Yachine vit à Sidi Moumen, près de Casablanca, au Maroc, dans un bidonville en compagnie de ses dix frères. Sidi Moumen, c'est la misère, le haschich, la colle, les vols à la tire mais c'est aussi les amis, les amours, les parties de foot. Ils grandissent, se contentant de peu de choses : une équipe soudée, de quoi oublier les tragédies, les prières... C'est Yachine, mort, qui raconte avec détachement sa vie près de la décharge.
Une histoire très forte car Yachine parle de sa vie pauvre, comme de celle de ses amis, ils n'ont pas grand chose et trouvent réconfort dans la religion. Ces jeunes qui ne voient pas l'endoctrinement qu'ils subissent, le voyant seulement comme une solution, une voie vers le paradis. C'est un récit très touchant qui nous montre une réalité redoutable. Sophia Hadi donne une voix enjouée à Yachine dans ce roman marocain, et prend une voix plus posée aux moments tragiques ou contemplatifs, adaptant sa narration au rythme de l'histoire. Je suis souvent génée quand le narrateur n'est pas approprié au personnage principal, pourtant ici, elle s'accorde parfaitement au récit. Une écoute que j'ai beaucoup apprécié en plus d'une histoire bouleversante.
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Nous plongeons avec le narrateur dans le quartier de Sidi Moumen à Casablanca. Les bidonvilles, la déchetterie en plein air, aire de jeux des enfants et adolescents du quartier, les exclus. L'histoire n'est pas tragique. Elle est. Et c'est tout. Elle est et elle mène à un suicide. Mais pas seulement. C'est un attentat-suicide. C'est l'ignorance, la misère, le désespoir absolu dans un quartier qu'un mur sépare des gens sur qui l'on crache parce que eux ne s'intéressent pas à ces exclus de Sidi Moumen. Parce que eux mènent une vie pépère sans avoir à se battre pour manger. Et parce que c'est leur indifférence qui nourrit cette misère, cette ignorance, l'horreur d'une vie sans existence. Tout à coup, le "kamikaze" prend vie, existe à nos yeux d'indifférents... Tandis qu'on oublie qu'il est encore plus victime que les victimes reconnues de l'attentat.
Merci à l'auteur. D'avoir donner une existence à ces oubliés du monde. Et de poser des questions sérieuses sur la responsabilité de chacun face à cette misère. Yeux grands ouverts, lisez.
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Magnifique roman qui mélange la violence et la tendresse, la lumière et l'horrible noirceur de la vie brutale dans un bidonville (drogue, vie d'expédients sur la décharge) qui mène à l'horreur d'un attentat.
Vers la fin, je le lisais lentement, pour rester plus longtemps dans l'univers si dur mais avec le narrateur attachant.
C'est de la grande littérature, que de parler de quelque chose de si noir avec tant de lumière.
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Dans une langue recherchée, l'auteur ne nous passe rien: l'analphabétisme, la délinquance couverte par les parents dont ils profitent, le viol et l'homosexualité, jusqu'au dénouement.
Si le film "Les chevaux de Dieu" (2012) de Nabil Ayouch, remarquablement filmé et monté est un copié collé du livre, il est si habilement réalisé qu'il en est plus puissant encore.
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Un roman très attachant et même amusant parfois, à la fin tragique; mais peut-on aspirer à autre chose qu'à une fin tragique quand on nait et grandit dans un bidonville? L'intérêt de ce roman est qu'il traite du problème de la pauvreté et de l'exclusion au Maroc et de ses conséquences. En effet, les bidonvilles sont un terreau fertile pour le recrutement des jeunes en perdition que l'on manipule afin qu'ils soient "volontaires" pour le djihad.
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En vrai j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre!
Assez émouvant, et quand on comprend pourquoi il est mort, on se prend une claque, et finalement on apprend ça alors que juste on s'est déjà attaché au personnage principal.
Et juste ce personnage on peut pas ne pas l'aimer, c'est un garçon avec des histoires hyper révoltantes, c'est pas normal de grandir dans un contexte pareil, de commencer sa vie de façon si merdique, dans un bidonville dans la banlieue de marrakech.
Et c'est si touchant, même de découvrir la vie des autres étoiles de sidi moumen, genre ils ont tous une vie qu'on souhaiterait à personne, ils se soutiennent tellement, et grandissent ensemble.
Et c'est bouleversant de comprendre que c'est un terroriste, que juste il est mort en tuant des dizaines de personnes, alors que juste tu l'aimes ce personnage, tu le plains mais tu l'aimes vraiment. Et en fait ça te fait juste réaliser que les gens qui se font sauter ils sont juste des humains comme toi, qu'ils ont été perdus à un moment de leurs vies et que juste ils se sont perdus, et on en a profité. En plus ils sont super jeunes, c'est pas un âge où tu te rends compte de la portée de tes actes, surtout quand tu es sous influence...
La partie du recrutement est assez rapide mais suffisamment détaillée pour qu'on saisisse l'idée du processus. Genre le fait que son frère se soit fait recruter, qu'il lui manque, et qu'il l'admire et qu'ensuite il entraîne tous ses potes là dedans. Et puis que des potes qui n'ont presque rien à perdre.
C'est hyper touchant de voir aussi comme son frère regrette, qu'il tremble, qu'il sue, et qu'en fait il comprend qu'il a amené son petit frère, et ses potes dans le pire traquenard qui puisse exister sur terre. Et juste tu peux pas ne pas compatir, c'est hyper touchant.
Et le moment de l'enterrement avec sa mère, c'est hyper émouvant également.
Par contre au début je m'attendais pas à cette violence, mais c'est tellement nécessaire pour avoir un contexte complet et saisir tous les enjeux du livre, genre quand son frère bute quelqu'un qui l'a juste égratigné ou quoi, et le contexte de violence, où chacun la subit d'un endroit ou l'autre, et la plupart du temps juste dans son foyer quoi... c'est assez dévastant.
Et puis ça souligne aussi la chance que moi j'ai, d'avoir une vie aussi bien que ça, alors qu'eux vivent dans la misère, la pauvreté, la saleté, ils vivent quand même dans une décharge, et sans aucune éducation, totalement libres, et surtout libres de faire n'importe quoi, de tomber dans la drogue, ou de finir comme ces petites étoiles ont fini....
Et genre le moment où il décrit les rires des enfants alors qu'il se fait sauter, genre c'est dur, c'est si fort, et tu vois que finalement bah lui même se rend compte que bon les "impures", bah déjà il en faisait partie quelques mois plus tôt, et qu'il a tué des enfants qui rigolaient quoi... c'est horrible
C'est vraiment très touchant, et je suis très contente d'avoir lu ce livre, il en valait vraiment la peine...
On finit par mettre une vie, une humanité, des sentiments sur un acte si barbare.
C'est un livre qui fait grandir un peu je trouve, et c'est vraiment ça que je cherche dans les livres, juste te permettre de comprendre et de te mettre à la place de gens dont tu serais jamais mis à leur place sinon et c'est tellement beau.
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