Citations sur Le roseau révolté (18)
Trois demoiselles en sortirent, vêtues de la même façon, et chaussées de galoches si extraordinaires, si parfaites, qu'on se demandait comment un tel objet n'avait pas encore été célébré en poésie. Poètes, à quoi pensez-vous ? Les galoches suédoises attendent de vous un poème, et aussi les imperméables, les capuchons si commodes, les merveilleux gants en caoutchouc. N'oublie pas non plus la culotte de laine que tout le monde ici porte d'août à juin : elle aussi attend son ode.
Venise a la qualité de disparaître en un instant, de ne pas courir derrière le train avec des clins d'oeil à gauche et à droite comme le font d'autres villes, mais de sombrer aussitôt, comme si elle n'existait pas, n'avait jamais existé.
Il ne fallait pas la laisser toucher à mon destin ; ce n'était pas à elle de me délivrer un billet d'entrée pour un coin de mon univers, ni d'organiser mon no man's land.
« Plus les gens prennent l’habitude de vivre ensemble, plus sûrement perdent - ils le besoin de parler d’eux- mêmes » …..
Ils me font pitié ceux qui, en dehors de leur salle de bain, ne sont jamais seuls.
Maintenant, quand une porte s’ouvre ou qu’une fenêtre se relève, les larmes de gratitude ne m’étouffent plus, non ! Je ne profite pas de toutes les occasions, je ne m’incline pas devant toutes les permissions. Après ce que j’ai vu, je n’ai pas envie d’être, en quoi que ce soit, l’animal que l’on met au pas, que l’on dresse, que l’on envoie quelque part, que l’on gave ou que l’on fait mourir de faim, que l’on punit ou que l’on congratule pour avoir bien obéi à la baguette.
Il y a l’existence apparente, et puis l’autre, inconnue de tous, qui nous appartient sans réserve. Cela ne veut pas dire que l’une est morale et l’autre pas, ou l’une permise, l’autre interdite. Simplement chaque homme, de temps à autre, échappe à tout contrôle, vit dans la liberté et le mystère, seul ou avec quelqu’un, une heure par jour, ou un soir par semaine, ou un jour par mois.
C’est l’espoir. Nous avons obtenu un sursis. Le verdict d’un juge, d’un médecin, d’un consul est ajourné. Une voix nous annonce que tout n’est pas perdu. Tremblante, des larmes de gratitude aux yeux, nous passons dans la pièce suivante où l’on nous prie de patienter, avant de nous jeter dans l’abîme.
Quand le vaporetto descendit le Grand Canal, et qu'à gauche et à droite s'offrit à mon regard la dentelle en pierre des palais, noircie par le temps, je me sentis projetée dans une autre dimension où tout était léger, dentelé, aérien, où l'on ne pouvait, ni d'ailleurs ne voulait plus appliquer à la vie et à soi-même les mesures habituelles, où rien n'était comme avant, l'impossible devenait possible,la lourdeur s'allégeait, le désespoir n'était plus qu'un mélange de tristesse et de joie
Quand le vaporetto descendit le Grand Canal, et qu'à gauche et à droite s'offrit à mon regard la dentelle en pierre des palais, noircie par le temps, je me sentis projetée dans une autre dimension où tout était léger, dentelé, aérien, où l'on ne pouvait, ni d'ailleurs ne voulait plus appliquer à la vie et à soi-même les mesures habituelles, où rien n'était comme avant, l'impossible devenait possible,la lourdeur s'allégeait, le désespoir n'était plus qu'un mélange de tristesse et de joie