En supervision. Ou l'éthique de la psychanalyse. Son coeur battant.
Je me dis que pour ceux qui souhaitent enfin se faire un avis propre de ce qu'elle est, en marge de tout ce qui s'en dit, le plus souvent à force de polémiques bégayantes ou de dévotions béates,
En supervision offre une opportunité rare : il donne à voir. Quoi donc ? Des hommes et des femmes. Dont les uns, thérapeutes, armés de leur seule humanité, s'emploient, sous nos yeux, à tenter de réparer les accrocs qui ont détricoté l'existence des autres. Jeu de miroir ensuite, puisque ces thérapeutes vont à leur tour s'en remettre au superviseur (un autre thérapeute) pour réfléchir leurs pratiques et s'assurer de l'étanchéité de leurs propres affects.
En donnant ainsi à voir ce à quoi est confronté le psy dans l'exercice de ses fonctions, en montrant la complexité de ce que la souffrance de l'autre agite en lui,
En supervision offre une compréhension claire (soudain absolument transparente pour moi) de ce qu'est la psychanalyse.
Et plus spécifiquement, de ce que permet le fameux « cadre analytique » dont le contenu, ici très explicitement rappelé est celui-là même qui est continuellement épinglé parce que trop ...rétrograde. Ce qui m'a soudain sauté à l'esprit, c'est que ce cadre, effectivement très spécifique, n'est rétrograde qu'en cela qu'il autorise, permet et encourage, oui, à rétrograder, entendez donc à régresser !!! Nous y voilà ! On comprend que lui seul aujourd'hui réunit les conditions qui vont permettre au patient de se rejoindre là où son développement s'est stoppé. Et d'éclairer les modalités d'existence (les fameux arrangements, aménagements et leur cortège de symptômes) contraints parfois très tôt dans le développement, très tôt dans la vie. Ce qu'on voit donc là, c'est la possibilité offerte au patient d'éprouver ce cadre de sécurité, d'écoute et d'exigence qui conditionne la conscience de soi. Subjectivation donc, capable seule d'augurer d'une liberté de choix.
L'authenticité des confidences et difficultés des thérapeutes et l'accompagnement d'une prégnance et d'une perspicacité remarquables que le superviseur (
Jean-Charles Bettan) leur porte, interdisent définitivement de penser qu'on cherche à manipuler ou à prendre le pouvoir sur le patient. Ou qu'un analyste est un charlatan qui agite de la poudre de perlimpinpin.... Ce qu'on voit là, tout à l'inverse, c'est combien il se met en danger pour aller aider l'autre, lui tendre la main. Cette phrase qui revient comme un horizon de l'exigence : « vous ne devez pas laisser tomber le patient. »
Les questions et les éclairages viennent couper le fil de la pensée de l'autre exactement à l'endroit où le noeud se fait. Cette vigilance est comme un sixième sens, on a l'impression d'entendre une cloche qui sonne (comme un poisson qui mordrait à l'hameçon) lorsque le superviseur harponne un mot, une phrase, une attitude qui désigne le point d'achoppement du thérapeute. Comme un véritable radar. Qui n'a pas peur de se risquer sur des terres très inconfortables et, essentiel, qui n'a pas peur des mots ! Peur d'aucun d'eux, qu'il s'agisse de les accueillir ou de les poser.
Ce qui me vient encore, c'est que cet ouvrage donne envie d'aller plus loin dans la connaissance de soi et de l'autre. Qu'il donne envie d'élargir encore pour soi et pour chacun le champ des possibles. Qu'il donne envie de ne rien céder au découragement ou à l'impuissance. Parce que, tant que des femmes et des hommes offriront ainsi un espace d'écoute, d'accompagnement et de travail de cette envergure, alors il sera possible pour chacune et chacun, quel que soit son parcours, de relever la tête et de faire un premier pas, initiateur de tous les suivants. Possible de ne pas renoncer.