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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Se demander si l'on peut remonter dans le temps pour assassiner Hitler, Mao Tsé Tung ou encore Staline ( responsable de la mort de onze millions d'Ukrainiens... ) enfants relèvera toujours de la science-fiction. La question ne se pose pas, leurs génocides ont eu lieu et jamais on ne pourra revenir en arrière.
En revanche, sauver des vies par anticipation en tuant des gosses n'est pas aussi inenvisageable que ce qu'on pourrait penser. Et c'est l'un des thèmes forts de ce roman, hélas très réaliste puisqu'il s'appuie sur l'histoire récente de la Syrie.
"On a un bouton rouge sur la ceintures et on appuie dessus. C'est facile. Ensuite je vais au ciel à côté d'Allah. Je serai heureux. J'aurai plein de cadeaux."
Ces paroles, ce sont celles de Youssef, onze ans. Fils d'une française djihadiste tombée au combat, il a subi depuis des années l'endoctrinement de Daech. Il a tout oublié de son précédent pays, il sait compter jusqu'à vingt avec des munitions converties en bombes puis en chars.
Peut-être a-t-il assisté à la décapitation d'un otage occidental. Voire participé.
Il est ce qu'on appelle un lionceau du califat, un Ashbal, de ces enfants qui ont subi un lavage de cerveau dès l'âge de quatre ans pour leur inculquer la haine de leur prochain sous des prétextes religieux fallacieux.
"On ne se méfie pas des mômes. Au contraire on développe de l'empathie pour eux."
Le rôle de Florence Dutertre, assistante sociale vouée corps et âme à son métier, est de mesurer les risques de réinsertion en France d'enfants tels que Youssef. Est-il encore possible de le déconditionner ou restera-t-il toujours une bombe à retardement ?
Un sniper choisira avant elle et abattra Youssef pendant qu'elle l'interrogeait.
Ce ne sera pas sa première victime.
Alors non, Youssef n'est pas Hitler, mais il aurait pu être un futur Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ( attentat sur la promenade de Nice le 14/07/2016 ), un Saïd ou un Chérif Kouachi ( Charlie Hebdo le 07/01/2015 ), un Samy Amimour, un Ismaël Omar Mostefaï, un Foued Mohamed-Aggad ( Bataclan le 13/11/2015 ). Il aurait pu vouloir rejoindre sa mère et Allah en emportant avec lui un maximum de victimes comme l'avait fait Chérif Chekatt le 11/12/2018 au marché de noël de Strasbourg.
On ne le saura jamais.
Il mourra en 2019 avant que les services sociaux et juridiques n'aient pu statuer sur son cas.

Je dois bien avouer que je suis nul en géopolitique, souvent dépassé par les conflits et leurs enjeux territoriaux, économiques, politiques, religieux. Et pourquoi tel pays entre dans le conflit mais pas tel autre ?
Même si Christian Blanchard simplifie la guerre civile née en Syrie en 2011 pour éviter de noyer le lecteur sous une tonne d'informations qui aurait desservie son histoire, il faut quand même s'accrocher. Même si de nombreux points restent obscurs, je me suis surpris à beaucoup me documenter pendant le roman, tant pour clarifier certains aspects que par une curiosité que je n'avais jamais eue à l'époque.
Lire des romans noirs sur fond historique bien concret enrichit énormément.
Pardonnez-moi d'avance si mon court résumé est parfois approximatif ou erroné.
"La Syrie est au centre d'un système géopolitique complexe."

Au commencement eut lieu le printemps arabe. le peuple de nombreux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient s'est soulevé contre leurs dirigeants dictateurs. En l'espace de trois mois, de décembre 2010 à mars 2011, la Tunisie, l'Egypte, le Maroc, la Jordanie et la Syrie sont confrontés à ces mouvements de liberté qui auront des répercussions différentes.
En Syrie, ce sera la guerre civile. L'ASL ( l'armée syrienne libre ) affrontera l'armée syrienne officielle du président Bachir-El-Assad. Il l'est toujours aujourd'hui après vingt-deux ans au pouvoir. En 2007 un référendum l'a réélu à 97,62 %, en 2014 avec 88.7 %, en 2021 avec 95,1 % des suffrages. Un homme aimé par son peuple, qui fait quasiment l'unanimité. Seulement 200 000 morts, une utilisation de gaz toxique contre les Syriens – civils compris - , je ne comprends pas pourquoi vous pensez que les votes ont pu être trafiqués.
"Quand un dirigeant est capable de tuer des milliers de ses concitoyens, de massacrer son propre peuple, peut-on lui demander d'être raisonnable ?"
Il faut dire aussi que comme tout dictateur qui se respecte, Bachir-El-Assad contrôlait l'information, interdisant notamment l'import de journaux étrangers.
Tu ne seras plus mon frère évoque cette guerre civile par le biais d'une famille franco-syrienne : Ils sont six : Les parents, qui dirigent une exploitation agricole, leurs deux jeunes filles, et leurs fils qui choisissent des camps opposés. Kamar, le plus jeune, choisit l'armée officielle du président Bachir-El-Hassad, l'aîné rejoindra l'ASL. C'est par la narration de ce dernier, Kasswara, que nous découvrirons les horreurs de la guerre et sa façon de métamorphoser les combattants. Un parti pris de l'auteur pour le camp de la liberté et de l'information.
Tandis qu'à l'image de la guerre civile, la haine entre les frères fissure leur famille.
"Il n'y a plus de frères maintenant mais deux camps."
"Ce sera un duel. Un face à face dans les ruines sur un champ de bataille quelconque."

Mais ce ne sont que les prémisses d'un conflit aux ramifications bien plus tordues encore. Une seconde coalition menée contre Bachir-El-Assad prend naissance, dirigée par Abou Bakr al-Baghadi. Ce dernier créera l'Etat Islamique entre l'Irak et la Syrie. Ancien membre d'al Qaïda, il s'autoproclame émir, califat, et chef de tous les clans djihadistes ( ils seront nombreux à le rejoindre ). Il fut l'un des terroristes les plus recherchés et mettra fin à ses jours en 2019, pris en tenaille par l'armée américaine. Il préférera déclencher sa ceinture d'explosifs, emmenant par ailleurs dans la mort deux de ses enfants.
Bienvenue dans l'obscurantisme et la haine.
"Si les femmes disposaient d'une liberté réduite sous le régime de Bachar, elles étaient maintenant asservies comme jamais."
C'est le règne de la terreur.
Si les pays européens ont été victimes d'attentats, y compris des pays totalement neutres comme en Scandinavie, ce ne sont cependant pas les nations les plus touchées par ce déferlement de haine. Raison supplémentaire s'il en fallait une pour ne pas faire d'amalgame.
"Les musulmans sont leurs cibles privilégiés. Moins de morts chez les juifs ou les chrétiens."
C'est donc lui qui est à l'origine de l'embrigadement de jeunes enfants. de la pâte à modeler. de la chair à canon en première ligne des armées djihadistes.
Des enfants soldats qui n'ont pas peur de mourir et qui ont été instrumentalisés sans vergogne pour tuer.
Sur le champ de bataille et en dehors ils sont à considérer comme des armes. C'est eux ou vous. Un instant d'hésitation peut vous être fatal même si les abattre parait être un acte contre nature.
Et c'est lui aussi qui a fait la promotion du Djihad ( "Viens en Syrie, tu vas t'éclater avec nos bombes artisanales !" ), sa propagande ayant fait de nombreux fanatiques. Il diffusait sur internet des mises à mort - parfois effectuées par des enfants - d'otages occidentaux pour maintenir un climat d'insécurité voire de terreur.
"Le cancer Daech avait infecté l'ensemble des organes de la société."

A la grande déception de l'armée syrienne libre, la France ou les Etats-Unis n'ont pas souhaité combattre à leur côté et entrer dans cette poudrière. En revanche, les Russes de Poutine avaient des intérêts économiques en Syrie et ont pris le parti du dictateur Bachir-El-Assad. Ils entrent en guerre en 2015 et bombardent les opposants, finissant par neutraliser les rebelles sans trop s'immiscer dans le conflit avec Daech. Vladimir Poutine contrôlait les airs et aimait déjà beaucoup larguer des ogives. Ca lui servirait d'entraînement pour plus tard.
Je ne parlerais pas des Chiites et des Sunnites, d'Hezbollah, des Salafistes ou du Kurdistan, qui n'ont qu'un maigre rôle à jouer au sein du roman et aussi parce que la géopolitique du Moyen-Orient a gardé encore de nombreux secrets pour moi.
Mais pour quelqu'un qui était totalement néophyte sur la question, ma culture générale s'est quelque peu étoffée.

Alors certes, c'est un roman sur la guerre et je peux concevoir qu'on soit déjà servi aux informations tous les jours, même s'il s'agit d'un autre conflit. Mais ce n'est pas un livre qui ne fait que parler de géopolitique pour les nuls ( comme moi ) et dont l'essence n'est pas non plus de relater des manoeuvres militaires chapitres après chapitres. Si on y a droit quelques fois, c'est toujours du point de vue du résistant Kasswara. Nous vivons donc cette guerre doublement fratricide ( entre personnes d'une même nation, entre deux frères ) du point de vue d'un tireur d'élite exceptionnel, partageant ses exploits et subissant ses revers. Ce sont des passages très récurrents, qui parfois se ressemblent, et qui n'ont pas toujours trouvé le même intérêt à mes yeux.
Ce qui est exceptionnel en revanche c'est de voir ce jeune homme d'abord terrorisé à la seule idée d'ôter une vie humaine et dont la mentalité changera progressivement. Ce sera ensuite un travail, une vocation, puis un plaisir. La peur et l'instinct de préservation l'accompagneront dans les pires situations.
"Tu n'es pas là pour tuer des gens mais pour protéger et sauver tes compagnons d'armes."
Nour, son fusil, sera pour lui une compagne inséparable, humanisée telle une femme à ses côtés.
"De temps en temps, je la décroche, la caresse, lui parle et lui apporte les soins qu'elle mérite."

Pour écrire un roman noir et tragique, la réalité est un terreau parfois plus fertile encore que la fiction.
Parce que des drames à vous serrer le coeur et les tripes, vous en aurez. Et ils ne seront pas uniquement issus de l'imagination fertile d'un auteur qui veut jouer sur la corde sensible, mais d'évènements bien réels ou qui auraient pu l'être.
J'ai un petit regret : Si le roman s'ouvre sur une complicité entre les deux frères ( Kamar et Kasswara ), je pense qu'il aurait pu être préférable d'insister davantage sur celle-ci. Il n'y aura aucun juste milieu, aucune conversation, aucune chance de préserver l'unicité de leur famille. A partir du moment où ils choisiront de combattre dans des camps opposés, seule la haine subsistera.
J'aurais aimé plus de subtilité dans ce conflit familial qui donne quand même son titre au livre.

Quant aux lionceaux du califat, si leur condamnation à leur arrivée sur le sol français est issue cette fois de l'imagination de l'auteur, ils existent bel et bien. En 2021 ils étaient 20 000 enfants irakiens embrigadés enfermés en Syrie. 200 dans des cellules de 30 mètres carrés. Des conditions de vie impossibles, des ennemis avec lesquels il est impossible de revivre. Quelle solution pour ces jeunes humains piratés en machines de guerre kamikazes qui ont été manipulés sans jamais avoir eu leur mot à dire ?
Quand on voit la complexité pour désenvoûter sans assurance de succès ne serait-ce qu'un enfant de retour en France...

Roman historique contemporain, les jeux sont faits à l'avance pour de nombreux aspects du roman qui relate les évènements de 2010 à 2019.
Pour autant, le suspense est présent ( même si on n'est pas du tout dans un thriller ) grâce aux éléments incorporés par Christian Blanchard, à savoir la façon dont se finira - ou pas - le conflit armé de deux frères qui autrefois s'aimaient.
C'est pour ça qu'il ne faut jamais parler politique dans les repas de famille.
Et puis il y a cette intrigue légèrement policière puisqu'il faut retrouver l'assassin de ces enfants djihadistes de retour en France.
Au-delà des quelques défauts évoqués ( la répétition des scènes de guerre, des points stratégiques à contrôler ) et d'une émotion qui m'a manqué pour être réellement impacté par l'aspect fratricide mis en avant dans le livre, Tu ne seras plus mon frère a le plus souvent été réellement plaisant à lire.
J'en sui ressorti ému, parfois même bouleversé.
Je me suis surpris à apprendre et à m'intéresser, au-delà de ce qui était relaté dans le livre, à l'histoire complexe de la Syrie alors que, je l'avoue, j'étais passé au travers des trois quarts. Histoire qui n'est d'ailleurs pas terminée.
Et puis au travers du danger potentiel des lionceaux du califat, les tirer comme des lapins n'apparaît évidemment pas comme la solution idéale.
"Eradiquer toutes les sources possibles de terrorisme."
Mais j'ignore quelle serait la solution la plus appropriée pour les réintégrer dans une communauté qu'ils ont appris à haïr. Pas de miracle en vue mais des questions sans réponse et une intense réflexion.
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Le conflit syrien expliqué par l'intermédiaire de deux frères franco-syriens, snipers, qui militent dans deux camps adverses, l'un pour Bachar al Assad l'autre pour ASL, la Syrie libre.
L'histoire se déroule sur deux périodes et deux lieux, en Syrie pour le conflit armé dans les années 2010 à 2017 et à Paris en 2019 pour la partie exécution des enfants "lionceaux" du califat de Daech.
Bien menée, la vie de ces deux frères ennemis nous emportent dans un univers terrifiant où la mort est à votre porte.
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Le printemps arabe qui débute fin 2010 en Tunisie puis se répand en Égypte , en Libye puis en Syrie , voit les populations se rebeller contre un pouvoir en place despotique . Mais si le soulèvement dans certains pays aboutissent un remplacement du régime précédent - de manière démocratique ou non - en Syrie , Bachar El-Assad s'accroche au pouvoir - aidé en cela par ses alliés russes et profitant des atermoiements des pays occidentaux - quitte , pour cela , à massacrer son peuple .
Les Berger sont des exploitants de melons et de pastèques depuis plusieurs générations au Sud d'Alep . Ces franco-syriens dont les grands parents sont rentrés en France continuent leur commerce malgré la guerre civile qui éclate , voyant s'opposer les forces loyalistes au gouvernement en place et l'Armée Syrienne Libre ( ASL) , éprise de liberté qui souhaite faire tomber le dictateur .Les Berger ont deux fils et deux filles . Kasswara , l'ainé , a déjà fait l'armée et a obtenu de nombreux titres le récompensant en tant que tuteur d'élite . Son frère cadet , Kamar , ne rêve que de s'engager dans l'armée et de devenir tireur d'élite comme son grand frère .
Mais le destin et la guerre civile qui bat son plein va les faire choisir deux camps opposés : Kamar pour l'armée loyaliste et l'ASL pour Kasswara , au risque qu'ils s'entretuent un jour , en Syrie ou neuf ans plus tard en France .

Une fois de plus , j'ai été scotché par cette histoire qui vous prend aux tripes .
Ces combats sanglants et sans pitié qui nous font vivre les épisodes de cette guerre syrienne , qui a vu la constitution de Daech et de son califat au beau milieu de cette guerre civile syrienne , sont d'un réalisme terrible . Une guerre complexe , un jeu dramatique à plusieurs bandes qui voient s'affronter sur un même terrain, intérêts et idéologies divergents: états arabes , occidentaux , russes , iraniens , turques , kurdes , les factions rivales syriennes et Daech .
Kasswara est notre témoin de ces horreurs quotidiennes qui voit le combattant de la liberté se transformer en terrible machine de guerre . L'auteur nous immisce parfaitement dans cette ambiance de combats anarchiques pour gagner puis reperdre quelques pouces de terrains .
La deuxième facette de ce roman est celle qui se déroule en 2019 . L'Etat islamique est décimé et la France , à travers l'Aide Sociale à l'Enfance accueille les premiers enfants de djihadistes français . Des enfants qui n'ont pour beaucoup connu que la vie sous Daesh et dont certains sont passés par l'école du califat , conditionnés par leurs instructeurs à tuer les mécréants et à devenir des lionceaux du califat .
Enfants bourreaux ou futures victimes ?
L'auteur nous montre avec l'efficacité de cette écriture qui le caractérise , l'ambiguïté de cette situation et les ravages de cette guerre qui a eu pour conséquences d'envoyer des centaines de milliers d'hommes , de femmes et d'enfants s'amasser dans des camps de fortune , seule solution de survie immédiate pour eux . Un roman qui se lit comme un thriller même si la fiction n'est ici qu'un support à des faits avérés et à une tragédie sans fin .
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Autant le dire tout de suite, on est loin de l'énorme coup de coeur ressenti l'année dernière !
La faute certainement à la thématique (la guerre) qui ne m'a pas vraiment passionnée.
Mais cela n'empêche pas que ce roman a de grandes qualités (un travail dingue de recherche sur le sujet notamment !) et il est surtout formidablement bien écrit.
Le point fort de l'auteur est toujours ce rapport à l'humain, cette façon de nous infiltrer dans l'âme humaine avec ce qu'elle a de plus beau mais aussi de plus sombre !
Même si cette fois-ci le rendez-vous n'a pas été totalement concluant, j'ai hâte de découvrir ses autres livres !
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Quand le printemps arabe éclate fin 2010, les dissensions entre pays arabes refont surface. Mais elles essaiment aussi au coeur des familles, venant les bousculer. C'est ce que va vivre la famille Berger, franco-syrienne, qui vit au sud d'Alep. Alors que Kasswara s'engage aux côtés de la rébellion, son frère Kamar prête allégeance à l'armée de Bachar el-Assad. Les deux frères se voient maintenant comme des rivaux et, au fil du conflit qui se durcit, des ennemis à éliminer. 2019, en France. Florence Dutertre est une assistante sociale qui supervise le retour en France des « lionceaux du Califat », ces enfants embrigadés dans la doctrine de Daesh. Alors qu'elle s'entretient avec un enfant tout juste arrivé à Paris, elle le voit s'effondrer, une balle en pleine tête. Qui a voulu le tuer, et pourquoi ? Florence est bien décidée à mener l'enquête, quitte à mettre sa vie en jeu…

« Tu ne seras plus mon frère » est un roman écrit par Christian Blanchard et qui a obtenu le prix 2021 de la ville de Carhaix. C'est un roman sombre qui prend le lecteur aux tripes par les drames qu'il narre et la violence dont il se fait l'écho. En contrechamp de l'Histoire, s'écrit l'histoire singulière de deux frères que la guerre va opposer. Celle-ci les mène finalement vers une issue dramatique : briser le sang qui les unit par le sang, la mort de l'un ou l'autre. Mais avant cela ils ont à écrire d'autres pages et à éliminer leurs adversaires dans des combats difficiles, anarchiques, où l'enjeu est de reprendre une place forte, tout en sauvant sa vie. Tous deux sont des snipers, ces tireurs d'élite qui interviennent en amont puis en aval des batailles.

C'est le point de vue narratif de Kasswara que nous allons suivre. Et nous sommes très vite complètement immergé dans son esprit, dans les conflits auxquels il prend part : le propos est en effet d'un réalisme glaçant. Nous vivons ses peurs, ses doutes et sa métamorphose au fil des opérations. Au début, il redoute de donner la mort, se demandant comment il va vivre ce point de bascule. Après son premier combat, il ruse, triche avec lui-même, et remplace dans sa lunette de visée les victimes qu'il va faire par des cibles de carton-pâte. Mais les cauchemars qui commencent à hanter ses nuits lui montrent l'effraction que ces morts ont ouverte dans son esprit : il ne sera plus le même, quoi qu'il fasse. Peu à peu, il s'habitue et commence même à se sentir en manque quand les blessures l'écartent du front. Et puis débutera la période française, dans laquelle se retrouvent les deux frères.
Grâce à une écriture ciselée, puissante et âpre, l'auteur parvient à nous happer dans cette intrigue bien construite, quoique de facture classique : elle alterne les points de vue narratifs et les périodes, jusqu'à ce que ces dernières s'éclairent mutuellement puis se rejoignent.

Un roman noir, engagé, puissant, qui dit le déchirement des pays arabes et de l'occident par le prisme d'une famille franco-syrienne et de ses deux fils.
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Bien que n'occupant plus la Une des médias il y a fort à parier que pour les Syriens le conflit opposant le régime de Bachar el-Assad aux forces rebelles reste tristement d'actualité. Sur le sujet j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises et mon point de vue n'a pas changé d'un iota à ce jour.

Le régime de Bachar est pourri jusqu'à la moelle, le gars est une ordure finie qui chie ouvertement sur les droits de l'homme donc la rébellion est une juste réaction. Sauf que ladite rébellion s'est faite gangrénée par l'État Islamiste à tel point que pour les occidentaux il devenait difficile, voire impossible, de distinguer les rebelles luttant pour instaurer une véritable démocratie en Syrie, et les djihadistes souhaitant faire du pays un état islamiste régi par la charia. Certains soutiens au régime ne se sont d'ailleurs pas privés de cet amalgame pour bombarder allégrement les positions des opposants à Bachar, quel que soit leur camp (Vlad si tu me lis… ce dont je doute, fort soit dit en passant).

Soutenir la rébellion au risque de favoriser l'émergence d'un nouvel état islamiste ou détourner le regard sur les exactions de Bachar el-Assad ? La question ne s'est pas posée longtemps pour les dirigeants occidentaux… et j'aurai bien du mal à leur jeter la pierre.

Christian Blanchard construit son roman en alternant deux arcs narratifs. le premier consacré à l'intrigue actuelle qui se déroule en région parisienne et qui s'articule autour de l'assistante sociale Florence Dutertre. le second étant constitué du récit de Kasswara qui nous raconte la Syrie d'avant le conflit à aujourd'hui… et surtout les conséquences dudit conflit sur sa famille.

J'ai trouvé que tout le récit de Kasswara était captivant, on devine sans mal l'énorme travail de documentation de l'auteur sur les tenants et les aboutissants du conflit syrien pour les différentes forces en présence. Au-delà de l'aspect purement documentaire c'est surtout l'aspect humain qui m'a particulièrement touché, le conflit va briser l'union sacrée entre les deux frères, le cadet ayant choisi de rejoindre les rangs de l'armée régulière, l'aîné prenant les armes en faveur de l'ASL. Ça promet niveau ambiance à table lors des repas en famille…

En revanche au niveau de l'intrigue actuelle j'avoue être un peu resté sur ma faim. Pas besoin d'avoir fait Normale Sup pour comprendre que le tueur d'enfants du djihad de retour en France est l'un des deux frères. Lequel ? Kamar ou Kasswara ? Les deux auraient la même raison personnelle d'agir de la sorte (la vengeance), même au niveau idéologique l'un ou l'autre ferait l'affaire (l'un des rares points communs entre le régime syrien et l'ASL étant leur opposition aux forces de l'État Islamique).

Naturellement on serait tenté de privilégier la piste de l'un des deux K. sauf que ce serait trop simpliste et surtout ça ne correspondrait pas totalement au personnage. L'autre K. s'impose donc comme une évidence, d'autant que ça colle mieux à sa personnalité.

Dans le même ordre d'idée on devine sans mal l'identité de l'amant de Florence Dutertre, tout comme ses motivations, un peu troubles au départ, finissent, elles aussi, par s'imposer comme une évidence.

Il n'en reste pas moins que, malgré ce petit bémol sur l'intrigue actuelle, j'ai pris énormément de plaisir à lire ce bouquin. Christian Blanchard sait y faire pour rendre son récit totalement addictif.
Lien : https://amnezik666.wordpress..
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(...)
Dans son dernier roman, Tu ne seras plus mon frère (2021), l'ancien enseignant, formateur et proviseur français Christian Blanchard (1959) se penche sur le conflit armé qui déchire la Syrie depuis 2011. En alternant deux cadres spatio-temporels et deux intrigues vouées à se rejoindre de façon brutale, il donne un aperçu global -politique mais également social- de la complexité de cette longue guerre civile dont l'origine s'inscrit dans la continuité des printemps arabes qui ont embrasé l'Afrique du Nord à partir de décembre 2010.

Le conflit est abordé en Syrie à travers l'histoire d'une famille franco-syrienne qui, suite à la répression féroce des manifestations anti-Assad, se divise avant de se déchirer de façon irrémédiable en raison de convictions idéologiques antagonistes. Tandis que le cadet des frères Berger décide à tout juste dix-sept ans de s'engager corps et âme aux côtés des forces armées régulières de Bachar el-Assad, l'aîné déserte et rejoint les rebelles de l'Armée syrienne libre. La réconciliation est impossible et les deux frères autrefois unis se considèrent dès lors comme des ennemis jurés.

En Seine-Saint-Denis, une assistante sociale chargée de superviser pour l'Aide sociale à l'enfance le retour en France des enfants de djihadistes français est confrontée à l'horreur absolue lorsqu'un jeune garçon dont elle supervise la réinsertion est abattu devant ses yeux d'une balle dans la tête. Si elle est terriblement choquée par ces assassinats en série -le garçon est le troisième enfant rapatrié de Syrie exécuté par un sniper-, elle ne compte pas renoncer à ce qu'elle considère être son devoir: tenter de sauver ces enfants qui ont grandi dans des camps sous le commandement de Daech, récitent le Coran par coeur et comptent avec des balles, des chars et des bombes.

Christian Blanchard signe avec Tu ne seras plus mon frère un roman noir très bien documenté dans lequel il aborde de nombreuses thématiques aussi intéressantes et captivantes du point de vue historique que glaçantes et poignantes du point de vue humain. Il est ainsi question, d'une part, des origines et de l'évolution du conflit, de la création de l'Etat islamique et du bouleversement des rapports de force qui en a résulté, de l'organisation (ou la désorganisation) des deux armées et des divers groupuscules, de l'ingérence ou au contraire de l'absence d'implication de la part de la communauté internationale et, d'autre part, des relations sociales compliquées, notamment familiales, de filiation et de fraternité.

Enfin, Christian Blanchard aborde la question très sensible du rapatriement des « lionceaux du califat », ces enfants entre quatre et seize ans endoctrinés par Daech afin de perpétuer l'idéologie extrémiste. Ces enfants peuvent-ils être « sauvés », intégrés ou réintégrés dans la société occidentale ou sont-ils définitivement « perdus » et donc dangereux? L'ampleur de la tâche à laquelle est confrontée l'assistante sociale Florence Dutertre est d'autant plus délicate qu'elle peut avoir des répercussions dramatiques. Faut-il dès lors enfermer des enfants inoffensifs ou mettre en liberté de potentielles bombes à retardement?

Tu ne seras plus mon frère est un roman tout sauf joyeux dont la thématique peut rebuter, certes, mais il a le grand mérite d'éclairer de façon simple et fluide les tenants et aboutissants d'une guerre civile complexe, de rappeler que ce conflit terriblement meurtrier est malheureusement encore loin d'être terminé et enfin -et peut-être surtout- de questionner notre humanité et notre solidarité envers le peuple syrien.



Lien : https://livrescapades.com/20..
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Bonne histoire. Elle ne vaut pas Iboga qui m'avait littéralement épaté. Mais elle se laisse lire agréablement. On comprend assez vite qui est le sniper meurtrier à Paris et que le "bon" n'a pas pu se transformer au point de devenir un meurtrier sans scrupule. Mais le récit tient quand même la route.
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Encore un livre qui touche du doigt des sujets très sensibles. On vit et on perçoit à travers ces lignes les 2 côtés de ce qui se passe en Syrie. Et même lorsque les liens du sang ne comptent plus face à cette guerre....quelle tristesse ! le pitch final m'a surprise. Je ne m'attendais pas à cette fin. J'aime cette façon qu'a Christian Blanchard de nous rendre curieux sur les sujets qu'il aborde. Il en parle dans ces livres mais nous donne surtout l'occasion d'aller chercher plus d'infos, plus de témoignages. Il n'est pas dans l'étalage "spectaculaire" mais vraiment dans la sensibilité et la pudeur.
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