Salomé a mangé, Salomé a dormi. La vieille a repris ses longs monologues. Elles ont marché, dormi encore. La vieille ne pose pas de questions à l'enfant. Mais elle se repasse le film de ses confidences, encore et encore.
Elle se souvient de l'arrachement qui l'a déchirée un jour, il y a bien longtemps. Ce morceau d'amour mort un été. Elle se souvient de cette part d'elle qui l'a quittée, sa part manquante. Depuis, elle est en errance, bornant sa peau à des restes d'autrefois, quand elle était encore à la vie.
La fille ne regarde pas, elle ne voit pas, elle a pourtant les yeux ouverts, mais sur l’intérieur. Elle ne perçoit rien de ce qui se passe autour d’elle. La vieille en est sûre, elle connaît ce regard du dedans, un regard qui a mal.
Bout a bout,ces objets lui diront peut-etre ce que tous ces gens font de ce temps qui semble tourner trop vite pour eux,minutes égrénées a la pendule éléctrique sous leur yeux,impuissants a arreter ou faire avancer les heures
Ça avait été pour elle le pire moment de toutes ces années. Maintenant, elle savait repérer le car des Bleus et se fondre dans la foule ou derrière les porches quand elle les voyait débarquer. Plutôt la faim, le froid, que le désespoir.
Elle revenait vite dans sa maison, se faufilant entre les voitures, invisible parce qu'elle se sentait invisible.
Celle-la,elle ne cherche pas.Elle a finit de chercher.