Aujourd'hui on n'écrit plus de lettres. C'est comme s'il n'y avait plus d'enfant pour jeter sa balle de l'autre côté du mur.
Quand je n'écris pas c'est que quelque chose en moi ne participe plus à la conversation des étoiles. Les arbres, eux, sont toujours dans un nonchalant état d'alerte. Les arbres ou les bêtes ou les rivières. Les fleurs se hissent du menton jusqu'au soleil. Il n'y a pas une seule faut d'orthographe dans l'écriture de la nature. Rien à corriger dans le ralenti de l'épervier au zénith, dans les anecdotes colportées à bas bruit par les fleurs de la prairie, ou dans la main du vent agitant son théâtre d'ombre. À l'instant où j'écris, j'essaie de rejoindre tous ceux-là.
Les hommes regardent les femmes et ils en perdent la vue. Les femmes regardent les mots d'amour et elles y trouvent leur âme.
L'extrême sensibilité est la clé qui ouvre toutes les portes mais elle est chauffée à blanc et brûle la main qui la saisit.
Un camp de concentration invisible couvre la terre dont parfois, par un sursaut d'éveil, un éclair de l'oeil, nous sortons l'un des nôtres, nous délivrant du même coup.
Ton ombre s'allonge sur la lettre que je suis en train d'écrire et cet embarras m'éclaire plus que tous les mots.
Lorsqu'une montagne s'effondre sa forme demeure quelques heures dans l'air. Il m'a fallu écarter les sept voiles de la crainte pour bien te voir. Tu semblais au bord de respirer. De l'or brûlait sous les yeux clos de la petite fille inuit.
Une petite fille mange du chocolat. Il y a plus de lumière sur le papier d'argent enveloppant le chocolat que dans les yeux des sages.
Le livre que je tiens entre les mains se met parfois à sourire.
J'apprends que je suis vivant. Je dois cette bonne nouvelle à l'air qui circule sous une phrase en faisant flotter ses mots, très légèrement, au dessus de la page.
Je ne cherche pas à vous convaincre. C'est harassant, vain et au fond un peu cruel de convaincre. Je voulais juste vous dire qu'un jour j'ai vu, planté dans un livre d'André Dhôtel, un panneau indicateur du paradis. La distance marquée ? Il n'y a pas de distance. L’Éternel est là, sous nos yeux, sous nos pieds, dans une phrase.
La floraison des cerisiers ne dure pas. L'essentiel on l'attrape en une seconde. Le reste est inutile.
Nous sommes les éléments d'un air sans âge. Rien ne tient en place. Rien n'a la même forme pour toujours. Les variations de Bach sont la pensée la plus profonde sur la vie qui nous quitte, et le baiser qu'elle nous donne.