On ne peut qu'être d'accord avec l'écrivain argentin
Jorge Luis BORGES : "
L'invention de Morel", ce court roman (ou cette longue nouvelle) que produisit en 1940 son ami et compatriote
Adolfo BIOY CASARES [1914-1999] est un monument fictionnel quasi-parfait.
L'imaginaire pur.
La peur.
La survie.
L'indécision.
L'ombre portée de l'étrange & effroyable île du Docteur Moreau ["The Island of Doctor Moreau", 1896] d'Herbert-George WELLS (1866-1946).
La condition humaine : le narrateur, ce persécuté, ne rejoindra-t-il point - de son plain gré - au final, l'existence des Dieux de l'Olympe ?
Si riches tourments de l'imaginaire...
Satanée machine cernée de porcelaine bleue cachée dans les sous-sols du "Musée"...
Circé transformait les compagnons d'Ulysse en porcs.
Morel le scientifique vole "simplement" l'âme de ses amis vacanciers à leur insu... mais les prévient charitablement, à la fin de leur semaine de rêve et d' "enregistrement" collectif.
Morel est altruiste, à sa façon : il sait qu'il partagera leur destin.
Juste accepter de perdre peu à peu ses cheveux, ses ongles, sa peau, sa vue, son ouïe...
Se voir dessécher lentement, à l'instar des "tas d'ossements grisâtres" des infortunés semi-vivants de "
Ubik" [1969] et "A maze of Death" (
Au bout du labyrinthe) [1970] du Californien visionnaire
Philip K. DICK [1928-1982].
Un "détail" pour le narrateur, amoureux fou des intonations de voix et de la gestuelle déliée de la belle Faustine, surprise sur les rochers du haut de l'île.
L'amour rend aveugle : le fugitif, peu à peu aveugle comme
Homère, rejoindra le destin des Dieux et Déesses.
Seul au milieu du Pacifique : l'éternité pour soi ?
On préférerait clairement le destin de Chuck Noland de la "FedEx", incarné par
Tom Hanks dans "Seul au monde" [Cast Away", 2000] de
Robert ZEMECKIS : en compagnie protectrice d'un ballon, tenant bravement tête à tous nos cauchemars insulaires... Les années passeront.
Se
souvenir que l'année 1940 fut, aussi, celle qui mit au monde "Il deserto dei Tartari" (
Le désert des Tartares) du grand
Dino BUZZATI (1906-1972).
"Une île...", chantait
Jacques BREL (L'immortel).
"Une île au large de l'espoir"...