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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Vous voyez, en plus elle est graphomane, dit Karelov avec une ironie un peu ,douloureuse."
Non, nous sommes pas dans le forum de Babelio, non !! C'est bien d'un livre de ma chère Nina Berberova dont il s'agit ici... et qui nous parle comme personne de souvenirs d'enfance, de quête de bonheur et d'amour, à travers ce déracinement qu'est l'émigration et qui est au coeur ce que le train est au voyage :
"Tu as le coeur qui bat terriblement vite, dit-elle soudain-, c'est même comique...Non, c'est vraiment incroyable comme ton coeur fait du bruit. On dirait une voie ferrée."
Peut-être faut-il aux émigrés - et pas seulement à eux- l'amour pour trouver un point d'ancrage ? : "Elle avait envie de dire que, malgré ce chemin qui serpentait dans la colline, son tour du monde était terminé, que toute sa vie elle avait pensé qu'elle était heureuse, alors qu'elle ne l'était pas du tout, qu'elle voulait être toujours et sans fin avec lui".
Le génie de Berberova est de nous montrer (particulièrement ici) que tout être humain est en réalité un émigré qui cherche le sens et le but de sa vie. Elle s'inspire de son expérience personnelle et de ses rencontres pour atteindre l'universel à partir de situations particulières. le Livre du bonheur s'inscrit donc dans une recherche de sens, qui bien que marqué du sceau d'une conception de la vie telle qu'on l'entendait à la fin du XIX et au début du XX, nous concerne encore. Car le malheur et la souffrance ont beau prendre différents visages, c'est toujours contre eux que l'on se bat pour faire sa vie. Nina Berberova montre dans la plupart de ses livres qu'il est possible à chacun de se prendre en mains et de vaincre l'adversité. Ce qu'elle a fait elle-même du reste.
Un très beau livre, magnifiquement écrit, émouvant au début et intense à la fin.
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« De façon générale l'amour n'a jamais été et ne sera jamais une seule et même chose. »


« Sera-t-il possible de faire la connaissance de ce garçon, de l'aimer et de lui plaire, de le garder pour soi toute seule ? » C'est en ces termes que Véra, petite fille de dix ans, vécut la rencontre avec ce garçonnet Sam Adler. Lui aussi était seul mais vivait dans un imaginaire qui lui était propre. Elle se coula avec une aisance naturelle -après tout elle n'était personne- dans les rêveries de Sam, pour n'en sortir que des années plus tard.

« Dans cette merveilleuse vie de joie et de labeur, il était bien sûr ce qu'il y avait de plus merveilleux à ses yeux, mais elle savait en même temps, et ce dès le premier jour de leur rencontre, qu'il n'était traduisible en aucune langue. ».

Ainsi, enfants, « le complot de l'amitié » fût une grande joie -un bonheur pour Véra ?- et rien ne les enchantait plus que de voyager en plein milieu du salon installés sous un tas de coussins recouvert d'une couverture.

Toutefois, les années passent, les enfants deviennent des jeunes adultes. Sam part avec sa famille après la Révolution russe, laissant Véra seule en ce pays où la misère et la famine s'installent. Elle se sent alors orpheline, inutile.

Jeune femme elle rencontre à ce moment-là, Alexandre Albertovitch. Et le « désir d'être bonne envers quelqu'un » se manifeste. « Elle devinait que seule la bonté pouvait la sauver de son isolement d'orpheline et des passions, la rendre de nouveau heureuse comme dans son enfance, c'était là pour elle le seul amour. Tout le reste n'était que trahison et solitude. »

Mais « Véra eut le sentiment que quelque chose s'éteignait à côté d'elle, sa propre vie, si amère, si dure et si belle, faite de séparations, de contrées étrangères et de larmes salées. »

Alexandre Albertovitch est un homme plus âgé qu'elle et d'une constitution fragile. Il lui dira peu de temps avant de décéder : « Je me suis cramponné à vous. Imaginez seulement un homme qui meurt de vie. Il a de la glace sur le front, un sac d'oxygène sur la poitrine, sa main est dans celle de quelqu'un de proche. Eh bien vous êtes tout cela : la glace, l'oxygène, la main... » Il ne voudra et ne pourra la rendre heureuse.

Veuve très jeune, elle tentera de trouver ce qu'elle aime, pour elle, et passera des mois à se questionner pour retrouver sa joie d'enfant. Finalement elle décidera : « continuons cet amour criminel et inflexible de la vie, puisqu'il ne nous reste rien d'autre, elle seule ne nous trahira pas et s'en ira avec nous... Et le temps se balançait derrière les fenêtres de cette maison, pareil à une lame de fond. »

« Elle essaya de toutes ses forces de ne se rappeler de rien – car si on ne se souvient pas, cela veut bien dire qu'il n'y a rien eu-, ils en avaient convenu ainsi du temps de Sam. »

Puis, vint dans sa vie, Karelov. Il venait de se séparer et cherchait à se reconstruire. Au point où elle en était, de son questionnement quant à l'existence du bonheur, il arriva au moment opportun.

« Elle regardait et voyait la vie, ce courant qui était aussi en elle, et, dans cette sensation de joie étouffante, abandonnant ce reflet fantomatique d'elle-même qu'elle s'était imaginé un jour, elle ne faisait qu'un avec l'univers tout entier, le soleil qui se lève, les cris des oiseaux, tout ce qui est et demeure sans fin. Dans cet instant presque insupportable – car ce n'était, bien sûr, qu'un instant, c'était elle qui ensuite inventait les minutes-, elle ne sentait pas le temps s'écouler à côté d'elle, car elle était le temps lui-même, comme le soleil, les oiseaux et l'univers. »

« Et il y avait sur cette figure (''et donc sur la mienne aussi'' – pensa Véra) quelque chose d'entièrement nouveau, qui ne s'était jamais manifesté jusqu'alors et que Véra voyait pour la première fois sur un visage humain – une expression d'appartenance soumise, de fusion totale en elle, de dévouement sans retour. ''Pourquoi a-t-il ce regard ? C'est lui qui est le maître de tout, et moi son esclave. Il sait bien que c'est lui qui ordonne et moi qui m'incline, comment peut-il me regarder avec tant d'abnégation, alors qu'il a un tel pouvoir ,''
Mais Karelov ne changeait pas d'expression et ne quittait pas Véra des yeux, avec cette seule pensée : pourquoi, alors qu'elle est la maîtresse de toute chose, de son existence tout entière, que tout n'est que par elle, à travers elle, pour elle, le fixe-t-elle comme une esclave ? Pourquoi ? On dirait qu'elle attend, saisit ses pensées, chaque mouvement de son âme, quand toutes ses pensées, tous les mouvements de son âme, ne sont faits que d'elle.
Ils ne pouvaient se dire cela et ignoraient qu'ils pensaient à la même chose, mais tous deux étaient étonnés, émus et heureux de cette union de la force terrible avec la faiblesse, de la puissance et de la sujétion. »

Est-ce le bonheur ?


« Quand j'avais dix ans, j'ai entrepris un voyage autour du monde. Et je suis incapable de me dire quand je reviendrai. »


J'ai laissé de nombreuses citations, l'écriture de Nina Berberova est si magnifique. Je crois que c'est à ce jour le plus beau roman que j'ai lu d'elle. Qu'est devenu Sam ? Se sont-ils revus ? On l'apprend dès les premières pages de ce roman. Un hôtel. A Paris. Une chambre...
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Je n'ai pu m'empêcher de penser au terme "âme Russe" ou slave, en lisant ce roman, la poésie ,la sensibilité ,le lyrisme m'ont paru correspondre à ce terme ,dont je ne suis toutefois pas sûre de comprendre toute la dimension
Mais j'ai aimé le style ,cette analyse si profonde du souvenir, de la mémoire ,de l'âme humaine , à travers le parcours de cette Russe qui quitte son pays après la révolution de 1917,des tranches de vies ,des amitiés, des amours essaimés ici ou là.
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Un de mes préférés celui-là! toujours la même finesse mais sans désespoir ni amertume...
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