AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MathieuK


Les racines du mal…
De suspense sur l'issue de la relation entre Etienne et son épouse Vive, il n'est nullement question puisque, dès la première page, la sentence tombe : “Il était alors impossible que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Etienne tuerait sa femme”. A travers ce livre, Claire Berest a cherché à restituer ce qui peut pousser un homme, sans antécédent de violence, à assassiner la personne qu'il aime, qu'il a choisie pour la vie, son épouse. Quel grain de folie a pu enrayer le cerveau de cet homme sans histoire?

Etienne Lechevallier est correcteur dans une maison d'édition ; Vive, passionnée de photographie, travaille pour un centre culturel. Ils se connaissent depuis l'enfance, se sont perdus de vue puis se sont retrouvés il y a huit ans par la magie des réseaux sociaux. Vive sortait d'une rupture amoureuse, ils étaient tous les deux célibataires ; très différents l'un de l'autre, leur singularité les a émus. Etienne considère qu'ils forment un couple solide cimenté par des rituels qui leur est propre : le concert hebdomadaire du mardi, le voyage annuel en Italie sur les traces De Stendhal…sauf que Vive étouffe, elle n'a plus de place pour s'exprimer, ne se sent pas écoutée, valorisée. Elle a déjà essayé de lui faire comprendre en partant, une première fois il y a trois ans, 27 jours. Il a tout fait pour la récupérer, lui a tout promis, mais il n'a rien compris…

Alors, un jour ça a craqué et il n'a pas supporté.

Claire Berest nous plonge dans les failles psychologiques de cet homme psychorigide qui s' est créé un univers hermétique, totalement autocentré, qui bascule un jour dans la folie. A travers une analyse assez fine de ces deux personnages, nous voyons cet univers basculé parce qu'il se sent “tellement trahi…”.
Il s'en faut alors d'une épaisseur de cheveu pour qu'il commette l'irréparable.

Pour remonter aux racines du mal, d'autres écrivains se sont plongés dans la tête de bourreaux et d'assassins. Je pense évidemment à Jonathan Littell avec Les Bienveillantes, ou encore Robert Merle avec La mort est mon métier. Ils avaient fait le choix d'un récit à la première personne du pluriel. D'autres, plus récemment comme Neige Sinno avec Triste Tigre, n'ont pas choisi la forme romanesque et pose la question de savoir si nous sommes tous faits de la même glaise : l'inhumanité est-elle aussi une part de l'humanité.

Claire Berest fait le choix d'une narration à la troisième personne qui permet de donner un caractère plus littéraire à son oeuvre ; à mon goût, inutilement boursouflé par l'emploi de l'imparfait du subjonctif affirmé dès l'incipit “quand Etienne Lechevallier s'indigna à part lui que le serveur du Petit Brazil reluquât encore une fois d'un drôle d'air”. Elle fait aussi le choix d'incarner un couple qu'elle imagine être des Monsieur et Madame Tout-le-monde par des parisiens sans enfant travaillant dans le domaine culturel et propriétaire de leur appartement (maybe il faudrait lui dire que ces gens sont plus une exception que la norme).

Ces choix réduisent considérablement la portée du roman, dont la lecture est agréable, mais qui n'est pas à la hauteur de son ambition.
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}