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Citations sur Héritage (156)

Les premiers jours, Lazare Lonsonier fut si occupé à consolider les tranchées, à installer des rondins et des claies, à aménager le sol en posant des panneaux quadrillés, qu'il n'eut pas le temps de ressentir la nostalgie du Chili. Avec ses frères, ils passèrent plus d'un an à installer des barbelés, à diviser des rations de nourriture et à transporter des malles d'explosifs, au milieu de longues allées bombardées, entre des batteries d'artillerie, d'une ligne à une autre. Au début, pour conserver une dignité de soldat, ils se lavaient à petite eau, quand ils trouvaient une source propre avec un peu de savon qui couvrait leurs bras d'une mousse grise. Ils se laissèrent pousser la barbe, par mode plus que par négligence, afin d'avoir l'honneur d'être appelés eux aussi "poilus".
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Les enfants qu'ils eurent, dont les veines n'avaient pas une seule goutte de sang latino-américain, furent plus français que les Français. Lazare Lonsonier fut le premier d'une fratrie de trois garçons qui virent le jour dans des chambres aux draps rouges, sentant l'aguardiente et la potion de serpent. Bien qu'entourés de matrones qui parlaient le mapuche, leur première langue fut le français. Leurs parents n'avaient pas voulu leur refuser cet héritage qu'ils avaient arraché aux migrations, qu'ils avaient sauvé de l'exil. C'était entre eux comme un refuge secret, un code de classe, à la fois le vestige et le triomphe d'une vie précédente.
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Il quitta ce pays de calcaire et de céréales, de morilles et de noix, pour s’embarquer sur un navire en fer qui partait du Havre en direction de la Californie. Le canal de Panama n’étant pas encore ouvert, il dut faire le tour par le sud de l’Amérique et voyagea pendant quarante jours, à bord d’un cap hornier, où deux cents hommes, entassés dans des soutes remplies de cages à oiseaux, jouaient des fanfares si bruyantes qu’il fut incapable de fermer l’œil jusqu’aux côtes de Patagonie. (pages 11-12)
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Elle n'éprouva ni vertige, ni crainte. Seulement la puissance animale de cinq cents chevaux de métal qui l'arrachèrent du sol en dépliant leurs ailes fauves. Elle monta si haut qu'elle eut l'impression que le pays tout entier lui apparaissait d'un seul coup. De gros nuages se fendaient en bosses et protubérances. Les formes étaient courbes, galbées, bombées comme des jarres, suspendues comme des coraux, pleines de veinures secrètes, tout obéissait à des emblèmes féminins. Elle confirma à cet instant que le nom du ciel ne pouvait pas être masculin. Elle ne pouvait croire que les premiers aviateurs aient été des hommes. À le voir, le ciel était d'une féminité explosive, aux rondeurs corollaires. Cette demeure était faite comme un nid, un sein, prouvant que les premières civilisations des nuages avaient été matriarcales.
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Il n’y avait, selon lui, pas d’homme plus légitime à représenter sa patrie, plus essentiel à son rayonnement, plus apte à redorer les blasons, que celui qui continuait de cultiver le prestige de sa terre à plus de dix mille kilomètres de distance.
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À cinquante et un ans, il développa une robustesse enviable et une élégance proverbiale, ne portait plus que des mocassins en box, une veste en tweed à carreaux, un parfum à la mode anglaise et des huiles à barbe, afin de rattraper une jeunesse qui lui échappait. Une légère arthrose l’obligeait à se déplacer avec une canne à bec-de-corbin et à conserver toujours du collyre dans la poche, mais l’ardeur disciplinée qu’il mettait au travail lui faisait garder cette attitude d’imperceptible rébellion que l’on constate chez les personnes qui ne veulent pas vieillir. 
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Ceux qui ne peuvent se rappeler leur passé sont condamnés à le répéter. 

George SANTAYANA 
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Thérèse était alors au sommet de sa grâce. Elle avait alors quarante-quatre ans et son air d'Occitane, énamourée et avenante, éveillait chez les autres une confiante chaleur. Bien qu'elle eût une tendre expression de fleur fanée, elle appartenait à cette catégorie de femmes qui, par l'architecture de leurs traits, par la justesse de leurs formes, demeurent, par-delà les années, loyales à leur jeunesse.
(page 123)
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L’enfant déchira ses entrailles, donna des coups de pied, impatient de vivre, et s’agita si fort pour sortir que Margot crut qu’elle accouchait d’un bœuf. (page 136)
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Depuis une heure, une junte militaire bombardait la Plaza de la Constitución et on sut plus tard que le président Salvador Allende, enfermé dans son palais présidentiel avec une arme offerte par Fidel Castro, s’était suicidé, alors que le cuivre de sa voix résonnait encore dans les radios. On raconta que des officiers putschistes firent la queue devant son cadavre et lui tirèrent une balle dans le corps, un par un, comme une cérémonie macabre, et que le dernier lui défigura le visage avec la crosse de son fusil. Fin septembre, il fut couché dans son cercueil la figure enroulée dans un linceul et on ne permit à personne, pas même à sa femme, de le découvrir. L’attaque aérienne surprit tout le monde par sa précision et son expertise. Il ne fallut pas enquêter longtemps pour comprendre qu’elle avait été menée par des groupes d’aviateurs acrobates américains, arrivés sur les côtes chiliennes dans le cadre de l’opération Unitas, et que le grand architecte avait été Henry Kissinger à qui on remit, quelques années plus tard, le Prix Nobel de la paix.
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