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Critique de Fandol


Comme dans Sucre noir, je me suis laissé embarquer par Miguel Bonnefoy dans Héritage et je ne l'ai pas regretté car le style de ce jeune auteur est toujours aussi riche et prenant.
Héritage est une histoire d'exil et de retour, de transmission et de lutte, mêlant fantastique et imaginaire à la plus terrible réalité, le tout basé sur l'histoire familiale de l'auteur.
Détruit par le phylloxéra, le père de Lazare Lonsonier avait quitté son Jura natal et son exploitation viticole anéantie. Il était parti pour la Californie avec trente francs en poche et un cep de vigne, à la fin du XIXe siècle. le canal de Panama n'existant pas à l'époque, il fallait faire le tour par le détroit de Magellan, au sud de l'Amérique. Il n'arriva jamais en Californie car il débarqua à Valparaiso à cause d'une fièvre typhoïde sévissant à bord. Comme il dit venir de Lons-le-Saunier, le préposé à l'immigration crut qu'il s'appelait Lonsonier.
Ainsi débute une épopée familiale faite de rencontres et d'événements extraordinaires. En 1914, les fils des Lonsonier – Lazare, Robert et Charles – décident de traverser l'Atlantique dans l'autre sens pour venir se battre pour la France. Hélas, seul Lazare reviendra à Santiago, un poumon en moins, en décembre 1918.
Petit à petit, les rencontres se font avec tous les personnages du roman. Ce sont toujours des êtres hors du commun comme El Maestro, Etienne Lamarthe, venu de France avec une quantité d'instruments à vent et allant jusqu'à créer un orchestre symphonique à Limache, dans la province de Maya Marga. Sa fille, Thérèse, épouse Lazare. Férue d'ornithologie, elle crée une impressionnante volière et accouche en public de Margot qui ne trouve le sommeil qu'au milieu des oiseaux.
Il y a aussi un sorcier Mapuche, Aukan, qui intervient de temps à autre pendant que Lazare monte une étonnante fabrique… d'hosties. Il est secondé par Hector Bracamonte qui avait essayé de le voler…
Au contact des oiseaux, Margot n'a qu'une idée en tête : les imiter. Elle construit un avion aidée par un nouveau personnage : Ilario Danovsky. le temps passe. La Seconde guerre mondiale motive Margot et Ilario qui s'engagent dans les forces aériennes en Angleterre. Il y a aussi un certain Helmut Drichmann, un fantôme bien réel et l'enfant de Margot qu'elle nomme Ilario Da en souvenir d'Ilario qui a disparu lors d'un combat aérien.
Au Chili, c'est l'effervescence. Les idées révolutionnaires émergent. Les débats sont animés. Ilario Da se passionne pour la politique. Enfin, Salvador Allende est élu en 1970 ! le peuple chilien peut profiter des richesses du pays mieux partagées.
Hélas, la CIA et un certain Henry Kissinger poussent l'armée au coup d'État et commencent alors les pages les plus terribles du roman. Miguel Bonnefoy est d'un réalisme impressionnant pour faire ressentir l'oppression, l'emprise de la dictature, ses méthodes et ses tortures abominables. Comment des êtres humains, au Chili comme ailleurs, peuvent-ils infliger de pareils sévices à leur semblables ?
Tout cela est dénoncé et cela se répète encore mais en lisant ces lignes si bouleversantes, je pense à la chanson de Julos Beaucarne, « Lettre à Kissinger », qui rappelle que, dans le stade Chile, le 15 septembre 1973, des soldats ont tranché les doigts du chanteur et poète Victor Jara, à la hache. Malgré tout, il a entonné le chant de l'Unité populaire repris par tous les prisonniers entassés là. D'autres artistes lui ont rendu hommage comme Los de Nadau, Michel Buhler, Pierre Chêne, Christy Moore, Jean Ferrat, Gilles Servat, U2… Je n'oublie pas Pablo Neruda et tant d'autres innocents martyrisés que le livre de Miguel Bonnefoy ramène à nos mémoires.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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