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Citations sur Les mutations de la lecture (37)

Les bibliothèques privées, quand elles existent, sont bien plus le reflet libre des goûts du lecteur que la construction patiente d'un fonds qui honore celui qui s'attache à se cultiver. Si certaines sont transmises à la mort du lecteur, combien sont revendues toute séance tenante par des héritiers qui n'en voient plus l'intérêt (...)

Paradoxalement, pourtant, peu d'époques ont plus fait pour la lecture que la nôtre. A l'école les enseignants ne cessent de renvoyer aux livres en insistant sur leurs richesses, leurs surprises, leurs beautés. Chaque année, partout, des foires, des festivals, des salons rappellent la joie de lire et favorisent la rencontre des auteurs et des lecteurs. Des concours de nouvelles, de poésies, sont là pour inciter les plumitifs à donner libre cours à leurs imaginations.
A la radio, à la télévision, les écrivains ne sont pas oubliés, convoqués sur des plateaux pour parler de leurs livres ou participer à la vie de la cité.
Et que dire de la chaleur des librairies ? de l'ingéniosité des éditeurs ? de la splendeur des médiathèques jusque dans les villes les plus reculées ?

C'est là une des grandes bizarreries de la vie culturelle. Jamais les bonnes volontés n'ont été mieux partagées, jamais elles n'ont semblé lutter avec aussi peu de réussite face au désert qui avance.
La politique culturelle menée depuis plus de trente ans est-elle un gigantesque échec dû à un soutien trop émietté à des pratiques trop variées, mêlant le rap aux lettres ou l'opéra ? Ou bien a-t-elle au contraire permis de limiter la casse et d'empêcher que le pays ne soit encore plus dévitalisé ?
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Malgré tout ce qui a pu en minimiser les effets, l'affaissement de la lecture de littérature classique et moderne n'a pu être masqué. Les gros lecteurs sont en voie de disparition, les lecteurs moyens se maintiennent, les non-lecteurs progressent. La lecture ne baisse pas en soi, mais la lecture savante ou lettrée est en régression. La littérature perd de son attractivité, les autres domaines de divertissement, la BD notamment, gagnent du terrain. Nous sommes entrés dans un monde où le livre de littérature n'occupe plus la place qui a pu être la sienne auparavant. L'audiovisuel supplante l'écrit dans les pratiques de divertissement et de culture. "Ce n'est pas à la fin de la lecture que l'on assiste, assure Le Monde du 19 mars 1999, mais à la fin de la lecture comme fait culturel total, c'est-à-dire à la remise en cause du modèle littéraire et humaniste où le livre incarne la source de toutes les connaissances, de toutes les expériences et de tous les divertissements."
Une lecture utilitariste s'est développée au détriment de la lecture savante.
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Et que nous disent, pour commencer, les dernières études du ministère de la Culture sur les pratiques de lecture ? 74% des Français de quinze ans et plus avaient lu, en 1997, au moins un livre au cours des douze derniers mois, ils ne sont plus que 70% dix ans plus tard. 18% avaient lu de dix à dix-neuf livres et 19% plus de vingt livres, ils ne sont plus que 14% et 17%. Bref, il n'y a plus qu'un Français sur trois pour fréquenter les livres, véritablement.
"D'une enquête à l'autre, lit-on dans Livres Hebdo qui résume le travail d'Olivier Donnat, chaque génération perd une partie de ses forts lecteurs et voit le nombre de ses non-lecteurs augmenter."

"Depuis plusieurs décennies, la lecture des livres [semble subir] une certaine dévaluation à la bourse des valeurs culturelles, que le succès d'Internet n'a fait qu'amplifier. [...] Ne faut-il pas admettre que le fait d'être un amateur de littérature a perdu une partie de son pouvoir de marqueur social, notamment dans les rangs masculins des jeunes générations ?"

"Les évolutions en matière de livres lus se dessinent en parallèle : alors qu'en 1997 la catégorie "romans autres que policiers" arrivait largement en tête des préférences, elle a subi un très fort recul, au profit notamment de celle des romans policiers. Et au tassement global de la fiction constaté par l'étude s'oppose une montée en puissance du livre pratique, catégorie refuge pour les faibles lecteurs."
Les statistiques de la lecture font ainsi apparaître une nette désaffection pour la fiction et plus globalement pour la lecture suivie. De plus en plus la lecture de consultation, la lecture rapide, la lecture-zapping l'emporte sur la lecture soutenue qui demande attention et concentration.
Non seulement pour les jeunes lecteurs le livre n'est plus qu'un divertissement très secondaire (seulement 6% des 18-30 ans déclarent que la lecture est leur activité préférée), mais ils délaissent sans regret les belles lettres pour le pratique, la BD, le polar, la SF et la fantasy
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Tout concourt à minimiser la dévalorisation des cultures savantes à laquelle la société assiste, à moins qu'elle ne l'ait précipitée elle-même ; chacun est invité, par les sectateurs de l'époque, à s'adapter à un monde où les pratiques les plus nourrissantes sont devenues ou redevenues l'affaire d'une élite. (...)

N'est-ce pas déplacé désormais que de vouloir la culture pour tous ?
Pourquoi s'affliger du peu d'engouement d'un large public pour le cœur de la pensée, du savoir et de la réflexion ?

En démocratie toutes choses s'équivalent et il n'y a plus de raison de surestimer des productions nobles par rapport à d'autres types d'œuvres tout aussi respectables, quand bien même elles s'avèrent mélanger cynisme et vulgarité, bêtise et méchanceté.
La défense des lettres et de la spéculation intellectuelle est globalement devenue ringarde, sauf si elle est menée avec humour
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(Etudiante du Pôle des métiers du livre de l'IUT Michel de Montaigne, Joanna Thibout-Calais se forme aux métiers de la librairie ... elle a travaillé entre autres à Paris ... cette étude sur la féminisation du lectorat est le fruit d'un travail d'enquête et de réflexion mené auprès de lectrices et de professionnels du livre)

La reconnaissance de la lecture des femmes a été longue. Il a fallu plusieurs siècles avant qu'elle ne soit acceptée, permise, voire encouragée par l'éducation. Alors que les femmes ont fait évoluer la littérature - grâce aux salons à partir du XVIIe siècle ou aux productions des auteurs (...) - leur place dans l'histoire des lettres a toujours été minorée. Lectures légères, lectures faciles, lectures illégitimes. Les femmes ont su redoubler de courage pour faire accepter leurs romans et faire admettre l'importance de la lecture dans la formation de tous.

Grâce à ce passé difficile, les femmes ont tissé un lien fort, intime, avec la lecture qui est devenue une véritable nécessité pour les plus ardentes d'entre elles.

Aujourd'hui, l'ensemble des enquêtes sur les pratiques culturelles des Français ne peuvent plus faire l'impasse sur le phénomène en cours dans les pratiques de lecture : la lecture s'est féminisée en France dans les années 1980 et ce lectorat s'affirme et acquiert toujours plus d'influence.
Les femmes sont majoritaires dans l'ensemble des activités liées à la lecture de livres. Elles lisent plus, elles aiment davantage cette plongée dans les mots, elles sont plus nombreuses en librairie à acheter des livres, elles partagent leurs lectures entre elles et fréquentent les bibliothèques. Mais surtout, ce sont les femmes qui détiennent le privilège majeur de la transmission de la lecture aux enfants, que ce soit par leurs métiers -elles sont plus nombreuses à travailler dans les sphères de l'éducation - ou par leur rôle de mères. Les femmes sont ainsi les garantes de la lecture et de la culture en général. (...)
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(François Gèze, dont une longue présentation est faite dans l'ouvrage, est PDG des Editions La Découverte (Paris) depuis 1982, président du groupe des éditeurs de sciences humaines et sociales du Syndicat national de l'édition et vice-président du Centre Français d'exploitation du droit de copie (CFC) ... membre fondateur de l'Association pour le développement de la librairie de création (association créée en 1988 à l'initiative des Editions de Minuit, Gallimard, le Seuil et La Découverte, avec le soutien de France Loisirs), ancien président de la Commission de liaison interprofessionnelle du livre ...)

- Comment percevez-vous l'évolution de la lecture et tout particulièrement de la lecture en sciences humaines ? Comment jugez-vous les derniers chiffres connus sur les pratiques culturelles des Français ? Percevez-vous une sorte de disparition du grand public lettré, curieux et avide de lectures ?

- (François Gèze)
Nous vivons une mutation de grande ampleur amorcée depuis des années. La dernière enquête d'Olivier Donnat sur les pratiques culturelles est frappante. A l'ère du numérique, ces pratiques connaissent de tels bouleversements que la grille des questions conçue dans les années 1970 n'aura bientôt plus de sens.
Nous assistons à une érosion du fameux noyau dur des grands lecteurs qui lisent plus de vingt-cinq livres par an (...)

Olivier Donnat insiste dans sa dernière étude sur le fait que les pratiques de lecture sont acquises au cours de la jeunesse : les gens conservent tout au long de leur vie les pratiques de lecture élaborées entre quinze et vingt-cinq ans. Ainsi, une grande partie de la production (en particulier les livres les plus novateurs, tant en littérature qu'en non-fiction) s'écoule aujourd'hui surtout auprès des baby-boomers qui arrivent à l'âge de la retraite et qui ont conservé la pratique de lecture importante acquise dans les années 1960-1970, pratique que nous n'avons pas constatée chez les générations postérieures.
Ces baby-boomers constituent un noyau dur qui porte le marché puisque, outre le fait qu'ils lisent davantage, ils sont aussi plus solvables que les jeunes générations. Mais dans vingt ou vingt-cinq ans, ils ne seront plus là et, comme les générations suivantes lisent potentiellement moins, tout cela est assez préoccupant pour les éditeurs.

Cette évolution coïncide plus globalement avec l'érosion irréversible de la vieille culture élitiste, marquée par le déclin du public lettré et cultivé. Cette appellation, depuis une cinquantaine d'années, englobe ceux qui ont fait leurs humanités. Cela correspond au mode d'éducation de la Troisième République, où l'enseignement supérieur était réservé à une petite minorité d'étudiants. Les jeunes qui en sortaient alors étaient certes remarquablement éduqués, cultivés, curieux, mais le plus grand nombre restait exclu de l'accès au savoir.

Cette figure de l'enseignement supérieur, et donc des humanités dans le sens classique du terme, a progressivement cessé d'exister dès la fin de la guerre.
Le boom de l'enseignement supérieur qui a eu lieu à partir des années 1960 a précipité la disparition de ce modèle, tout en élargissant l'accès au savoir d'une part croissante des jeunes générations. (...)
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- La maison se soucie-t-elle d'aller chercher de nouveaux publics ? A-t-elle des moyens, des idées, pour essayer de gagner de nouveaux lecteurs ?

(François Laurent)
- Pocket a récemment créé à l'initiative d'une des éditrices, Valérie Miguel, une collection qui s'appelle "Bulles et Blogs" et dans laquelle sont publiées, comme son nom l'indique, des BD issues de la blogosphère. C'est là encore du reprint car tel est le métier de Pocket mais ces publications nous permettent de toucher de nouveaux publics, des internautes férus de dessins et de créations graphiques.
Au Fleuve noir nous sommes en train de créer une collection, "Territoires", ancrée dans le domaine du fantastique, à destination des jeunes adultes qui aiment entre autres les histoires de dragons, de fantômes et de vampires. (...)

Nous cherchons toujours à capter de nouveaux lectorats.
Comme vous le savez, le monde des lecteurs est un monde clos - quoi que nous fassions il reste toujours une bonne part de la population qui ne lit aucun livre par an - mais par une offre la plus diversifiée possible nous pouvons essayer de repousser les limites et parvenir à toucher un maximum de lecteurs.
Quand je suis arrivé chez Pocket, mon patron de l'époque m'a dit quelque chose qui m'est resté : "Il faut qu'il y ait un Pocket pour tout le monde. Si quelqu'un passe à côté d'une table où sont disposés nos livres sans en prendre un seul, c'est que nous avons manqué quelque chose."

Pocket est un éditeur généraliste dont la vocation est de toucher tous les publics. Cela suppose une grande adaptabilité au marché, une réelle sensibilité à l'air du temps, à ce qui plaît, à ce qui peut séduire.
Ces dernières années sont apparus par exemple ce que l'on appelle les feel good books, "les romans qui font du bien", dans la lignée des titres de Paulo Coelho. Certains ont connu de très gros succès. (...)
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(Martine Poulain)

Nul ne sait de quoi demain sera fait. Il est possible d'imaginer que l'imprimerie disparaîtra, ou qu'elle occupera une part résiduelle dans la production d'écrits.
Imprimés nouvelle manière et manuscrits traditionnels ont cohabité plus d'un siècle après l'invention de Gutenberg. Les hommes ont continué à écrire et à faire circuler des manuscrits, pendant que les premiers imprimés ressemblaient avant tout à des manuscrits, comme un livre sur Internet ou sur liseuse aujourd'hui ressemble avant tout encore à un imprimé. D'autres inventions nous attendent !

Les nouvelles technologies comme l'iPad sont des inventions magiques ; avoir des centaines de livres à portée de main, c'est tout simplement extraordinaire, cela multiplie les possibilités. Peut-être un jour l'écran remplacera-t-il complètement l'imprimé - ce que je ne crois pas -, mais ce n'est pas là l'important. L'important, ce n'est pas l'enveloppe, le contenant, le support, la forme - c'est la qualité des textes et la qualité du rapport au texte.

Beaucoup de discours alarmistes ont été tenus sur le grand bazar du net, sur le manque de certification des textes, sur le mélange sauvage qui règne sur la toile. Mais les sociétés sont bien plus fortes qu'on ne le croit ! La vie, c'est le mélange et c'est souvent sauvage ! Des processus de certification, de validation des informations sont déjà à l'œuvre sur le net. Quant aux jeunes générations, elles apprennent et apprendront à faire la part des choses, à vérifier leurs sources et la validité d'une information. Les livres ne détiennent pas la vérité, pas plus qu'internet, cela fait bien longtemps qu'ils sont remplis d'erreurs ...

Les millions de blogs, dans lesquels certains voient aussi une exhibition du moi, sont au contraire le signe d'un processus massif d'appropriation de la technique d'une part, d'expression écrite d'autre part. Le blog, c'est parfois le journal intime, qui passe par un retour fulgurant de l'écriture. Ce n'est pas inintéressant. L'écriture, même remplie de fautes d'orthographe, est toujours importante. Et les fautes d'orthographe sont parfois volontaires ou codées. Contrairement à ce que l'on pense, le mode d'écriture des SMS n'est pas entièrement subi, il est aussi construit.
Aujourd'hui, plus personne n'oserait sérieusement dire que l'on peut se passer d'Internet. La possibilité d'accéder à des données en ligne est fantastique.
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(Martine Poulain)

Il est incroyable par exemple qu'il n'y ait pas de rencontres entre les bibliothécaires de lecture publique et les documentalistes des écoles. Chacun de ces deux mondes a ses associations, qui de temps en temps s'invitent mutuellement, mais il n'y a jamais eu d'assises communes. Il faut aller plus loin.

La difficulté, pour les bibliothécaires, c'est de conseiller et d'aider les lecteurs tout en respectant leur liberté. Le libre accès aux livres est un succès car il facilite le rapport aux œuvres sans intermédiaire, il suscite des rencontres imprévues entre livres et lecteurs et fait de la bibliothèque un lieu de circulation autonome. Les professionnels doivent être présents et disponibles sans être envahissants.

Mais les bibliothèques peuvent peut-être faire plus. La qualité des conseils de lecture me semble peut-être moins forte dans les bibliothèques que dans les bonnes librairies. Le bibliothécaire n'est que peu vu comme un prescripteur abordable. Il faut peut-être renforcer la présence des bibliothécaires dans les rayons, sortir des bureaux qui confèrent aux professionnels une sorte de supériorité intimidante, de manière à être plus accessibles.
Les libraires, parce que commerçants, semblent moins distants ; ils ne sont pas perçus comme des propriétaires du savoir, intouchables ou hautains.
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(Martine Poulain)

Je ne crois pas qu'on puisse en cette affaire opposer l'écran et l'imprimé, l'usage des nouveaux supports cohabite toujours avec les précédents, au moins à moyen terme. Nous manquons encore un peu de recul en France parce que les livres électroniques et autres tablettes numériques, qui se sont fort développés dans d'autres pays, aux Etats-Unis, au Canada ou ailleurs, n'ont pas vraiment connu le succès chez nous.
Lecture d'écrits imprimés et lecture sur écran cohabitent pour l'instant très largement (...)

Mais l'écrit sur l'écran, même s'il a encore une forme relativement classique, a déjà considérablement modifié nos modes de lecture, nos modes d'apprentissage, nos rapports aux savoirs, notamment par le processus de navigation, qui met à bas la construction séquentielle, hiérarchique, ordonnée du livre. Le lecteur a beaucoup plus de travail sur écran qu'avec un livre : il doit sans cesse trier les informations, veiller à ne pas se perdre tout en cliquant sur un grand nombre de liens possibles. Quel boulot !
Rude épreuve que de savoir zapper tout en essayant de rester concentré !
C'est au lecteur maintenant de réintroduire son ordre dans un écrit potentiellement infini qu'il passe son temps à désordonner.

Pour moi, l'écrit et l'écran sont deux univers complémentaires et non opposés.
Dans le domaine de la recherche, par exemple, qui peut se passer du net ?
Le travail bibliographique se fait beaucoup à partir du web (...)

Nombre d'enseignants forment les jeunes à l'utilisation intelligente de ces deux ensembles, livres papier et sources électroniques, encourageant les élèves à chercher dans les imprimés et sur Internet et à confronter les différentes sources.

Lire sur écran s'apprend et c'est difficile tant l'offre est multiple et la déconcentration facile.
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