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Citations sur Les Diaboliques (celle qui n'était plus) (23)

Mais justement, il n'était pas si sûr que cela de la connaître. Une femme ! On la rencontre à l'heure des repas. On couche avec elle. On l'emmène au cinéma, le dimanche. On économise pour acheter un petit pavillon, en banlieue.
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Quand l’avait-il vue détendue, souriante, confiante ? Elle vivait à longue échéance, à des semaines, des mois de distance. L’avenir était son refuge, comme, pour la plupart des autres, le passé.
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Quand on se marie, on croit épouser une femme, et on épouse une famille, toutes les histoires d’une famille. On épouse la captivité de Germain, les confidences de Germain, les bacilles de Germain. La vie est menteuse. Elle semble pleine de merveilles, quand on est petit, et puis…
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Les paupières de Mireille battirent, une fois, deux fois. Il n’y avait plus qu’un minuscule point de clarté au centre des prunelles, puis cette lueur fut soufflée, et les yeux se fermèrent lentement. Ravinel se passa la main sur la figure, d’un geste brusque, comme un homme qui sent sur sa peau un fil d’araignée. Mireille ne bougeait plus. Entre ses lèvres fardées, apparaissait la ligne nacrée des dents.

Ravinel quitta la chambre, avança en tâtonnant dans le vestibule. La tête lui tournait un peu et il avait, collée sur la rétine, tantôt brillante, tantôt floue, qui se posait partout devant lui, comme un papillon de cauchemar.

Il traversa le jardinet en trois enjambées, tira la grille que Mireille avait laissé entrouverte, et appela à mi-voix :

- Lucienne !

Elle sortit de l’ombre, aussitôt.

- Viens ! dit-il. C’est fait.

Elle le précéda dans la maison.

- Occupe-toi de la baignoire.

Mais il la suivit dans la chambre, ramassa le soulier au passage, et le posa sur la cheminée, à laquelle il dut s’appuyer. Lucienne soulevait les paupières de Mireille, l’une après l’autre. On voyait le globe blanchâtre de l’œil, la prunelle inerte et comme peinte sur la sclérotique. Et Ravinel, fasciné, ne pouvait tourner la tête. Il sentait que chaque geste de Lucienne pénétrait dans sa mémoire, s’y imprimait comme un tatouage horrible. Il avait lu, dans des magazines, des reportages et des articles sur le sérum de vérité. Si la police… Il trembla, joignit les mains, puis, effrayé par ce geste de supplication, les mit derrière son dos. Lucienne guettait le pouls de Mireille attentivement. Ses longs doigts nerveux couraient le long du poignet blanc, comme une bête agile qui cherche l’artère, avant de piquer ou de mordre. Ils s’arrêtèrent, se réunirent. Lucienne, sans bouger, ordonna :

- La baignoire. Vite !

Elle avait pris sa voix de médecin, une voix un peu sèche, qui avait l’habitude d’énoncer des arrêts indiscutables, la voix qui rassurait Ravinel, quand il se plaignait de son cœur. Il se traîna jusqu’au cabinet de toilette, ouvrit le robinet, et l’eau crépita à grand bruit sur le fond de la baignoire. Craintivement, il le referma à demi.

- Eh bien, cria Lucienne, qu’est-ce qui ne va pas ?

Et, comme Ravinel ne répondait pas, elle vint jusqu’au seuil.

- Le bruit, dit-il. On va la réveiller.

Elle ne se donna même pas la peine de répondre mais, en manière de défi, ouvrit tout grand le robinet d’eau froide, puis celui d’eau chaude. Après quoi, elle regagna la chambre. L’eau montait lentement dans la baignoire, une eau un peu verte, traversée de bulles, et une vapeur légère se formait, au-dessus de la surface, se condensait en gouttelettes bien rondes, serrées les unes contre les autres, sur les parois d’émail blanc, sur le mur, et jusque sur la tablette de verre du lavabo. La glace, voilée de brume, ne renvoyait à Ravinel qu’une silhouette brouillée, méconnaissable. Il tâta l’eau, comme s’il se fût agi d’un vrai bain et, tout à coup, se redressa, les tempes battantes. La vérité venait, une fois encore, de le frapper, car c’était bien un coup. Coup de poing et en même temps coup de lumière. Il comprenait ce qu’il était en train de faire et il tremblait des pieds à la tête … Heureusement, cette impression ne dura pas. Il cessa très vite de réaliser qu’il était coupable, lui, Ravinel. Mireille avait bu un somnifère. Une baignoire s’emplissait. Rien de tout cela ne ressemblait à un crime. Rien de tout cela n’était terrible. Il avait versé de l’eau dans un verre, porté sa femme jusqu’au lit … Gestes de tous les jours. Mireille mourrait, pour ainsi dire, par sa propre faute, comme d’une maladie contractée par imprudence. Il n’y avait pas de responsable’. Personne ne la haïssait, cette pauvre Mireille. Elle était bien trop insignifiante … Et pourtant, quand Ravinel fut revenu dans la chambre… C’était une espèce de rêve absurde. Il ne savait plus très bien s’il ne rêvait pas… Non. Il ne rêvait pas… L’eau tombait dans la baignoire lourdement. Le corps était toujours là-bas, sur le lit, et il y avait sur la cheminée un soulier de femme. Lucienne fouillait paisiblement dans le sac à main de Mireille.

- Voyons ! fit Ravinel.

- Je cherche son billet, expliqua Lucienne. Suppose qu’elle ait pris un aller-retour. Il faut tout prévoir… Ma lettre ? Tu lui as reprise ?

- Oui, elle est dans ma poche.

- Brûle-la… Tout de suite. Tu serais capable d’oublier. Prends le cendrier, sur la table de nuit.

Ravinel enflamma le coin de l’enveloppe avec son briquet et ne lâcha la lettre qu’au moment où le feu lui lécha les doigts. Le papier se tordit dans le cendrier, se recroquevilla, bordé de dentelures rougeâtres qui bougeaient.

- Elle n’a parlé à personne de son voyage ?

- À personne.

- Pas même à Germain ?

- Non.

- Passe-moi son soulier.

Il prit le soulier sur la cheminée, et une sorte de sanglot lui gonfla la gorge .

Lucienne chaussa le pied de Mireille, adroitement.

- L’eau, dit-elle. Il doit y en avoir assez.

Ravinel marchait maintenant comme un somnambule. Il ferma les robinets, et le brusque silence l’étourdit. Il vit le reflet de son visage, que déformaient des vagues légères. Un crâne chauve, des sourcils épais, broussailleux, vaguement roux et une moustache en brosse sous le nez drôlement dessiné. Le visage d’un homme énergique, presque brutal. Un simple masque qui trompait les gens d’habitude, qui avait trompé Ravinel lui-même, pendant des années, mais qui n’avait pas abusé Lucienne une seconde.

- Dépêche-toi, lança-t-elle.

Il sursauta et revint près du lit. Lucienne avait soulevé le buste de Mireille, et s’efforçait de lui retirer son manteau. La tête de Mireille ballottait, se renversant sur une épaule, sur l’autre.

- Tiens-la !

Ravinel dut serrer les dents, tandis que Lucienne, avec précision, faisait glisser les manches du vêtement.

- Redresse-la !

Ravinel tenait sa femme contre lui, dans une sorte d’embrassement amoureux qui l’épouvanta. Il la reposa sur l’oreiller, s’essuya les mains, respira bruyamment. Lucienne pliait le manteau avec goût, l’emportait dans la salle à manger, où était resté le chapeau de Mireille. Ravinel dut s’asseoir. Le moment était venu. Impossible, maintenant de penser : « Il est encore temps de s’arrêter, de changer d’avis ! » Cette pensée, à plusieurs reprises, s’était présentée à lui, l’avait même soutenu. Il s’était dit que, peut-être, au dernier moment… Il remettait toujours à plus tard, parce qu’un événement qu’on imagine conserve une fluidité rassurante. On a prise sur lui. Il n’est pas vrai. Cette fois, l’événement était là.

(…)
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Bon ! Examinons les faits, avec tout le calme possible...Mireille est morte. J'en suis sûr, parce que je suis sûr d'être Ravinel, parce qu'il n'y a pas un seul trou dans mes souvenirs, parce que j'ai touché son cadavre [...] Mireille est vivante. J'en suis sûr aussi, parce qu'elle a écrit, de sa main, un pneumatique que le facteur a apporté, parce que Germain l'a vue. Aucune raison de mettre son témoignage en doute. Seulement, voilà ! Comme elle ne peut pas être à la fois vivante et morte...Il faut bien qu'elle soit à moitié morte et à moitié vivante...Il faut qu'elle soit un fantôme. C'est la logique qui le veut.
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Quand on se marie, on croit épouser une femme, et on épouse une famille, toutes les histoires d'une famille. On épouse la captivité de Germain, les confidences de Germain, les bacilles de Germain. La vie est menteuse. Elle semble pleine de merveilles, quand on est petit, et puis...
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Il y a des hallucinations qui vous font voir des choses qui n’existent pas. Peut-être y a-t-il des hallucinations qui provoquent l’effet inverse ?
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La pendule, une absurde pendule dorée portée par deux nymphes aux seins nus, marquait dix heures vingt.
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Oui, je vis à la lisière, comme un évadé qui cherche à retrouver son pays !
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Il aurait fallu s'appliquer avec Mireille. Elle était certainement sensuelle et si féminine ! Tout le contraire de Lucienne.
Ravinel s'interdit ses pensées. Car enfin il a tué Mireille ! Précisément, c'est le point troublant. Il n'arrive pas à se persuader qu'il a commis un crime. Cela lui paraissait monstrueux, lui paraît encore monstrueux, un crime !
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