D'ailleurs, depuis le renversement de la monarchie de quarante-huit, en guise de victoire, elle s'était aguichée du bonnet phrygien ayant appartenu à son père et qu'elle avait retrouvé dans le tiroir d'un vieux bahut. Par ce geste, elle voulait, disait-elle, à qui lui posait la question, marquer le souvenir de son père. Il avait été lâchement assassiné par une bande de royalistes à l'époque de la monarchie de juillet dans les années trente alors qu'il s'opposait au remplacement du drapeau tricolore par le drapeau blanc au fronton de la mairie de Digne.
"Le major était un gendarme plein d'expérience militaire qui avait baroudé plus que de coutume. Il n'en était pas moins humain et connaissait le prix de la vie. Pour un garde-à-vous devant une condamnation qu'il estimait injuste, il n'était pas prêt à sacrifier la sienne et celle de ses hommes."
Le pacte fondamental entre le peuple et le président a été brutalement déchiré le 2 décembre par celui qui avait juré de le respecter, clama l'avocat dur un ton de procureur avant d'ajourer :
- Citoyens, quand le peuple se lève, ce n'est pas la jacquerie qui s'organise, c'est la Constitution qui reprend sa place. Quand le peuple se lève, c'est le juge qui condamne les traîtres.
Pendant ces journées de communion du peuple dans la révolte, Marianne des Mées fut le symbole même de la lutte pour la liberté.
Enfoncé sur ses oreilles, un vieux bonnet phrygien dont le rouge avait pris la couleur de la terre à force de sueur et d’intempéries lui donnait des allures de sorcière. Ses mâchoires vides de dents accentuaient le trait lorsqu’elle ouvrait la bouche par saccades pour retrouver un peu d’air…