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sur 159 notes
♫Je veux m'échouer tendrement
Sur un paradis perdu
Je veux retrouver mon double
Je veux l'origine du trouble
Je veux caresser l'inconnu
Et je veux déranger les pierres
Changer le visage de mes nuits
Faire la peau à ton mystère
Et le temps j'en fais mon affaire♫
-Paroles: Carla Bruni /
Musique: Julien Clerc - 2008 -
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Primo la marche,
Second dos de l'escalier...
"Un poète gravit quatre à quatre les marches de mon cerveau pour me donner en main propre de mes nouvelles"
"Dans cette lenteur, des jambes de jeune homme me sont données avec de la lumière
plutôt qu'avec du sang dans les veines .[...]
on glisse au-dessus des eaux de pierre bien plus qu'on ne marche"
"Je suis entré dans l'abbatiale en tenant la main de mon père mort."
"Mon père en silence m'expliquait ce que je voyais..."
"J'ai atteint à Conques, le centre muet du vrai langage"

Sur le Chemin, il m'a fallu emmener ce livre avec moi...
Je ne voudrais pas déranger ses pierres
bonnes Nouvelles ou belles Prières...
Alors...Je vous retranscris ces mots sans voix🙏
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« Conques est un village introuvable. Les routes qui y mènent imposent une lenteur dont le monde n'a plus goût ». C'est une des premières phrases de ce livre, La nuit du coeur.
Christian Bobin débute ce récit dans la chambre 14 de l'hôtel Saintes Foy à Conques. L'une des fenêtres de sa chambre donne sur la célèbre abbatiale du onzième siècle, dont les vitraux ont été conçus par le peintre Pierre Soulages il y a vingt-cinq ans.
Il écrit depuis cette chambre, à nous peut-être, mais certainement à celle qui n'est plus et pour laquelle il écrit depuis tant d'années, la plus que vive qu'il promène dans son cœur de pages en pages.
Je suis allé trois fois à Conques...
La première fois, c'était pendant un séjour d'été dans une maison de campagne près de Figeac. Il pleuvait ce jour-là et nous avions décidé de visiter Conques. Je me souviens que la route qui y menait était sinueuse. Je n'ai gardé que très peu de souvenirs, peu d'images de cette journée. Peut-être seulement celle du magnifique tympan qui domine l'entrée de l'abbatiale et retrace le Jugement Dernier, et aussi une pluie fine qui tombait en continu comme un crachin breton sur le village médiéval...
La seconde fois, j'y suis allé seul, à pied, par le chemin de Saint-Jacques de Compostelle qui emprunte le GR 65. J'avais dormi la veille à Golinhac, l'étape qui m'amenait à Conques faisait vingt-six kilomètres. Je me souviens des tous derniers kilomètres où le sentier s'enfonçait peu à peu dans une vallée. La pente était tout d'abord douce, puis devenait rapidement abrupte. Ce qui m'avait marqué, c'était cette approche sans fin du village, qui semblait protégé par un immense écrin de verdure. C'était le mois d'août, il faisait très chaud. Mes yeux emplis de sueur guettaient à chaque instant le paysage, les premières maisons se dévoilaient et je ne voyais toujours pas la fameuse abbatiale. Puis brusquement ses deux flèches et son toit m'apparurent comme par magie, mais seulement à l'ultime détour du chemin, alors que j'étais déjà au bord du village... Le soir et la nuit passée à Conques furent pour moi des instants d'enchantement. J'y retrouvais le fameux tympan et la verve intarissable de frère Jean-Daniel pour le commenter...
La troisième fois, c'est par ce très beau récit de Christian Bobin, dont je viens d'achever la lecture. Comme les vitraux de Soulages, ce sont des mots façonnés par l'ombre et la lumière. Il n'est pas facile d'y entrer, comme il n'est pas facile d'approcher Conques par le GR 65.
Mais ce texte impose la sérénité. Il convoque le silence d'une abbatiale vieille de onze siècles, celui d'un ciel matinal qui sépare la nuit du jour... Il nous invite à prendre la distance avec le tumulte d'aujourd'hui, à entrer dans la patience des forêts, à se défaire de soi peu à peu...
Une citation de Saint François de Sales pourrait lui correspondre : « le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien ».
Alors, nous entrons avec ses mots dans cette abbatiale, nos pas hésitent au bord de ces grandes dalles brunes, pas une ne ressemble à l'autre.
Je sais que l'écriture de cet écrivain peut agacer certains. Parfois il m'arrive de m'en lasser aussi, comme enivré de trop d'images et puis plus tard je reviens par d'autres sentiers. On peut parfois rester au bord du texte sans pouvoir y entrer. Il ne faut pas forcer les choses...
Et puis je vais vous avouer quelque chose, on peut aimer Bobin sans croire forcément en Dieu. On peut être athée ou bien même agnostique et se laisser prendre la main par le sacré. Ce sont ces chemins-là qu'il me plaît à découvrir dans les quelques livres que j'ai aimés de cet auteur.
Dieu a ce côté malicieux de nous faire croire, par quelques supercheries sublimes, qu'il existe : une cantate de Bach, un rouge-gorge qui fait ployer la branche légère d'un pommier en fleurs, la palette d'un ciel de traîne où des nuages viennent poser leurs touches d'aquarelle... Les mots de Christian Bobin disent un peu tout cela et puis... brusquement au détour d'un chemin en pente surgit l'abbatiale de Conques et ses vitraux...
Ici au départ, le texte m'a tout d'abord résisté, je ne savais pas par quel bout le prendre. C'est un peu comme les vitraux de Soulages. Au début, on ne voit que le noir. On ne perçoit pas la clarté qui cherche à venir à travers le tamis de la nuit. Et puis peu à peu, ces vitraux se révèlent à nous, séparant la lumière entre le dedans et le dehors, ou peut-être l'unissant dans une alchimie incroyable. Le noir de Soulages et le jaune de la lumière de l'abbatiale se fondent alors dans une même ivresse, un seul vertige qui emporte définitivement les yeux et le coeur.
Les mots de Bobin sont peut-être comme cela aussi, une sorte d'alchimie...
La nuit du coeur, ce sont des fragments de lettres offerts à celle qu'il aime et qui n'est plus. J'ai eu tout d'abord l'impression de surprendre une conversation qui ne me regardait pas. Peut-être ne faut-il pas entrer de plein pied dans ce texte ? Peut-être faut-il l'approcher par petites touches, entrer par la porte arrière du jardin ?
C'est le rire d'un amour emporté dans le froid de l'hiver, gisant désormais sous la terre ou peut-être ailleurs. C'est l'écho d'un coeur ancien, mais qui bat encore. Et il suffit d'une abbatiale qui s'éveille au frémissement du matin pour faire entrer dans les pages la lenteur des nuages, un moineau qui picore au bord d'une flaque d'eau, c'est un jardin en pente, c'est l'enfance que l'on retrouve par nos gestes perdus, éperdus.
C'est une phrase posée au bord d'une page et qui s'enfuit comme une fugue de Bach, courant après la beauté du monde.
De temps en temps, nous entendons peut-être le chant d'une eau claire qui descend dans les pages, à moins que ce ne soit le rire d'une femme aimée et qui n'est plus de ce monde... Le ciel d'été est criblé d'étoiles filantes. Comment vivre après cela ? Comment tenir debout dans le bruit dérisoire du monde ?
Mais après le doute de quelques secondes, l'évidence de vivre survient, comme la lumière qui descend brutalement dans la cascade d'un vitrail.
Le temps d'une lecture, nos yeux deviennent peut-être alors ceux d'un enfant qui regarde les nuages trouer le ciel et par où le visage d'une femme défunte revient.
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Une énième visite à Conques, dans la lumière d'hiver et un ciel bleu de février, alors que peu de visiteurs arpentent les pavés, m'a donné l'envie de lire ce livre alors que je ne suis pas fan de Christian Bobin.

Après l'accroche des premières lignes, quel désert de la page 35 à la page 146! Rien..., le vide de Bobin, qu'il voit d'ailleurs lui-même à l'intérieur de l'abbatiale, alors que, pour ma part, je la perçois emplie de la lumière des siècles et des pierres qui parlent et que lui-même, pourtant, écoute. Et puis, de la page 147 jusqu'à la dernière, un festival de poésie, de sentiment mystique, de silence, de lumière, bref le texte devient excellent à mesure que s'enchaînent ses courts chapitres, pour se terminer en apothéose.

Tout ceci à mon goût, bien sûr, et je comprends que d'autres aiment l'intégralité des errements de Bobin dans lesquels il n'est pas parvenu à m'entraîner jusqu'à plus de la moitié de son texte. Preuve qu'il est important d'aller toujours au bout d'un livre commencé car, abandonner ce peut être passer à côté de ce que l'on n'attendait plus.

Ma critique est peut-être trop sévère, mais déjà je n'aime pas le titre qui évoque la nuit alors que le texte, dans ses passages les plus puissants, n'est que lumière.

Au final, je reste partagé et je devrai sans doute continuer de lire Bobin pour mieux le comprendre et l'apprécier dans la globalité de son écriture.
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Que s'est-il passé dans l'âme de Christian Bobin ce 26 juillet 2017 ?

Ce jour l'abbatiale de Conques est devenue son tourment, un tourment exquis, un tourment divin.

Christian Bobin écrit à G. la femme qu'il aime et qui n'est plus.

Est-ce le texte d'une illumination, d'un éveil à Dieu, de la naissance d'une certitude divine ?

Est-ce le texte de la nature de Dieu ?
Le « très bas » de Bobin hante sa prose comme il hante les pierres les plus basses, les dalles de l'abbatiale de Conques.

Ce vide toujours, ce vide de Conques, ce vide de l'abbatiale, ce vide du coeur, ces vides en forme de Dieu et qui l'appellent.


Des chapitres très courts, des poèmes voguant entre aphorismes et haïku. Chacun apporte sa touche en formant notre esprit à cette idée évanescente du divin.
C'est bien ça : la lumière, les vitraux, les pierres, les oiseaux, les mousses, les fleurs sautent d'un poème à l'autre précisant insensiblement leur message.

Ce splendide ouvrage est éminemment chrétien et moi, je ne le suis que….sommairement ; mais Christian Bobin est un de mes écrivains introspectifs fétiches. Son écriture magnifique est un long travail de déblaiement puis de ciselage. Ce qui reste est absolument magnifique ; rien à ajouter, rien à enlever. La phrase fait mouche. Si elle ne le fait pas instantanément, elle le fait dans la rumination.
Un livre qui contribuera au pavage de mon chemin.
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LORSQUE L'ECRITURE SE FAIT AUSSI SECRÈTE QUE LA COQUILLE...

Lorsque Christian Bobin loue la chambre 14 dans le petit hôtel donnant sur la célèbre abbatiale de Conques - cette merveilleuse petite cité médiévale blottie autour de son joyau de l'architecture religieuse - sait-il qu'il en résultera à ce point les mots du silence et du sacré ? Poète dans l'âme autant que celui des âmes, il est à parier qu'il l'espérait un peu, quoi qu'à telle distance de son Creusot rassurant et inspirant rien de moins certain. Mais il est tout autant à parier - l'immense Pascal n'est jamais loin, qui paria avec le divin - que cet échange du poète avec le geste de l'artiste se faisant pour l'heure vitrailliste - le grand artiste Pierre Soulage est à l'origine des vitraux qui éclairent d'ombre l'intérieur de l'abbaye - a particulièrement remué l'esprit fin de Christian Bobin, cette plume toute de douceur, de tendresse, d'élégance et de sensibilité humaine, plus que jamais poète.

Ces quelques jours à Conques se transmuent - à la manière des mirifiques formules d'un antique alchimiste cherchant la pierre philosophale, travaillant pour le grand oeuvre, hypothéquant ses certitudes de plomb pour les ors chimériques - en véritables recherches du soi le plus intime, de ce qui fait que l'on écrit, de la magie invraisemblable de cette lectrice aperçue à la devanture d'un triste lavomatic, de la force de cette foi millénaire - on peut parfaitement ne pas croire, ce qui est le cas de votre insigne chroniqueur, et se trouver touché, interpellé par cette force créatrice qui prend source dans la belle spiritualité de l'auteur de la nuit du coeur.

Ce texte, c'est aussi une recherche devenu tellement difficile - impossible ? - dans nos mondes affairés, pressés, bruyant - monstrueusement bruyants - de silence, de calme, de sérénité qui s'accomplit dans la pénombre de l'abbatiale, dans la noirceur sensible et régénératrice des quelques nuits d'hôtel passées sur place, dans le cheminement vers le lieu inconnu (c'est ce qu'il nous dit, en quelques mots très incisifs, lorsqu'il traverse Bordeaux, exact inverse de Conques). Ce silence, cette espèce d'absence au monde - celui de nos vies quotidiennes - se sent, se ressent à travers une parole devenue très épurée, que d'aucuns pourront trouver sèche après bien des volumes d'une poésie parfois un rien (trop) sucrée à mon goût - Bobin s'adonnant alors à ce que j'appelle, avec un peu de dépit teinté d'énervement, à des "bobinades", vous savez, ces bien jolies phrases toute d'enrobement, toute de suavité un peu facile, légèrement "new-age", qui ne choquent personne tant elle semble faites d'évidences vertueuses et absolues, mais qui lassent et ennuient à force de se répéter de titres en titres, raison pour laquelle j'avais cessé de le lire après un affligeant et sans aucun intérêt "La grande vie". Après l'avoir pourtant beaucoup lu et aimé -. Ici, presque rien de ces anciens travers. L'écriture s'est resserrée mais sans perdre de sa profondeur, bien au contraire. Elle invite sans cesse à reposer son livre, y promener la pensée, à goûter ce silence attentif et profond, méditatif - oui, on peut même l'ajouter : un silence religieux ! - d'un regard insondable sur le monde qui nous entoure et celui, plus difficile à atteindre sans doute, le nôtre, intérieur.

L'arpenteur impénitent et amateur d'architecture religieuse que votre humble critique est, à ses heures perdues, ne peut que se sentir comme chez lui - ou plus exactement, au sein ce chez-soi impossible à moins d'être profondément croyant, mais où l'on se sent pourtant tellement bien, rasséréné, reposé, et dispos aussi à la parole de l'autre, à la musique des sphères d'un Bach ou d'un motet grégorien s'il s'en joue un, juste le temps d'une visite, le temps de retrouver l'intime, la physique des pierres franches, la puissance solitaire d'un arc en plein cintre, la poésie d'une ogive courant vers le presque infini de sa clef de voûte, la majesté d'une nef qui a conquit les siècles sous ses arceaux de lumière jamais identique par la grâce sans cesse renouvelée de la lumière du jour, de "frère soleil" aurait confirmé le François d'Assise, et de la danse des nuages... le temps de ces quelques dizaines de pages, on se laisse aller au plus inattendu des vagabondages.

"Il y a quelqu'un qui me suit depuis toujours, qui s'appelle «moi» et qui me joue ces tours. C'est un homme quelconque. Je ne devrais pas le laisser écrire, même une dédicace. C'est tellement dur d'être hors du monde", nous confie Christian Bobin au détour d'un chapitre... Pourtant, cette écriture-là, lorsqu'elle sait se faire rare, lorsqu'elle cesse de se contempler dans le miroir de ses petites satisfactions vaines, indiciblement mais bien certainement, elle nous manquerait s'il elle ne s'était pas faite chair, par le sang de son encre, par la subtilité de ses doutes quant à ce qu'elle essaie d'être. Heureux de vous avoir retrouvé, toujours vous-même et pourtant revenu de vos errances passées. J'attends la suite avec grande impatience !
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Dans la clarté lunaire, entourée d'anges, assise sur une étoile, j'ai lu La nuit du coeur.
C'est une nuit lumineuse, un passage vers un univers parallèle.
Une prose douce, légère, un brin fantaisiste.
Une promenade entre passé et présent
Un hommage aux bâtisseurs du XI ème siècle qui se laissaient guider, suivaient leur coeur.
C'est une approche de notre monde auquel il manque une dimension.
Lire Christian Bobin c'est être en apesanteur, s'élever, effleurer le merveilleux.
A lire absolument.
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Abbatiale de Conques en Aveyron datant du XIème siècle, avec ses 104 vitraux, puits de lumière, et un magnifique tympan où les anges soulèvent un coin de pierre pour contempler les âmes épuisées des pélerins qui siègent à leurs pieds.

* Combien d'âmes à Conques ? Des milliards. Un flocon de neige les contient toutes.

Quelques phrases relevées au hasard, il y en a tellement de fortes, d'inspirantes, de scintillantes.

* Avec une brosse de soleil, étriller un cheval d'apocalypse.

* Un oiseau réfléchit à voix haute dans la forêt.

* Une araignée bâtit une rosace autour d'une pensée forte.

* le givre étoilait les vitres de la chambre des parents. C'est une des premières écritures dont je me souvienne.

Le livre entier est une invitation au voyage. Au voyage de la beauté et de la contemplation.

Laissez-vous envoûter par son côté mystique.

Monsieur Bobin m'a encore une fois fait frôler "la beauté de cette vie qui passe et nous ignore".
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« La nuit du coeur » Christian Bobin (203 pages, Gallimard)
Il en est, peut-être, du compagnonnage, du cheminement au long cours avec certains auteurs très appréciés comme de certaines histoires d'amour ; il arrive un moment où l'on se rend compte qu'on n'a plus grand-chose à se dire, à partager, et sans doute depuis un moment déjà. C'est un peu ce qui se passe à la lecture de « La nuit du coeur ».
Longtemps j'ai considéré Bobin comme un écrivain magnifique pour sa langue d'une pureté exceptionnelle et d'une poésie immédiate, pour ses aphorismes souvent étincelants (pas pour son mysticisme éclairé –je suis athée).
Je relisais mes notes de lectures relatives à plusieurs de ses livres :
- « GEAI » (« subjugué »…/ « Si les mots de « Geai » étaient une musique, ce pourrait être une Gymnopédie d'Eric Satie »)…
- « NOIRECLAIRE » (« mon crayon dans la main ne me sert plus à rien, puisqu'il faudrait souligner une phrase sur deux, ou plus » / « sa poésie, sublime comme d'habitude »)…
- « TOUT LE MONDE EST OCCUPE » (« ce joli conte m'a scotché »)…
- « LA DAME BLANCHE » (« un magnifique « poème en prose » / « l'écriture habituelle de Bobin, superbe, ciselée et définitive »)…
- « LOUISE AMOUR » (« c'est beau comme une histoire d'amour »)…
Que reste-t-il des émois provoqués par ces textes et d'autres : « La part manquante », « Une petite robe de fête », « La plus que vive », « Autoportrait au radiateur » qui m'avaient tant séduit ? Bobin s'est (ou m'a) usé, il a rétréci, il ne m'apporte plus rien, ou si peu. Ou plutôt, à force de prétendre plus à chaque fois à l'essentiel (à l'essence), son texte en devient totalement désincarné, hermétique, convenu, répétitif. Il me déçoit, car il s'enfonce dans une langue complexe, son mysticisme, de discret, est devenu envahissant, sclérosé, pire, excluant. Ses aphorismes sentent aujourd'hui la recherche de l'effet de style. L'usage systématique de la personnification des objets ou des animaux, l'abus des oxymores finissent par alourdir la lecture, alors que l'inventivité qui m'avait longtemps enchanté a quasiment disparu.
Alors certes on trouvera encore quelques belles tournures qui peuvent accrocher l'oeil, mais qui, noyées dans ce fatras, ne m'émeuvent plus, ne me touchent plus. Une impression déjà ressentie à la lecture de « Un bruit de balançoire », et « Un assassin blanc comme neige », où il semblait déjà radoter.
Bobin et moi ? La fin d'une histoire sans doute…

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Conques, la magie de cette abbatiale : “L'abbatiale de Conques est une femme de miséricorde qui ouvre au premier venu son sexe, son ventre, qui l'engloutit et lui donne à manger sa chair la plus délicate, la lumière rosée, bleutée, parfois gris neige, des vitraux.”
Conques, la magie de ses vitraux qui m'ont d'abord surpris puis enchanté :” A Conques les vivants du onzième siècle ont construit un grand campement de pierre avec un vide au milieu. Au vingtième siècle, un vivant a eu l'idée d'améliorer le campement, de construire des vitraux si simples qu'ils ne raconteraient aucune histoire et serviraient de bain-douche de lumière pour les âmes épuisées.”

Même si on est un parpaillou comme moi, on ne peut qu'être sensible à ce lieu “au plus perdu de la France” qui met son “aimant puissant” et ses “104 attaques de la lumière” en écrin.

Christian Bobin nous emmène en pèlerinage littéraire, flirtant avec l'essence du religieux.
Je n'arrive pourtant pas à suivre les pas de l'auteur sur le chemin de Compostelle, j'ai l'impression de ne le lire que partiellement.
Je lui trouve un certain charme, avec ses évocations de quelques sels de la vie à la manière de Françoise Héritier : “mettre la main sur un oeuf crotté dans la paille chaude.”
Et si la comparaison est un grand écart, ce fut un peu comme quand je lisais quelques pages de Jacques Lacan ( je n'ai jamais fini ses séminaires !), je n'en comprenais pas tout le sens mais en soupçonnais une puissance réelle.

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Je fonds sur ce train qui me glisse entre les doigts. Que défile les horaires de ma vie. le silence d'une gare déserte où l'horloge suspendue n'affiche plus rien. Seul le ciel dévoile l'heure bleue dans ma fenêtre rétro-éclairée. 17h23, je suis au rendez-vous. À quai.

Ma bouche crache quelques flocons de neige. Des cristaux de pensées qui retombent sur les rails. Il suffirait simplement d'un câble sectionné pour mettre la pagaille sur un réseau ferroviaire, d'un micro dysfonctionnement dans la batterie de nos téléphones pour qu'ils ne s'allument plus, de se trébucher dans la prise d'internet pour que plus rien ne fonctionne. Drôle de modernité en plastique ! Elle s'absorbe elle-même de sa gueule béante. Autophagie de l'algorithme ! Je divague. 

Réveille-toi ! Dévale les pentes, monte sur les toits et regarde. le transsibérien arrive, il efface mes cogitations. Une poésie de l'instant émane des volutes charbonneuses de la locomotive. Plus rien d'autre n'existe quand la vie nous ravit par surprise et nous offre sa beauté à travers d'infimes détails. Cela réchauffe l'âme comme la poésie du livre La nuit du coeur de Christian Bobin que je viens de terminer. Analyse.

Certes on m'avait déjà rebattu les oreilles avec cet auteur mais je n'avais jamais pris le temps de le lire. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'une lecture de Christian Bobin change immédiatement notre rapport au temps. Les mots de l'auteur se dégustent dès les premières pages. Il s'agit ici de savourer un rythme singulier qui prend le parfait contrepied d'une époque expéditive qui a trop souvent l'unique horizon du roman page-turner. L'écrivain français est au dessus de cela, il distille sa poésie humaine, sa connaissance aiguisée de la langue française et son art de la métaphore dès les premières pages de la nuit du coeur:

« Comme tous les bébés, ces très antiques dieux, un jour j'ai fait mes premiers pas et j'ai couru vers l'infini. Cela se passait dans la cour de la rue du 4-Septembre. J'imaginais par ma précipitation rendre impossible la chute. Ce sont des erreurs d'apprenti qui durent toute la vie. Je sais bien vers quoi je me ruais: non pas vers les bras en forme de courbe de rivière de ma mère. Je me précipitais vers ma mort, si fort que je la traversais sans m'étonner. Les siècles et les étoiles étaient des moucherons que, bouche ouverte, je gobais. »

Ce livre difficilement classable n'a pas d'intrigue à proprement parler. Il se déroule en une seule nuit depuis la chambre numéro 14 d'un hôtel qui donne une vue imprenable sur l'abbatiale de Conques. L'auteur digresse de long en large à partir de cette base là et l'on se rend vite compte du talent d'écrivain de Bobin. Il crée du grandiose à partir de rien ! de plus, cet ouvrage m'a fait penser, de par le découpage des paragraphes, à l'essai de Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux. Certes le propos n'est pas le même, ni même le rythme, mais l'enchaînement de centaines d'éclats de pensée ont une similitude assez forte : La fragmentation du texte ! Chez Barthes, celui-ci était structuré par mots-clés tandis que chez Bobin, le discours est articulé autour de la poésie.

La nuit du coeur déroute. L'auteur vogue en permanence entre le récit, l'essai, le journal et le recueil d'aphorismes. On se laisse embarquer dans la saveur des mots sans trop savoir pourquoi. le style de Bobin frise parfois l'écoeurement des métaphores mais il n'y succombe jamais. Certes, un certain nombre de lecteurs pourraient être rapidement lassés devant ce subtil mélange de lenteur et d'images poétiques. Ce qui est sûr c'est que ce livre ne se lit pas comme un autre et je ne pense pas me tromper (de beaucoup) en avançant que les lecteurs adorent le style Bobin ou … le détestent ! Difficile d'avoir le juste milieu.

« Les heures savantes t'ennuient. L'école est une petite crucifixion qui se répétera dans la salle d'attente des urgences, dans l'approche d'un guichet vitré, partout où il te faudra décliner ton nom et la raison de ton être. Tu ouvres des livres afin que nul ne puisse jamais savoir où tu es. Et tu avances. Tu as rendez-vous avec l'illumination d'un visage mais tu ne sais où ni quand. »

Enfin, la lecture est une petite musique où l'écrivain chante son histoire. Elle peut être réaliste ou parfois à la limite de l'incompréhensible mais dès que l'on entre dans le rythme de l'auteur, alors la magie opère. Et c'est bien ce qui risque d'arriver à ceux qui lisent Christian Bobin, à condition de se laisser assez d'espace en soi-même pour que les mots puissent résonner.

À lire !
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