"[...] le peuple est une grande girouette ! Il tourne toujours dans le sens du vent. Révolution, empire, monarchie, république, peu lui importe me régime qui le gouverne pourvu qu'il ait un peu de grain à casser dans son écuelle."
"Jadis, lorsqu'il avait été victime de l'injustice, il n'avait trouvé que le bras de la lecture comme secours. Et à plus de cinquante ans, c'était encore dans les livres qu'il puisait le moyen de se détacher de l'absurde du monde qui l'entourait."
Dans le cachot, la nuit puait l'humidité, le froid, l'urine et les excréments. Jeté dans cette cave, pieds nus, veste confisquée et pantalon tombant, défait de ses bretelles, Lantoine avait dû tâtonner un long moment dans l'obscurité pour trouver un bout de roche sur lequel s'asseoir.
Loin dans l'antiquité, il avait été reconnu que Digne était un lieu purificateur tant le bain pris à sa source d'eau chaude apportait de bienfaits à qui savait le pratiquer. Forte de cette réputation, la cité avait façonné dans les temps du Moyen-âge un captage de la résurgence sous la voûte d'une falaise roussie qui servait d'avant-garde à la barre rocheuse des Dourbes.
De sa main gantée elle porta alors son joli mouchoir brodé de fleurs de lys devant sa fine bouche pour maîtriser son sourire et ne pas paraître trop désinvolte face aux trois manants qui l'épiaient.
"Il suffit de quelques mots pou enflammer le peuple lorsque la cause est juste [...]."
"_De toute façon pour nous, ça ne change rien. Monarchie, Empire pu République, le peuple a toujours été le perdant."
Marianne avait tiré la jambe toute la nuit pour suivre la troupe de Digne aux Mées. Jamais elle n'avait tant marché et elle souffrait le martyre dans ses vieux sabots. Mais, chiffon rouge au bout d'un bâton en guise de drapeau, il n'était pas question pour elle de se plaindre car elle était trop fière d'avoir été celle qui avait planté le drapeau de la nouvelle République au fronton de la préfecture.
Aujourd'hui, il (le Préfet) partait à Forcalquier où il devait passer plusieurs nuits pour assurer la visite des villages du Luberon avant de se rendre à Manosque. Ce serait sa dernière sortie dans le département avant de rédiger une note de synthèse réclamée par le gouvernement.
Pour fêter ce premier jour de décembre, le Tout-Paris des amis du Président Louis-Napoléon avait été convié à la représentation unique de la Damnation de Faust donnée par la troupe de l'opéra comique sur la scène de la salle des fêtes du palais.