Et vous aurez sûrement remarqué comme moi que certains d'entre nous, sans même user jamais du moindre titre de transport, ont l'air de ne faire que passer. De se promener en touristes dans leur propre vie.
Si au moins ils ramassaient leurs emballages, leurs canettes vides et leurs cartouches !
Dans les temps difficiles, les Gros Cons ont tendance à se regrouper et il n'est pas rare que l'un d'eux, encouragé par l'effet de masse, se prenne soudain pour le Roi des Cons...
« Maman craignait que notre vieille servante ne tombât malade de surmenage », note Proust quelque part.
Le léger malaise et l'indisposition passagère (heureusement sans gravité) voisinent avec les épidémies les plus redoutables. La contagion menace. La rémission précède la rechute. Le Malade prévoit le pire. Des effets secondaires empoisonnants. Des affections nosocomiales. On lui enlève les amygdales ou des polypes au gros côlon, il ressortira de l'hôpital avec une infection pulmonaire. Enfin, comme il se dit au comptoir du Café des Boulistes, « il faut bien mourir de quelque chose ».
Tout cela contribue à rendre le Malade insupportable. D'autant plus insupportable qu'il n'est pas toujours très malade. Il est seulement mal fichu. Souffreteux. Un peu dérangé. Patraque. Oui, mon Dieu, c'est embêtant, bien sûr, d'être toujours patraque. Mais enfin, c'est bénin, non ? Ben non ! Quand ça lui arrive personnellement, à lui, rien n'est bénin. Inutile d'essayer de vous mettre à sa place. D'ailleurs vous n'en avez aucune envie, ne serait-ce qu'à cause de cette migraine persistante qui vous rend toute discussion pénible.
Le fétu de paille qu'il a dans l'oeil empêche le Malade d'apercevoir la poutre dans l'oeil de son voisin. Au royaume du bénin, l'aveuglement est roi.
Le Philanthrope est typiquement humain. On n'en rencontre dans aucune autre espèce animale. (A l'exception du chien sauveteur ?)
Un jour, il y eut des Jeunes et il y eut des Vieux. Et ce fut le commencement du plus ancien et du plus durable conflit planétaire : l'irrémédiable conflit des générations.
Le Con est typiquement humain. On n'en trouve dans aucune autre espèce animale, à l'exception de certains chiens (Canis lupus domesticus), car le chien, souvent, se complaît à imiter son maître.
Tenez : prenons l'opposé du Psychorigide, son ennemi juré, son complément peut-être, le Psychosouple. Celui-là vous file entre les doigts, se glisse entre les mailles de la plus austère logique, change plus souvent d'idée que de chemise et se retrouve chaque fois, comme par miracle, du côté du manche.
Et nous n'évoquerons que pour mémoire l'apogée du Psychosouple, son aboutissement et sa dégénérescence à la fois : le Psychomou.
Depuis l'aube des temps, tous les malheurs de l'humanité, sans exception, débutent par une querelle de voisinage. Ne cherchez pas davantage le responsable, c'est le Voisin.
Vous qui entrez dans Paris, provinciaux, étrangers, lasciate ogni speranza, abandonnez toute espérance de pouvoir traverser la ville sans marcher au moins une fois dans la merde.
On ne trouve de Parisien dans aucune autre espèce animale, sauf chez le chien. Aussi fait-il volontiers l'important : il se prend pour un être capital.