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Critique de Lamifranz


Avec ce roman, Pierre Benoit délaisse les contrées lointaines et nous ramène en France, dans notre province profonde, comme il l'avait fait auparavant avec quelques romans forts (« Mademoiselle de la Ferté », « Alberte ») où l'intrigue tient moins à l'aventure et au mystère, qu'aux ténébreux méandres de la psychologie (provinciale ou pas), et aux tergiversations, et parfois errements de l'âme humaine.
Pierre Benoit, né à Albi (Tarn), avait une passion pour le pays lotois (limitrophe), où il aimait, entre deux voyages, venir se ressourcer, il avait élu résidence à Saint-Céré (à l'Hôtel Tourcoing), et il y a écrit plusieurs de ses romans, notamment ce que l'on a qualifié de « trilogie quercynoise » : « Alberte », dont l'action se situe à Mauriac, dans le Cantal voisin, « le Déjeuner de Sousceyrac » » qui se passe à Sousceyrac (Lot) à 16 km de Saint-Céré, et « Lunegarde » dans le village éponyme à 34 km de Saint-Céré.
Philippe Mestre, « remontant » à Paris, s'arrête pour déjeuner à Sousceyrac, petite ville du Lot, où jadis, enfant, il a passé quelques vacances. Il apprend incidemment le décès d'une vieille tante, Ernestine, brouillée depuis longtemps avec sa famille. Quelle n'est pas sa stupéfaction quand il apprend que la vieille dame, que l'on croyait sans le sou, était en fait richissime et qu'elle a légué sa fortune à un marchand de bois qui lui aurait rendu service dans le passé. Philippe décide de rester pour en savoir plus. C'est ainsi qu'il fait connaissance du fils de l'héritier, Léonce Cajarc, et de son épouse Armande, qui ne le laisse pas indifférent. L'enquête, rondement menée, débouche bien évidemment sur une captation d'héritage… Que va faire Philippe ?
Il y a deux Pierre Benoit : celui des romans d'aventures et de mystère (« L'Atlantide », « Koenigsmark », etc.), et celui des romans intimistes. Tous les deux sont aussi intéressants, grâce notamment à une écriture fluide, élégante et très agréable. Mais les sujets traités sont très différents. Si les romans « exotiques » sont, quoique passionnants, assez prévisibles (intrigues qui se ressemblent, personnages stéréotypés, cocktail sans surprise d'action et de mystère), les romans « régionaux », plus intimistes, sont absolument captivants par le compte rendu minutieux de la vie de province, avec ses secrets, ses non-dits, ses mesquineries, parfois ses malversations ou même ses crimes ; également par le portrait psychologique de personnages à la fois familiers et exceptionnels, où le poids des traditions et des coutumes fait perdurer des situations qui tôt ou tard peuvent devenir tragiques. Ce Pierre Benoit-là, on pourrait le relier à un René Bazin ou un Henry Bordeaux, mieux encore à un François Mauriac.
Comme la plupart des romans écrits à cette époque, il faut replacer l'histoire dans son contexte : les mentalités ont évolué, les lois aussi. Les successions aujourd'hui sont mieux encadrées (en principe) et une captation d'héritage comme celle décrite ici est difficilement pensable de nos jours… Ce point assuré, « le déjeuner de Sousceyrac » reste une très agréable lecture.
Il faut lire Pierre Benoit pour les histoires qu'il raconte, toujours passionnantes et riches de contenu, mais aussi pour sa langue, une des plus belle de cette époque, raffinée et recherchée, et en même temps d'une grande facilité de lecture, d'une fluidité rare, d'une belle puissance d'évocation, capable d'éveiller chez le lecteur les sentiments les plus divers, de l'antipathie la plus profonde à l'empathie la plus généreuse et spontanée avec ces personnages qu'on n'oubliera pas de sitôt.
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