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Citations sur Histoire de l'humanisme en Occident (56)

Le retard historique de l'Occident à reconnaître une dignité égale et des droits égaux aux hommes des colonies est une culpabilité et une contradiction que son humanisme doit assumer sans se chercher d'échappatoire. (...)
L'humanisme occidental a ses côtés obscurs, ses périodes sombres, ses contradictions douloureuses et honteuses. cela ne doit pas conduire cependant à nier que le mouvement général de la civilisation occidentale est celui d'une reconnaissance de plus en plus large -en principe et en acte- de la dignité égale de toutes les personnes humaines.
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Ces événements considérables que sont l'indépendance américaine et la Révolution française inaugurent en Occident une anthropologie fondée sur la sacralité suprême des droits de la personne humaine. cette notion de personne humaine a d'ailleurs elle-même été définie par les philosophes des Lumières en rapport avec la notion de droits sacrés. Dans les Fondements de la métaphysique des moeurs, publié en 1785, Kant explique ainsi que "Toutes les personnes humaines, possédant une dignité qui leur est propre, sont également des fins en soi", c'est-à-dire qu'elles ont le droit sacré de choisir elles-mêmes leurs propres buts et convictions, et qu'en revanche personne n'a le droit de dicter à autrui sa conduite ou ses choix : "ni les inégalités naturelles ni les hiérarchies sociales indispensables ne doivent aboutir à subordonner un être humain aux autres".
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La civilisation des droits de l'homme va éclore à la fin du XVIIIe siècle dans deux textes fondateurs d'une importance capitale parce qu'ils instituent une véritable sanctuarisation de ces droits. Il y a d'abord la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique, promulguée par les treize Etats fondateurs le 4 juillet 1776, qui énonce ceci : "Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont crées égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur." Vient ensuite, selon la même logique d'une affirmation préalable des droits sacrés et inaliénables de la personne humaine, le rôle de l'assemblée constituante qui en France concrétise politiquement les idéaux de la Révolution en adoptant le 26 août 1789 une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen -dont l'intitulé même, avant le contenu de ses articles, montre bien que pour les temps qui s'ouvrent l'être humain sera considéré avant tout sous l'angle de ses droits.
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Qu'est-ce qu'une civilisation des droits de l'homme ? C'est avant tout une civilisation où l'homme se considère capable de trouver par lui-même les vérités dont il a besoin pour vivre. Ce rapport étroit et pouvoir de vérité n'est cependant pas évident. La modernité inaugurée par les Lumières est cette période de l'histoire où la culture occidentales va refuser de fonder le monde humain sur des vérités religieuses, qui viendraient d'un Dieu. Non seulement, comme on vient de le voir, l'homme revendique le droit spirituel de découvrir et de concevoir l'existence d'un Dieu par lui-même mais il entreprend de déployer cette revendication dans tous les domaines. A ce moment Emmanuel Kant, par exemple, s'exclame en 1788 "La loi morale en moi, le ciel étoilé au-dessus de moi!" (Critique de la raison pratique)
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D'après Rousseau, l'être humain est d'ailleurs par excellence l'être qui doit être éduqué parce qu'il est doté d'une "faculté distinctive et presque illimitée", la "perfectibilité". c'est ce qu'il écrit en 1754 : "quand (bien même) les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner; faculté qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l'espèce que dans l'individu, au lieu qu'un animal est, au bout de quelques mois, ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu'elle était la première année de ces mille ans" (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes).
Tout cela est un écho à l'humanisme de Rabelais mais ce qui est visé n'est plus la culture encyclopédique dont on rêvait à la Renaissance. Rousseau et les autres penseurs des Lumières renouvellent la conception de l'éducation en partant du principe que l'être humain doit apprendre avant tout à penser par lui-même. Le maître mot de l'humanisme des Lumières est cette autonomie de la pensée et de l'action, qui doit être inculquée aux enfants puis pratiquée ensuite tout au long de la vie comme devoir envers soi-même, et qui doit être conquise aussi comme droit politique -cette dimension politique étant elle aussi une caractéristique de l'humanisme moderne.
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"Hommes, soyez humains, c'est votre premier devoir : soyez-le pour tous les états, pour tous les âges, pour tout ce qui n'est pas étranger à l'homme. Quelle sagesse y a-t-il pour vous hors de l'humanité ?" (Emile ou de l'éducation). Il n'est pas indifférent que cette injonction de Jean-Jacques Rousseau en 1762 figure dans son grand livre sur l'éducation des enfants : c'est un trait caractéristique du siècle des Lumières, qui ouvre la modernité, que d'insister sur la nécessité et le droit pour tous les hommes d'être éduqués. L'humanisme moderne commence avec cet impératif : pour que les hommes deviennent pleinement humains, il faut les éduquer et les instruire.
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Après ce préambule commence la liste des savoirs à assimiler, à partir d'un mot d'ordre : "Que rien ne te soit inconnu": "Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. Premièrement le grec, comme le veut Quintilien. Deuxièmement le latin. Et puis l'hébreu pour les lettres saintes, et le chaldéen et l'arabe pareillement. Qu'il n'y ait aucune histoire que tu n'aies en mémoire (...). Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné un avant-goût quand tu étais encore petit, âgé de cinq à six ans : poursuis le reste et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie (...). Du droit civil, je veux que tu saches par coeur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie. Et quant à la connaissance des faits de la nature, je veux que tu t'y adonnes avec curiosité, qu'il n'y ait ni mer, ni rivière, ni fontaine dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et fruits des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés dans le ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du midi (...). Puis soigneusement revisite les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudiques et cabbalistes. Et par de fréquentes anatomies, acquière une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. Et quelques heures par jour commence à visiter les saintes lettres. Premièrement en grec, le Nouveau Testament et les Epîtres des Apôtres, et puis en hébreu l'Ancien Testament".
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Rabelais fait écrire à son héros Gargantua une lettre dans laquelle il énumère pour son fils Pantagruel toutes les connaissances qu'il lui faudra acquérir pour devenir un homme accompli. Ecrite d'Utopia, île imaginaire, cette lettre de 1532 est la fiction d'une érudition et d'une culture universelle. Son auteur commence par préciser à Pantagruel qu'il a bien de la chance parce que l'époque est infiniment plus propice à cela que la précédente. On comprend là que la Renaissance se représentait à elle-même comme une sortie hors d'âges obscurs, ce qui donnera lieu dans notre culture à la représentation du Moyen Age comme éclipse de civilisation : "comme tu peux bien le comprendre, les temps n'étaient pas aussi opportuns ni commodes pour étudier les lettres qu'ils le sont à présent, et il n'existait alors aucun précepteur qui puisse ressembler à ceux que tu as eus. Les temps étaient encore ténébreux, ils sentaient l'infélicité et la calamité des Goths, qui avaient mis toute bonne littérature à destruction. Mais par la bonté divine, la lumière et la dignité ont été à mon époque rendues aux lettres, etc.".
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On aurait tort d'aller trop vite en préjugeant ici de la supériorité des modernes. Car l'idée d'une égale dignité de tous les hommes a des avantages mais aussi de graves défauts.
Elle a l'avantage d'empêcher que des hommes se disent supérieurs, et cherchent à imposer leur domination au nom de cette prétendue supériorité à d'autres qui leur seraient inférieurs. Elle permet aussi de protéger les plus faibles, les plus fragiles, en faisant valoir que toute personne humaine doit faire l'objet d'un respect sacré. Elle garantit qu'au-delà du mérite ou des talents particuliers des uns, tous les êtres humains soient en droit traités avec la même considération et sans mépris. Il n'y a pas de sous-hommes dans l'humanité -tel est l'acquis fondamental de l'humanisme moderne, qui interdit donc aussi bien l'esclavage que tout système politique fondé sur l'inégalité de castes ou de races . Mais ce qu'on gagne sur un plan, on le perd souvent sur un autre.
En l'occurrence, la modernité a tellement voulu affirmer que tous les hommes "naissent libres et égaux en dignité et en droit" qu'elle a oublié d'insister en même temps sur le fait que la dignité d'homme est aussi quelque chose qui se gagne et se construit. Etre homme est à la fois inné et acquis. Notre dignité d'homme n'est pas seulement un droit qui nous est donné par notre seule naissance dans l'espèce humaine mais le résultat d'une construction de soi -souvenons-nous ici du souci des Grecs comme sculpture de sa propre humanité. La dignité humaine est autant affaire de droit que de devoir envers soi-même.
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Pour les antiques et les classiques de la Renaissance, l'humanité est moins une qualité innée qu'une qualité largement acquise au fur et à mesure de l'éducation et du travail sur soi. Il y a une différence majeure entre l'humanisme antico-classique de type aristocratique -qui célèbre les humanissimi- et l'humanisme moderne de type démocratique : là où les modernes instituent l'égale dignité de tous les hommes, les classiques considèrent que la dignité d'homme est inégale entre ceux qui ont fait l'effort de la cultiver et ceux qui ne l'ont pas fait.
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