la moindre lumière sur ce jour.
Et qu'il soit hier.

Ton père est là.
Je m'accroche à lui.
Il se retourne lorsque je l'appelle silencieusement.
Il nous sourit.
Nous n'avons plus d'âge.
Près de ton père, le silence est encore plus assourdissant.
Ah s'il pouvait pleurer un coup !
Sortir un râle !
Rêvez, hommes sans tête.
Vous êtes chez les forts.
Pas d'amour avant l'amour.
Pas de vie avant l'humanité.

Je l'ai perdu un jour.
Tu sais où se cachent les souffles ?
J'ai pris ceux d'autres. Greffes d'air.
Mais c'est pas pareil tu sais.
Le vent des autres n'est pas aussi pur et frais.

Je voudrais enregistrer les battements de coeur des gens que j'aime. Ni photos. Ni films. Ni mèches. Des coeurs. Des voix. Des pas.

C'est un dernier râle. Les petits morceaux de joie éparpillés ici et là dans son corps, dans demain, dans ce qui aurait été joyeux plus tard, se réunissent pour éclater en une fois. L'océan se vide dans une vague.

Les voix viennent des corps. Et les corps de la terre.

Le soleil a changé, puisqu'il manque une ombre.

Après quatre années, il est sorti de prison.
J'ai eu tant de mal à le dire à notre fils. Ça y était. Nous étions dans le même monde. Et j'avais des amis en banlieue qui avaient pris plus pour avoir revendu du shit.

On va où papa ?
On rentre à la maison.
...
Je dois te dire quelque chose... dans quelques minutes, je vais tuer mon fils. Une partie de lui. Et personne d'autre ne peut le faire. Pourquoi pas un étranger. Quelqu'un qu'il ne reverra jamais. Je vais le bousiller en quelques phrases. Moi, son père. Lui cogner le coeur. Tu es né il n'y a pas longtemps. C'était marrant la vie. C'est fini.

Tu as vraiment joué avec la vitesse de mon sang.