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Citations sur Les mutations de la lecture (37)

(Titulaire d'une thèse et d'une habilitation à diriger des recherches en sociologie, Martine Poulain a été responsable du Service des études et de la recherche de la Bibliothèque publique d'information du centre Pompidou, rédactrice en chef du Bulletin des bibliothèques de France, puis directrice de Médiadix et de l'IUP Métiers du livre à l'université de Paris-X. Elle dirige actuellement le département de la bibliothèque et de la documentation de l'Institut national d'histoire de l'art. Elle a publié de nombreux articles dans des revues professionnelles ...)

Le phénomène de désaffection apparente pour la lecture de livres s'est manifesté à un moment de grandes politiques de lecture tout à fait innovantes, l'époque de Jack Lang, du prix unique du livre, de la valorisation des librairies et d'un développement sans précédent des bibliothèques.
Certes, rien n'est jamais suffisant, mais depuis une trentaine d'années, nous avons eu de fortes politiques du livre et de la lecture, dont les collectivités territoriales ont largement pris le relais.

Les discours de déploration tenus par ceux qui se délectent d'être les derniers lettrés dans une société d'analphabètes me paraissent dérisoires : ils réinventent un passé qui n'a jamais existé.

Pour autant, les effets paradoxaux de la démocratisation demeurent ; le rapport de tous à un bien - le livre - devenu banal change, comme si le fait de ne plus avoir à le conquérir le rendait moins désirable.
Mais le plus préoccupant est sans doute que la lecture de livres est également en diminution dans les catégories diplômées, supérieures, chez qui on pouvait la croire ancrée à tout jamais. Ce n'est donc pas seulement un rapport au livre ou à la lecture qui change, mais un ensemble de relations aux objets culturels et aux valeurs sociales. (...)
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(Bernard Lahire)

Bref, on ne peut pas parler de relativisme généralisé ; les gens continuent à faire des différences, parce que le monde objectivement continue à opérer des différences. L'Etat d'ailleurs continue à soutenir bien davantage la grande culture que la culture populaire.

On peut, bien sûr, constater par exemple qu'un groupe de hip-hop à Lyon, jadis en activité sur la place de l'Hôtel de Ville, s'est entraîné et produit à l'Opéra, mais il ne faut pas oublier que les danseurs ont dû transformer leur mode d'entraînement et se rapprocher des groupes de danseurs contemporains. Il y a une sorte d'absorption par la culture légitime des formes de culture extrêmement virtuoses qui ont d'abord existé dans la rue avant d'intégrer, en se transformant, les lieux institutionnels.

Oui, il y a aussi des tags exposés dans certains musées d'art contemporain à New York ou ailleurs, mais finalement très peu, et en tout cas de façon tout à fait marginale par rapport à d'autres types d'œuvres.

Je ne pense pas que toute différence soit abolie, loin s'en faut.
Les stratégies d'absorption par la culture légitime ont d'ailleurs toujours existé.
Chopin reprenait des airs populaires pour en faire des airs savants.
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(Bernard Lahire est professeur de sociologie à l'Ecole normale supérieure de Lyon et directeur de l'équipe "Dispositions, pouvoirs, cultures, socialisations" du centre Max Weber (CNRS). Ses travaux portent sur la production de l'échec scolaire à l'école primaire, les modes populaires d'appropriation de l'écrit, les réussites scolaires en milieux populaires, les différentes manières d'étudier dans l'espace de l'enseignement supérieur, l'histoire du problème social appelé "illettrisme", les pratiques culturelles des Français, les conditions de vie et de création des écrivains.)

Le sociologue peut aussi constater qu'il n'y a pas de fermeture ou d'étanchéité parfaite entre ces univers, la "sous-culture" de divertissement d'un côté, les "grandes œuvres" de l'autre. Une de mes recherches après La Culture des individus a porté sur les écrivains et s'intitule La Condition littéraire. Il est composé de portraits d'écrivains questionnés sur leurs parcours de lecteur, leur découverte de la lecture, la révélation qu'ils ont eue en matière littéraire.

Ceux qui écrivent les textes les plus exigeants aujourd'hui, qui peuvent jouir d'une reconnaissance littéraire importante, sont souvent passés par la fréquentation des œuvres les plus populaires et commerciales (bibliothèques rose et verte, comics, etc.) (...)
C'est une erreur de penser que l'on puisse aller directement à Proust, Flaubert ou Mallarmé sans passer par des lectures autrement plus légères, ludiques.
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Ce qui est élitiste (et donc intolérable) ce n'est pas de refuser la culture au peuple, c'est de refuser le label culturel à quelque distraction que ce soit, écrit Alain Finkielkraut. [...] La démocratie qui impliquait l'accès de tous à la culture se définit désormais par le droit de chacun à la culture de son choix (ou à nommer culture sa pulsion du moment). La non-pensée, bien sûr, a toujours coexisté avec la vie de l'esprit, remarque-t-il encore, mais c'est la première fois dans l'histoire européenne qu'elle habite le même vocable, qu'elle jouit du même statut. La logique de la consommation détruit la culture, écrit-il enfin.
Le mot demeure mais vidé de toute idée de formation, d'ouverture au monde et de soin de l'âme. C'est désormais le principe de plaisir [...] qui régit la vie spirituelle. Il ne s'agit plus de constituer les hommes en sujets autonomes, il s'agit de satisfaire leurs envies immédiates, de les divertir au moindre coût.
Conglomérat désinvolte de besoins passagers et aléatoires, l'individu postmoderne a oublié que la liberté était autre chose que le pouvoir de changer de chaîne, et la culture elle-même davantage qu'une pulsion assouvie.
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Hier mère de toutes les pratiques, reine parmi les loisirs, la plongée dans les textes s'est banalisée. Pour beaucoup, elle n'est plus la promesse d'une vérité bientôt révélée, elle n'a plus la grandeur de l'accès à tout ce qui peut être riche.
Elle n'est plus qu'un moyen de s'approprier au plus vite un contenu nécessaire.
Elle n'est plus assimilée au plaisir, à l'évasion, au songe, elle est une pratique parmi bien d'autres, sans saveur particulière. Elle est même décourageante si elle demande trop d'effort, désespérante si elle déconcerte, si elle égare.

Ravalée au rang de simple technique, elle a cessé d'intéresser, d'être l'objet du désir. Elle attire encore à elle des jeunes que des histoires de fantômes ou de sorcières font rêver, mais en moins grand nombre que par le passé.
Et si une version télévisuelle ou cinématographique existe des mêmes histoires celle-ci est bien souvent préférée au livre qui prend trop de temps et demande trop d'effort. (...)

Moins chéris, moins recherchés, les livres sont plus volontiers empruntés qu'achetés ou collectionnés. La figure de l'honnête homme a globalement disparu, l'idée que la lecture est formatrice, nécessaire chez celui qui veut s'élever, se distinguer, a vécu.
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Avant, lorsque l'on avait un certain niveau de diplôme, on pensait que c'était important d'aller à l'opéra ou de lire des textes réputés exigeants.
Avec la multiplication du nombre de grands diplômés, il y a une baisse de la valeur symbolique de ces éléments culturels qui remplissent plus difficilement leur fonction de distinction. D'une façon paradoxale, la culture lettrée a souffert des effets de l'explosion scolaire. Elle était une denrée rare qui pouvait marquer une différence assez nette entre l'élite et le peuple. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Ajoutons pour aggraver le tableau que l'on est désormais un gros lecteur au-delà de vingt livres lus par an tous domaines confondus ; un jeune qui lit des BD quand il n'y a rien à voir sur TF1 est aujourd'hui catégorisé gros lecteur, alors que dans les débuts de la sociologie de la lecture non seulement il fallait lire plus pour être répertorié parmi les gros lecteurs mais encore les personnes sondées pouvaient-elles se sentir encouragées à exclure de leur comptabilité personnelle tout ce qui ne semblait pas relever de la lecture savante : il était entendu qu'être un lecteur voulait dire être un lecteur lettré.
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Remarquons avant que d'aller plus loin que la lecture a toujours été un sujet d'affrontement et que, s'il a longtemps été question de la surveiller, il est désormais de bon ton de la prescrire (parce qu'elle est justement menacée).
La situation s'est bizarrement inversée mais la question est restée tout aussi sensible. La lecture était dangereuse hier, elle est bien vue aujourd'hui.
Elle devait être surveillée chez les jeunes filles, elle doit être séduisante pour les enfants désormais. Elle pouvait égarer ou conduire au rêve voire au fantasme, elle doit de nos jours former les esprits. Elle pouvait même conduire aux pires débauches et entretenir des passions coupables, elle ne saurait plus avoir que des vertus.
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