L’aigle de l’écriture va arriver, avec son immortalité planante et fauve.
Ils ne pourront jamais arrêter l’écriture, parce qu’on est entrés dans une période encore plus féroce : le samizdat, ce modèle de l’écriture libre en l’absence de liberté. Ce feu plus tremblant de l’écriture manuscrite, communiqué par un ange dans les ténèbres du monde.
La poésie ne supporte pas la moindre injustice. Ne publiez plus, interdisez et sanctionnez toute pensée personnelle, vous n’empêcherez pas les nouvelles catacombes, refuges des âmes simples et pures, d’être plus illuminées que le plus riche des palais.
Trouvez-moi quelque chose de plus beau que l’écriture, bande de chiens !
Parfois on ne sait pas ce qui est le plus loin, du cœur ou du ciel.
Le travail d’un pianiste
Le travail d’un pianiste, c’est de s’asseoir. Le reste va de soi .
Les femmes sont des caravanes
Les femmes sont des caravanes de charme.
Elles séduisent jusqu’au soleil. Et tant pis si la
dernière verdine de cette caravane abrite la
Reine Mélancolie, toujours alitée. Cela n’em-
pêche pas cœur et main de danser.
p.14
Une reine de beauté
Une reine de beauté, élue au temps de la
Révolution, enterrée dans le vieux cimetière
de Vézelay secoue ses cheveux devenus herbes
folles, et ses os bracelets aux poignets du vent.
Sa poussière rêve.
p.13
Cette nuit j’ai entendu une voix
Cette nuit j’ai entendu une voix qui disait :
« Cette année tu vivras comme un rentier.
Tu auras des conversations avec des rois, des
reines, et des dieux. » Et j’ai pensé qu’un ange
m’annonçait ma mort.
p.13
Vous avez raison de persécuter les saints
Vous avez raison de persécuter les saints dès
la cour de l’école. Leur jouissance est insup-
portable. Elle dépasse toutes les autres.
p.12
Ce qui s’éloigne est tellement beau.
Ce qui s’éloigne est tellement beau. Le
son du piano, ce noir velours d’un abandon
qui s’épanouit avec l’agonie de chaque note.
Quelqu’un s’en va, nous quitte, s’embellit de
nous échapper. Nous ne le ferons plus souffrir
avec nos paroles, nos projets, nos volontés.
p.12
La rue Visconti à Paris est si étroite que c'est un bonheur de marcher au milieu, sur le goudron que les troupeaux de voitures ne viennent piétiner que très rarement. C'est une rue au fusain, une esquisse de pénombre, où d'y entrer vous pousse deux ou trois siècles en arrière. Je ne me savais si vieux.
p.25
L'encre est une fourche. Je m'en sers pour piquer une meule de silence, ramener une botte de feu et la balancer tous muscles tendus dans la charrette des jours. p20