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Citations sur Le huitième jour de la semaine (33)

Ma vie est semblable à l'enfant tumultueux de retour à la maison, gagné par l'ardeur d'un jeu au-dehors : elle me quitte très souvent, elle me revient de loin en loin, encombrée par une émotion que les premiers mots apaisent. Je n'écris que très peu, et ce peu est encore trop, en regard des quelques instants qui éclairent le chemin où je vais : il y a très peu d'événements dans une vie. Parfois, il n'y a que l'événement de son désastre, de son lent engloutissement dans le désastre quotidien. Ainsi perd-on toutes forces dans l'impur mélange des jours. Qu'est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ? C'est une langue sans désir, un temps sans merveille. C'est une chose douce comme un mensonge. Je connais bien cet état. J'en sais - par le cœur - la banalité et la violence. L'âme y est comme une ruche, vidée de ses abeilles.
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La beauté est là, au dehors : à l'envers des châtaignes sur les chemins, à l'angle d'une fenêtre, sur le fruit sombre des ronces, sur la poussière des routes et dans le vert des rivières, partout. La beauté, c'est-à-dire la vie. La vie massive et ténue, la vie sans entailles. La vie sans fard.
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À l’enfant qui me deman­derait ce que c’est que la beauté
- et ce ne pourrait être qu’un enfant, car cet âge seul a le désir de l’éclair et l’inquiétude de l’essentiel - je répon­drais ceci : est beau tout ce qui s’éloigne de nous, après nous avoir frôlés. Est beau le déséquilibre profond - le manque d’aplomb et de voix - que cause en nous ce léger heurt d’une aile blanche.
La beauté est l’ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant soudain la légè­reté de vivre. Je lui montrerais le ciel où les anges, en s’essuyant les mains dans un nuage, donnent une peinture de Turner, et je prendrais pour lui une poignée de cette terre, sur laquelle nous allons. Je lui dirais qu’un livre c’est comme une chanson, que ce n’est rien, que c’est pour dire tout ce qu’on ne sait pas dire, et je couperais pour lui une orange. La promenade se poursui­vrait loin dans le soir.
Dans le silence, nous découvririons enfin, lui et moi, la réponse à sa question.
Dans l’immen­sité lumineuse d’un silence que les mots effleurent sans le troubler.



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Le silence est la plus haute forme de pensée, et c’est en développant en nous cette attention muette au jour, que nous trouvons notre place dans l’absolu qui nous entoure. Il nous appartient - quand tout nous fait défaut et que tout s’éloigne - de donner à notre vie la patience d’une oeuvre d’art, la souplesse des roseaux que la main froisse, en hommage à l’hiver.
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Disposant un nuage dans le ciel, une orange dans une assiette, les peintres éclairent ce qu'il reste de jour dans le soir, inventent la juste distance qui permet à l'espace de s'ouvrir, et à l'amour de danser.
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La leçon de peinture est une leçon de bonté : l'amour se reconnait ainsi dans ce goût du détail, dans ce souci de l'infime, dans cet égard pour ce qui nous est confié et que l'avidité d'une prise anéantirait, comme un moineau tenu dans un poing trop serré. C'est à une fête infinie que nous invitent les plus humbles choses - les fruits comme les pierres, les herbes comme les astres - et il nous faut, pour en jouir, apprendre ce toucher immédiat de l'esprit dont les peintres ont le privilège. Cet exercice permanent de la douceur, cette volonté de simple.
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Aucun livre ne peut nous sauver de notre vie. Aucune parole ne sait recueillir ces éclats qui nous reviennent et nous élancent, empêchant le soir de descendre, la paix de venir. Il n’y a pas de consolation, puisque tout nous blesse et que rien ne nous fait mourir. Il n’y a que les choses devant nos yeux et la lumière sur ces choses. Il n’y a que ces araignées d’eau que je regarde filer sur la soie d’un étang, fragiles, avançant par saccades comme sous l’accès d’une pensée sans cesse interrompue, sans cesse reprise, inventant la légèreté d’une voie entre les deux éternités massives de l’air et de l’eau.
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Est beau tout ce qui s'éloigne de nous après nous avoir frôlés. Est beau le déséquilibre profond - le manque d'aplomb et de voix - que cause en nous ce léger heurt d'une aile blanche. La beauté est l'ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant soudain la légèreté de vivre.
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Allant sur l'étroit sentier d'une mémoire, l'on découvre parfois, prise dans la brûlure verte des ronces, une lumière égarée. Son aile est rompue. Elle est loin de ses soeurs. Tout ce qui nous arrive nous survit ainsi, en souffrance dans l'espace. En attente. Echappant aux mots comme à l'absence de mots. Aucun livre ne peut nous sauver de notre vie. Aucune parole ne sait recueillir ces éclats qui nous reviennent et nous élancent, empêchant le soir de descendre, la paix de venir. Nous sommes dans le temps, courbés sous la mort. Il n'y a pas d'issue au chemin, puisqu'il n'y a pas de chemin. Il n'y a pas de consolation, puisque tout nous blesse et que rien ne nous fait mourir. Il n'y a que les choses devant nos yeux et la lumière sur ces choses.
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Le silence est la plus haute forme de la pensée, et c'est en développant en nous cette attention muette au jour, que nous trouverons notre place dans l'absolu qui nous entoure.
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