Adolfo Bioy Casares, écrivain argentin et ami de
Jorge Luis Borges , nous offre le récit d'un voyage enfiévré sur une île prison au large de Cayenne. Ce roman teinté de fantastique et de paranoïa est rédigé sous la forme d'une sorte de journal de bord à la troisième personne.
Le narrateur est en effet l'oncle d'un héros, le lieutenant Henri Nevers, contraint de s'éloigner un an de la métropole pour une obscure raison familiale et qui prend ses fonctions dans un pénitencier insulaire dont il doit seconder le gouverneur.
Avec brio,
Adolfo Bioy Casares, joue dans cet ouvrage à inverser les repères traditionnels des lecteurs : ici, pas de dangereux prisonniers mais des hommes aussi paisibles que passifs, a contrario la figure du gouverneur qui devrait constituer une figure d'autorité bienveillante est perçue comme une menace aussi mystérieuse qu'oppressante qui plane sur ces îles. Autre paradoxe, alors que la prison est sensée être vouée à la pénitence des prisonniers, c'est Henri Nevers, pourtant du côté des gardiens qui se retrouve comme enfermé et puni dans ce purgatoire exotique.
Dans ce roman plutôt court (tout juste 200 pages), en dépit du peu d'action, le mode de narration permet de ne jamais ennuyer le lecteur. Mais c'est avant tout l'ambiance enfiévrée et paranoïaque à l'intérieur de cette micro société que représente l'île-prison qui constitue la plus grande réussite du livre. La fin est aussi inattendue que réussie.
Le livre est publié en 1945 par
Adolfo Bioy Casares, soit 5 ans après le succès de
l'invention de Morel et on y retrouve nombre de points communs dont le cadre insulaire n'est que le plus évident : Ainsi on retrouve comme dans son précédent ouvrage les références assumées à L'île du docteur Moreau d'
H.G. Wells et des thématiques autour de la science, l'isolement, la mort et la folie. Toujours dans la continuité de
l'invention de Morel, l'auteur va explorer la frontière entre vie et mort, rêve et réalité.
Si le livre n'est pas à proprement parler une suite de
l'invention de Morel, je vous recommande vivement de le lire peu après car il en est le prolongement logique.