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Pierre Glaudes (Éditeur scientifique)
EAN : 9782221070673
829 pages
Robert Laffont (21/10/1999)
4.3/5   32 notes
Résumé :
Léon Bloy n'aura eu de son vivant qu'une carrière de romancier décevante, ne rencontrant jamais vraiment de succès retentissant. En parallèle à ses travaux de fiction, il tient à partir de 1892 un journal pour lequel il n'a aucune ambition de publication et qui pourtant restera son oeuvre majeure. Épris d'absolu, ulcéré par la bêtise de son époque et la mesquinerie de ses contemporains, Léon Bloy fit p... >Voir plus
Que lire après Journal, tome 1 : 1892-1907Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Quel enragé, quel furieux que ce Léon Bloy ! Il exècre presque tout et tout le monde, sa propriétaire "dont l'aspect est celui d'un gros fromage mobilisé par la vermine", les écrivains de son temps - en particulier Zola, Paul Bourget, Georges Ohnet -, les protestants, dont il juge la bêtise consubstantielle à la confession (il a vécu au Danemark et épousé la fille d'un poète danois, bien entendu convertie au catholicisme), les bourgeois et la société en général. Son journal des années 1892-1895 est titré avec raison "Le mendiant ingrat", puisque, revendiquant une pauvreté ostentatoire, il n'hésite pas à solliciter subsides et dons divers au moyen de lettres comminatoires. Si le destinataire ne répond pas, il est voué à la géhenne, s'il donne suite, Léon Bloy ne l'absout pas pour autant car il n'a pas offert assez. Il ne voit partout que bassesses et trahisons et souvent son amitié ombrageuse ne dure pas. Sa haine des riches le pousse parfois à l'indécence, ainsi dans la lettre adressée à un ami après l'incendie du Bazar de la Charité en mai 1897, dans laquelle il n'hésite pas à écrire qu'ayant appris cet événement, il avait éprouvé la sensation nette et délicieuse d'un poids immense dont on aurait délivré son coeur, seul le petit nombre des victimes limitant sa joie. Pourtant, le diariste a ses fidélités, mais plutôt envers les morts. le journal s'ouvre sur l'ire de l'auteur parce qu'une croix n'a pas été apposée assez rapidement sur la tombe de son ami Barbey d'Aurevilly. Plus tard, il se rend à Médan pour demander à Zola, qu'il n'a pas manqué de conspuer, allant jusqu'à l'appeler "le Napoléon de la fange", de sauver la collection de Barbey d'Aurevilly , mais l'écrivain ne le reçoit pas. La vie de Léon Bloy est marquée par l'empreinte de la misère qui le pousse à d'incessants déménagements, de la souffrance et du découragement. Sa piété est sans doute sincère et ardente, mais les notions d'humilité et de pardon lui semblent totalement étrangères. On ne peut cependant s'empêcher d'admirer son énergie, la verve dont il sait faire preuve dans l'imprécation et ses trouvailles comiques. J'ai assez aimé l'idée cocasse que les propriétaires ont encaissé assez longtemps des loyers et que ce serait au tour des locataires de le faire. Cette édition du journal dans la collection Bouquins offre de nombreuses notes explicatives très utiles pour la compréhension du texte.
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Mais quel caractère de cochon ! Fallait se le farcir le Léon Bloy, rester son ami relevait de l'héroïsme, et il n'y a plus de héros dans le monde moderne… Cependant, je ne tiens pas à irriter son âme en faisant de la psychologie bourgeoise ou sentimentaliste, même si ce serait, au fond, le plus juste, car il évoque essentiellement sa situation personnelle et il se plaint beaucoup. D'une certaine manière ce sont des anti-confessions, il ne se retourne pas sur lui-même, ne se regarde jamais, mais commente son quotidien.
C'est ce qui m'a le plus frustré : l'angle obtus de ce Journal. Il y a bien quelques réflexions théologiques, quelques allusions à la politique ou la vie littéraire, à l'évolution du monde, mais très peu comparées aux invectives pures contre tout ce qui l'entoure, de simples mouvements d'humeur. Il évoque bien sûr ce qui faisait l'actualité comme l'affaire Dreyfus (l'affaire Zola de son point de vue), la persécution des Arméniens, ou la séparation de l'Eglise et de l'Etat, mais de loin en loin, sans jamais vraiment approfondir. Lire ce Journal c'est comme regarder le monde passer au loin, sous un flot d'injures.
Car évidemment il y a le style de Léon Bloy – unique, tout le monde le reconnait –, inséparable de son caractère, plein de colère, d'imagination, d'exagérations, de grossièretés. Il s'en prend à peu près à n'importe qui, mais vise toujours l'oubli du pauvre. Alors il y a le concept de charité qui vient forcément à l'esprit… Et là, que dire ? Il y aurait tant à dire, c'est à ne pas s'en dépêtrer et à recommencer les guerres de religion. En fin de compte, Bloy me paraît un grand et doux rêveur, il prenait ses désirs pour la réalité – et il avait des désirs originaux, des désirs chrétiens, de pauvreté, de martyre –, c'est ce qu'il appelle l'Absolu.
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Comme le disent les auteurs de la notice de présentation, le Journal de Léon Bloy est sa seule oeuvre présentant un intérêt, sa production littéraire n'étant qu'une resucée sans talent de Huysmanns ou Barbey d'Aurevilly (ce dernier responsable de sa conversion, et ne lui ayant ainsi pas rendu service, car cela ne fit qu'exacerber ses pathologies). son oeuvre n'est souvent qu'un tissu d'imprécations, voire d'éructations.
Ce qui fait la valeur du journal, c'est que :
-il contient une foule de renseignements intéressants sur la vie sociale, politique, littéraire de son temps, et peut être utile aux historiens de la vie sociale, religieuse et littéraire de son temps
-c'est un document sur un individu profondément perturbé, parfois à la limite de la folie mystique. ; une fois converti au catholicisme, il adopta des positions tellement extrémistes qu'il parvint à se faire chasser de « l'Oeuvre », le journal de Louis Veuillot, pourtant lui-même réactionnaire extrémiste, mais soucieux de conserver une certaine tenue à son journal.
Il connut toute sa vie de grandes difficultés financières, et fut souvent contraint de faire appel à la charité de ses connaissances. Il les en remerciait souvent en les insultant dans ses écrits suivants.
Bien que posant au grand chrétien, il était entièrement dépourvu de charité dans ses jugements, y compris à l'égard des pauvres, et ne reculait pas devant l'insulte.
A titre d'exemple, il critique violemment un paysan pauvre, qui n'avait que le tort d'être obligé de cultiver son champ le dimanche; un certain Jésus-Christ a pourtant dit que le le sabbat était fait pour l'homme et non l'homme pour le sabat. Vous ne trouverez pas ce passage dans ce volume, il fait partie des quatre tomes du Journal Inédit, publié chez L'âge d'Homme à la fin des années 1980. je ne suis pas un spécialiste de Bloy, mais je me suis intéressé à ce passage car il concerne mon village de Dordogne; où Bloy avait passé un été chez un châtelain local, qu'il remercie d'ailleurs en en disant pis que pendre.

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L'oeuvre de Léon Bloy est pour moi un déchirement d'autant plus grand que ce qu'il souffre et vit je le vis également à un niveau différent.

Son journal est celui d'un torturé qui expie les crimes des êtres humains et revit la douleur de jésus au moment de la crucifixion et du lynchage tel qu'il le voit dans le magnifique tableau de Henry de Groux.

Bloy est un démon qui se débat contre sa propre nature et sa propre essence , c'est un supplicé qui est capable des pires élans de colère et de fureur et qui projette dans chaque homme une antique tare qui le bouffe et l'épuise petit à petit en le grignotant.

Il est aussi capable de beaucoup d'humour dans ce journal et a même un esprit cabotin semblable à celui de Céline dans lequel il excelle.

Je ferais sans doute une critique plus approfondie sur cette oeuvre qui ne peut que boulverser ceux qui peuvent y être sensibles dans leur âme et leur coeur.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
8 août 1906
Je prends contact avec la laideur moderne. L'aimable docteur Joseph Termier, frère de Pierre, a une automobile pour les besoins de son art. Il me propose une petite excursion et j'y consens, par curiosité, à la condition qu'on ne fera pas de vitesse. Cette expérience me suffit. je comprends l'espèce de jouissance physique procurée par la trépidation et la translation rapide ; mais il y a de la vilenie, comme dans toutes les choses modernes, et la laideur surabonde. On sait l'abus atroce de cette hideuse et homicide machine, destructive des intelligences autant que des corps, qui fait nos délicieuses routes de France aussi dangereuses que les quais de l'enfer et qu'on ne pourra jamais suffisamment exécrer.
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Reçu un numéro de septembre 98 de l'Humanité nouvelle, revue évidemment littéraire, où un monsieur proclame ceci :
"Dieu seul est épargné par Léon Bloy (!) ; son âme, pour un court instant dégorgée de pus, s'aromatise de louanges vers Celui qui créa le morpion, l'hyène, la vipère, la mouche charbonneuse, le crapaud, le vautour, la punaise et l'acarus de la gale et qui sut, un jour, les réunir en un seul être pour l'édification des catholiques et la gloire des lettres françaises."
J'ai copié la phrase parce qu'elle me pénètre de consolation et me semble plus honorable que cinquante brochures apologétiques. Le Mendiant Ingrat fut l'occasion de ce suffrage.
Envoyé à un pauvre habitant de Paris une autorisation de mendier pour moi ainsi libellée : "Vivant à cinq cent lieues de Paris, privé de tout moyen d'existence et menacé de périr, j'autorise mon ami dévoué L. D. à mendier pour moi." Suivait une liste de victimes, une dizaine de noms d'individus rêvés exorables.
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A un bienfaiteur ingrat :
Je ne vous ai jamais dit qu'il ne fallait pas vous plaindre. Moi-même je me plains souvent. Je vous ai reproché surtout et même exclusivement, je crois, le mystère dont votre amitié s'enveloppait. Relisez-moi. En général, je trouve cela peu digne d'un homme et, dans la circonstance, j'y ai vu un enfantillage mauvais, désolant. Votre lettre veut être profondément humble, mais elle est saturée d'amertume, et je devine que vous avez lutté beaucoup pour obtenir la grâce de m'écrire, sans violence ; violence, je le dis en passant, qui ne m'aurait pas déplu. Ce qui peut me déplaire, c'est de vouloir à toute force que je sois un saint et un prophète et de me parler en conséquence. Alors, comme je tiens de mon origine un sentiment très-vif du ridicule, je ne connais plus d'autre besoin que celui de me défendre avec les armes que Dieu m'a données, et on est sûr d'écoper ferme […]
Rien n'est plus facile que d' «être avec moi». La recette infaillible, c'est d'avoir, je ne dis pas de la bonté, mais de la bonhomie, et de ne pas m'infliger une situation de bonze, que je trouve ridicule, rapetissante, humiliante en vain et qui me fait horreur. Or vous êtes figé dans le respect. Il faut changer cela. Alors seulement nous pourrons marcher ensemble. J'ai soif d'être regardé comme un pauvre homme, très-isolé et plein d'amour. Rien de plus. Vous ne connaissez pas ma faiblesse, ni mon ignorance, ni mon abjection véritable, ni ma tristesse de démon, et vous ne savez rien de la Joie qui est au fond de mon âme.
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2.- Dimanche de Pâques. Allant à l'église, entendu le carillon infâme du temple. Rien ne peut être imaginé de plus odieux, de plus intolérable que cette chaudronnerie d'enfer qui suffit aux protestants. Il y a là, m'a dit notre curé, une pauvre vieille cloche catholique âgée de quatre cents ans qui pleure d'entendre les autres.
Nous avons découvert qu'une masse de petits gâteaux danois faits ici, cette semaine sainte, en vue de Pâques, a disparu complètement. Ils ont été mangés, sans doute, par une jeune fille assez agréable à voir qui a passé chez nous trois jours. La gourmandise soutenue par une faculté remarquable de s’empiffrer est une chose très scandinave. Mais plus scandinave et plus protestant encore paraît être le désir des vierges de se faire tripoter par les messieurs. J'ai cru démêler ça chez cette jeune personne, parfaitement élevée d'ailleurs.
Dans L'Aurore venue ce matin (de vendredi, 31 mars), lu article d'Urbain Gohier qui "entreprend de refaire un peuple". La lecture de ce républicain merdeux produit en moi quelque chose d'apocalyptique. Faut-il que la France soit châtiée, quasi maudite, pour que de tels couillons surgissent !

(Avril 1899)
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Oui, Mesdames et Messieurs, je suis un voyageur de commerce et même un commis-voyageur, comme on disait du temps de Balzac. Je le déclare, non sans faste et sans délices. Je suis commis-voyageur, comme on est artiste ou cyclope, général ou toréador, et j'ose me flatter de n'être pas absolument le dernier des caporaux dans l'armée toujours active de ces agiles conquérants de l'univers. Qui pourrait me faire un crime de n'être pas étranger au secret orgueil d'avoir dompté la Cordillière, foulé la Pampa, bravé les fusillades et les mitraillades en permanence dans toutes les villes en feu de l'Amérique du Sud, de Pernambouc à Buenos-Ayres, de Buenos-Ayres à Valparaiso, de Valparaiso à Guayaquil et de Guayaquil à Panama, dans le pacifique dessein d'assurer du fil aux Brésiliennes et aux Patagones ou de parer de nos soieries les plus rares, les beautés somptueuses du Pérou et de l'Equateur ?


Ah ! je l'avoue, plus d'une fois je fus tenté de me prendre pour un héros, et il m'est arrivé de gémir sur la désolante petitesse de ce globe où Juvénal témoigne qu'Alexandre le Grand ne trouvait pas le moyen de respirer. Mon Dieu ! oui, j'eusse aimé à escalader le firmament, à négocier dans la Lune, à créer des tournées dans Mars ou dans Jupiter, à étonner de mes offres le mélancolique Saturne, à populariser quelques-unes de nos maisons de nouveautés jusque dans le lointain Neptune.


Réduit à la circonférence médiocre de notre planète, je me suis appliqué du moins à noter attentivement mes impressions ou observations d'une plume candide arrachée avec douceur à l'aile symbolique du pied de Mercure


Le public jugera-t-il exorbitante cette ambition d'un représentant de commerce qui, non satisfait d'obséder l'Orient et l'Occident de ses échantillons, pousse l'audace professionnelle jusqu'à étaler, sous forme d'essai littéraire, l'outrecuidant avis de la présence d'un rayon de nouveautés dans la chevelure flamboyante d'Apollon ? Pourquoi pas ? Je me suis laissé dire que la littérature -- comme autrefois l'empire de Byzance -- était tellement avilie que tout le monde pouvait y prétendre, et la plus ombrageuse critique ne m'interdit pas d'espérer que je suis au niveau de tout le monde.


Qu'importe ? d'ailleurs, si mon livre, fût-il écrit en thibétain ou botocudos et parût-il excogité par une vache du Brahmapoutre dont la queue serait demeurée aux mains d'un sectateur expirant de Çakya-Mouni, -- ah ! oui, vraiment, qu'importe ? si, tout de même, il est utile à quelques-uns et s'il peut avancer du pas d'un insecte, le triomphe universel de notre industrie.
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Videos de Léon Bloy (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Léon Bloy
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 29 novembre 2015 - pour l'émission “Les Racines du ciel” (diffusée tous les dimanches sur France Culture) -, Leili Anvar s'entretenait avec François Angelier, producteur de “Mauvais genres” à France Culture, chroniqueur au Monde, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer le “Dictionnaire Jules Verne” (Pygmalion, 2006) et le “Dictionnaire des voyageurs et explorateurs occidentaux” (Pygmalion, 2011). Il vient de publier “Bloy ou la fureur du juste” (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de Léon Bloy, qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture. Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un « mystique de la douleur » et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme. Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire. Photographie : François Angelier - Photo : C. Abramowitz / Radio France. François Angelier est aussi l'auteur de l'essai intitulé “Léon devant les canons” qui introduit “Dans les ténèbres”, livre écrit par Léon Bloy au soir de sa vie et réédité par Jérôme Millon éditeur.
Invité : François Angelier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » à France Culture, spécialiste de littérature populaire
Thèmes : Idées| Religion| Leili Anvar| Catholicisme| Mystique| Douleur| Littérature| François Angelier| Léon Bloy
Source : France Culture
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