Condamné par la justice, un homme - sans nom et sans âge - qui s'est évadé de prison, gagne une île déserte au péril de sa vie, pour s'y réfugier. Une île sauvage, abandonnée de tous depuis 1924. Seuls vestiges de son mystérieux passé : un musée, une chapelle et une piscine, laissés à l'abandon. Mais est-il vraiment le seul habitant des lieux ? A quoi servent toutes les machines qu'il a découvertes dans les sous-sols des bâtiments ? Est-ce que l'île sera le sanctuaire qu'il a tant espéré ?
Un texte court et dense, cachant un livre-somme qui interroge sur le sens de la vie, la peur de la mort et de la solitude, la quête éperdue de l'amour et de la liberté, qui confronte le rationnel à l'irrationnel, et qui rappelle que progrès technique ne rime pas toujours avec progrès moral. Autant de thèmes qui font sens au regard de la date à laquelle le texte est paru (ndlr : 1940), et qui continuent à faire sens à ce jour, tant ils sont universels.
Le récit est mené par un héros-narrateur complexe. C'est un personnage littéraire : mi-Candide, mi-héros romantique. Un solitaire, qui souffre psychologiquement, à la recherche de l'unique amour (l'histoire est axée sur l'expression de ses sentiments). C'est aussi un homme perdu, en proie au doute : c'est un être rationnel dans la vie duquel va surgir l'amour et l'irrationnel ; ce qu'il va découvrir sur l'île va balayer à tout jamais ses certitudes. C'est enfin un homme ambivalent : il s'est réfugié sur l'île pour se soustraire aux yeux du monde (il a fui la justice de son pays), tandis qu'il ne désire qu'une chose, que la femme qui l'obsède le regarde enfin.
Le regard semble être la clé de voûte du roman, sous toutes ses formes : le regard amoureux ou la pulsion scopique (du héros), le regard mortifère (du personnage de Morel), l'absence de regard (de la femme idéalisée), l'aveuglement (de tous ?).
Cette oeuvre passionnante est aussi porteuse d'une réflexion forte - à défaut d'être inédite - sur le pouvoir des images.
Au mieux, les procédés d'enregistrement des images sont des machines à simulacres ; au pire, elles s'avèrent être de redoutables machines mortifères (comme nous l'a déjà signifié Roland Barthes, en ce qui concerne la photographie).