Dans leur définition, en effet, l'architecte n'est plus qu'un décorateur qui vient en troisième ligne apporter un ornement additionnel à l'édifice. Au lieu de proclamer l'importance de la beauté, son indépendance même, ils l'ont réduite à n'être qu'un simple accompagnement de l'utile ; ils ont désigné comme un pur accessoire de la construction ce qui en est la partie la plus subtile, la plus illustre, la plus élevée, la plus rare.
Une autre qualité essentielle de l'architecture est la solidité. Celle-là regarde sans doute le constructeur beaucoup plus que l'artiste. Toutefois elle n'est pas sans avoir une relation, souvent intime et directe, avec la sublimité ou la beauté d'un monument. Il est telle construction des antiques Pélages ou des Pharaons qui peut éveiller en nous des pensées grandes, des sentiments d'une poésie solennelle, lorsque, par l'immensité de ses proportions et par la force évidemment inébranlable et indestructible de ses supports, elle nous annonce une durée sans bornes et nous fait songer à l'éternité, à l'infini.
Comme artiste, l'architecte invente les combinaisons de lignes et de surfaces, de pleins et de vides, qui devront éveiller dans l'âme du spectateur des impressions d'étonnement ou de majesté, de terreur ou de plaisir, de puissance ou de grâce. Ainsi, avant que la science soit soumise en lui à toute la rigueur des mathématiques, son art, échappant aux lois de l'utile et à l'empire du nécessaire, s'élève à des conceptions que le sentiment seul devra juger, et il n'obéit encore qu'à ces grandes règles déjà tracées par le génie des autres ou que découvre son propre génie, et qui sont supérieures au calcul.
Quand elle est exquise, la convenance engendre toujours ce genre de beauté qui s'appelle le caractère, c'est-à-dire l'expression générale du monument, la première pensée qu'il fera naître dans l'esprit du spectateur. Du plus loin que vous l'apercevez, un édifice doit vous dire : Je suis un temple, un tribunal, une douane ; et s'il le dit clairement, c'est que déjà il possède une parfaite appropriation, qualité précieuse, mais qui n'est encore, pour ainsi parler, que le second degré du beau.
Comme constructeur, l'architecte s'occupe du nécessaire et du commode ; il éprouve les matériaux, il en calcule la résistance et la pesanteur, il en détermine la coupe, et il dispose ses édifices de façon à les rendre à la fois solides et convenables, s'ils ont une destination, solides alors même qu'ils n'en ont aucune, c'est-à-dire quand ils doivent être purement symboliques.