AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Histoires désobligeantes (35)

J'ouvre ici une parenthèse, complètement inutile d'ailleurs, pour déclarer que le téléphone est une de mes haines.
Je prétends qu'il est immoral de se parler de si loin, et que l'instrument susdit est une mécanique infernale.
Il est bien entendu que je ne puis alléguer aucune preuve de l'origine ténébreuse de cet allonge-voix, et que je suis incapable de documenter mon affirmation. Mais j'en appelle aux gens de bonne foi et d'esprit ferme qui en ont usé.
Le bruissement de larve qui précède l'entretien n'est-il pas comme un avertissement qu'on va pénétrer dans quelque confins réservé où la terreur, peut-être, surrabonde... si on savait ?
Et l'horrible déformation des sons humains qu'on croirait étirés sous un laminoir, qui ont l'air de n'arriver à l'oreille qu'à force de se distendre monstrueusement, n'est-elle pas aussi quelque chose d'un peu panique ?
Il y a peu de jours, un vieux garçon de bains scientifiques, appointé spécialement pour le massage des découvertes utiles, au hammam d'un puissant journal, célébrait la gloire d'une usine anglaise qui venait d'exterminer l'Ecriture.
Il paraît qu'une lumineuse machine va destituer la main des hommes qui n'auront plus du tout besoin d'écrire, et le fantoche invitait naturellement plusieurs peuples à se réjouir d'un tel progrès.
J'imagine que le téléphone est un attentat plus grave, puisqu'il avilit la Parole même.
Commenter  J’apprécie          400
Je suis assez ivre déjà de mes propres indignations sans avoir besoin de me soûler de celles des autres.
Commenter  J’apprécie          161
Hier matin, passant sur Saint-Honoré, j'aperçus un homme vénérable qui descendait les marches de Saint-Roch. C'était un si doux vieillard qu'il répandait comme de la tiédeur à l'entour de lui. On avait, en le regardant, la sensation de manger de la moelle de veau. Ses modestes mains déversaient toutes les clémences disponibles et son menu pas lui donnait l'air d'un bonhomme en sucre qui marcherait sur des entrailles de lapin.

"Le torchon brûle!"
Commenter  J’apprécie          120
Son fonds, c'était d'être chaste, et surtout de le paraître. Chaste comme un clou, comme un sécateur, comme un hareng saur ! Ses acolytes le proclamaient immarescible et ineffeuillable, non moins albe et lactescent que le nitide manteau des anges.
Oserais-je le dire ? Il regardait les femmes comme du caca et le comble de la démence eût été de l'inciter à des gaillardises. D'une manière générale, il désapprouvait le rapprochement des sexes et toute parole évocatrice d'amour lui semblait une agression personnelle.
Il était si chaste qu'il eût condamné la jupe des zouaves.

"Une idée médiocre"
Commenter  J’apprécie          70
Car les pauvres ne possèdent même pas leur carcasse, et quand ils gisent dans les hôpitaux, après que leur âme désespérée s’est enfuie, leurs pitoyables et précieux corps promis à l’éternelle résurrection, — ô douloureux Christ ! — on les emporte sans croix ni oraison, loin de vos églises et de vos autels, loin de ces beaux vitraux consolants où vos amis sont représentés, pour servir, comme des charognes d’animaux immondes, aux expérimentations des charcutiers ou des faiseurs de poussière…
Commenter  J’apprécie          70
Mme Virginie Durable, née Mucus, était le type insuffisamment admiré de la "martyre".
C'était même une martyre de Lyon et, par conséquent, la plus atroce chipie qu'on pût voir.
Elle avait été, dès son enfance, livrée aux bourreaux les plus cruels et n'avait jamais connu le rafraîchissement des consolations humaines. L'univers, d'ailleurs, était régulièrement informé de ses tourments.
Trente années auparavant, lorsque M. Durable, aujourd'hui négociant retiré des huîtres, avait épousé cet holocauste, il ne se doutait guère, le pauvre homme, de l'effrayante responsabilité de tortionnaire qu'il asssumait.
Il ne tarda pas à l'apprendre et même en devint, à la longue, tout à fait gâteux.
Quoi qu'il eût pu faire ou dire, il n'était jamais, une seule fois, parvenu à n'être pas criminel, à ne pas piétiner le cœur de sa femme, à n'y pas enfoncer des glaives ou des épines.
Virginie était de ces aimables créatures qui ont "tant souffert", dont aucun homme n'est digne, que nul ne peut ni comprendre ni consoler et qui n'ont pas assez de bras à lever au ciel.
Elle arborait, cela va sans dire, une piété sublime qu'il eût été ridicule de prétendre assez admirer et dont elle-même ne s'arrêtait pas d'être confondue.
En un mot, elle fut une épouse irréprochable, ah! grand Dieu! et qui devait attirer infailliblement les bénédictions les plus rares sur la maison de commerce d'un imbécile malfaisant qui ne comprenait pas son bonheur.
Un jour, quelques années après le mariage, la martyre étant jeune encore et, paraît-il, assez ragoûtante, l'odieux personnage la surprit en compagnie d'un gentilhomme peu vêtu.
Les circonstances étaient telles qu'il aurait fallu non seulement être aveugle, mais sourd autant que la mort, pour conserver le plus léger doute. [...]

(Nouvelle: Une martyre)
Commenter  J’apprécie          63
On racontait aussi l’histoire, devenue fameuse, d’une soupe fantastique trempée régulièrement le dimanche soir et qui devait le nourrir toute la semaine. Pour ne pas brûler de charbon, il la mangeait froide six jours de suite.

Dès le mardi, naturellement, cette substance alimentaire devenait fétide. Alors, avec les révérencieuses façons d’un prêtre qui ouvre le tabernacle, il prenait, dans une petite armoire scellée au mur et qui devait contenir d’étranges papiers, une bouteille de très vieux rhum vraisemblablement recueillie dans quelque naufrage.

Il en versait des gouttes rares dans un verre minuscule et se fortifiait à l’espoir de les déguster aussitôt après avoir englouti son cataplasme. L’opération terminée :

― Maintenant que tu as mangé ta soupe, disait-il, tu n’auras pas ton petit verre de rhum !

Et déloyalement, il reversait dans la bouteille le précieux liquide. Recommandable finesse qui réussissait toujours, depuis trente ou quarante ans.
Commenter  J’apprécie          60
"Cher ami, venez, ce soir, à onze heures. La porte du jardin sera entre'ouverte. Vous n'aurez qu'à la pousser doucement. Je vous attendrai sous le berceau. Mon mari est absent pour deux jours, et il a emmené le chien. Tant pis si je me perds. Je vous aime et veux être à vous.
Rolande"

En recevant ce billet, le jeune Duputois devint si pâle que ses collègues supposèrent une catastrophe. Étant fort discret, il serra scrupuleusement le message dans le coin le plus mystérieux de son portefeuille et parla, balbutiant un peu, d'une menace de créancier. [...]

(Nouvelle: Le réveil d'Alain Chartier)
Commenter  J’apprécie          50
Incapable de s'ajuster à la vie contemporaine qui le pénétrait de dégoût, il résidait au fond de son propre cœur, tel que, dans son antre, un dragon d'avant le déluge, inconsolable et hagard de la destruction de son espèce.
Commenter  J’apprécie          40
Il est malheureusement indiscutable que la pauvreté contamine la brillante face du monde, et il est tout à fait fâcheux que les dames pleines de parfums soient si souvent exposées à rencontrer de petits enfants qui crèvent de faim. Je sais bien qu’il y a la ressource de ne pas les voir. Mais on sent tout de même qu’ils existent ; on entend leurs supplications inharmonieuses, on risque même d’attraper un peu de vermine, — vous savez bien, mesdames, cette ignoble vermine pédiculaire qui « ne se laisse pas caresser aussi volontiers que l’éléphant », comme disait notre grand poète Maldoror, et qui abandonne elle-même de bon cœur le nécessiteux pour se fourrer dans les manchons ou les pelisses d’un inestimable prix. Tout cela me plonge dans une affliction très amère, et j’applaudis avec du délire à la haute idée d’une immolation générale des indigents.
Commenter  J’apprécie          40






    Lecteurs (172) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3681 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}