Comment parler d'un recueil qui n'est que le surplus de ce qui nous rend vivant, nous fait ouvrir les yeux sur ce que nous voyons plus, n'entendons plus, ne sentons plus.
Comment écrire sur des mots qui ne parlent que de beauté, cette fracture étincelante qui nous transperce sous la jupe de ce quotidien qui nous emporte loin, loin de tout, loin de rien, loin de ce qui nous touche, nous relève, nous apaise, nous conquit, nous donne, nous ressent, nous assemble.
Que dire quand les mots sont lumières, silences, respect, l'infime détail de nos émotions et ressentis, sensations. Que dire quand sous nos yeux fatigués de tant de bruit, d'éclats polluants, se glisse par la fenêtre entrouverte devant nous, la beauté simple d'une pierre du XIème siècle. Que dire quand ce simple bâti, cet étrange lieu nous offre l'équivalent d'une ouverture, d'une beauté éphémère ressentie, d'une composition plus fine qu'une simple feuille de papier et nous procure pourtant tant de frissons nous rappellant à la vie. L'éblouissement soudain de ce brulant souvenir qui enfant nous faisait rêver.
Il n'y a rien de nouveau, rien de sublime ou de merveilleux dans les mots de
Christian Bobin. Rien de ce que nous pourrions nommer littérature ou poésie poétique savamment orchestrée, recherchée. Il n'y a rien d'éclatant ou de luxuriant.
Au contraire, et je ne sais comment en parler,
Christian Bobin écrit comme on respire, comme on ressent passer le souffle de l'encre, l'ondulation de la lettre ou la fugue de la phrase. On entend chaque mot. On lit chaque phrase. Comme une lettre, une émotion, un chemin qui serpente en nous et fait son itinéraire, nous touche en plein coeur. Et se pose la question de comment parler des mots de
Christian Bobin sans être fat ou son contraire, dans l'extrême émotion que les mots nous procurent.
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