C'est donc ça la paternité, c'est donc aussi simple et mystérieux que ça : servir ce qui arrive sans prétendre en être le maître, n'être qu'un intermédiaire entre l'enfant et l'invisible, rien de plus qu'un intermédiaire.
Le vieux Rembrandt et les paysans hollandais de son temps avaient affaire à la même rudesse des choses, les uns raclant la terre avec leurs ongles pour y chercher leur pain, l'autre fouillant dans la lumière pour y trouver son rêve.
Un événement c'est quand la vie rentre dans notre vie comme un fleuve soudainement en crue , pénétrant dans un village pour y soulever les plus importantes bâtisses comme un brins de paille .
Ecrire c'est quand la page a soudain l'épaisseur d'un ciel bas et que la neige y vient. Ce qui est dans le cœur trouve l'issue et se précipite en masse blanche au-dehors. L'écriture c'est le cœur qui éclate en silence et puis plus rien, presque rien : des lettres qui font des mots qui s'avancent et se soudent dans des phrases, des phrases qui s'enfoncent et se perdent dans le matin d'hiver.
Lire pour se cultiver, c'est l'horreur. Lire pour rassembler son âme dans la perspective d'un nouveau élan, c'est la merveille.
Toi que j'ai si longtemps aimée, je t'aime encore et c'est comme dans l'eau claire de la chanson, jamais je ne t'oublierai.
Allant et revenant, j'avance dans ce livre à la manière
des écureuils dans les parcs, par bonds, retours et
immobilités soudaines.
L'amour c'est quand quelqu'un vous ramène à la maison, quand l'âme revient au corps, épuisée par des années d'absence. (p.18)
La rencontre est le but et le sens d'une vie humaine. Elle permet qu'on ne la traverse pas en somnambule. Quand mes yeux se fermeront, ils le feront sur une immense bibliothèque constituée par des visages qui m'auront ému, troublé, éclairé. Un visage est éclairant quand un être est bienveillant et qu'il est tourné vers autre chose que lui-même. Le soin qu'il prend de l'autre, l'illumine, le rend vivant. Il capte une lumière et la renvoie. C'est quelque chose de rare. La richesse de cette vie est faite surtout de visages et de quelques paroles.
J'ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d'être seuls et demandent au couple, au travail, à l'amitié voire, même au diable ce que ni le couple, ni le travail, ni l'amitié ni le diable ne peuvent donner : une protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir affaire à la vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont infréquentables. Leur incapacité d'être seuls fait d'eux les personnes les plus seules au monde.