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sur 1003 notes
°°° Rentrée littéraire #3 °°°

Énorme coup de coeur pour cette formidable saga familiale franco-chilienne pour laquelle l'auteur a puisé dans ses origines, lui-même issu d'une famille française qui a migré au Chili. Dès les premières pages, le charme opère, sur les pas du patriarche, Lonsonier, qui fuit les coteaux du Jura ravagés par le phylloxéra avec l'unique cep de vigne survivant, pour le replanter au Chili et faire renaître l'héritage familial tout en créant une nouvelle lignée que l'on suivra sur quatre générations.

Miguel Bonnefoy est un conteur fabuleux, et à travers l'aventure extraordinaire de ces Français au Chili, il raconte à merveille l'histoire universelle de la migration, de l'exil, du déracinement, il dit avec force le dialogue qui naît entre deux cultures, le destin qui unit deux peuples qui se croisent dans un même héritage. Comme un pont de papier qui, à l'heure des crises migratoires, rappelle avec pertinence que les Français aussi ont été des migrants.

Les personnages de cette mythologie familiale sont campés avec bonheur, tous marquants, tous ballottés par les jeux du destin et du hasard mais tous avec leur libre arbitre : Lazare le poilu chilien ;Thérèse l'ornithologue dont la volière fantastique semble une métaphore du microcosme familial ; Margot l'intrépide pionnière de l'aviation; Ilario Da, le révolté, militant d'extrême-gauche pro-Allende … Chaque génération est confrontée à un dilemme, un questionnement, chaque personnage a un choix à faire qui va finir par déterminer son descendant dans une sorte de mécanique atavique implacable.

Sucre noir témoignait déjà du talent de Miguel Bonnefoy à dessiner des personnages inoubliables pris dans des histoires fortes ; dans Héritage, à partir de ces mêmes qualités, il va au-delà grâce à l'épaisseur apportée par L Histoire. Des tranchées de la Somme aux batailles aériennes entre la Royal Air Force et les Messerschmitt, Lazare et sa fille Margot sont emportés par le tourbillon des deux guerres mondiales dont l'absurde ressort plus que jamais avec ces soldats qui se battent pour une terre qu'ils n'habiteront jamais, contre des voisins issus de l'immigration allemande. Puis c'est le fils de Margot, Ilario Da, militant d'extrême-gauche pro-Allende qui traverse la dictature de Pinochet dans les geôles de la Villa Grimaldi : les pages qui lui sont consacrées sont particulièrement déchirantes, l'auteur a repris les carnets de son père dans lesquels il raconte la torture qu'il a subi avant de fuir en France. Et c'est un tour de force que de rendre palpable et incarnée une saga sur plusieurs générations condensée en seulement 200 pages. L'art de l'ellipse est d'une maîtrise totale et vivifie le récit.

Intensité des destins singuliers à l'incoercible force de vie et puissance de l'Histoire sont enveloppés d'un réalisme magique à la Garcia Marquez qui fait basculer le roman ( vers la page 100 ) dans une dimension encore supérieure qui exprime le monde sans le copier et illumine cette fiction bâti sur l'argile de la réalité. On sentait poindre cette touche magique avec le personnage du machi ( chaman ) mapuche Aukan qui traverse le paysage familial tel une des trois Parques tirant quelques fils pour changer le cours du destin. le chapitre consacré à cette irruption fantastique est d'une beauté absolue, sublimée par l'écriture chatoyante et sensorielle d'un vrai styliste qui choisit chaque mot pour l'équilibre élégant qu'il apporte à sa phrase.

Un roman lumineux, poignant, empreint d'une profonde humanité, ses mots plein de saveurs continuent à danser dans ma tête, le sourire aux lèvres, envoûtée jusque dans les moindres pores. Remarquable!

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Comme dans Sucre noir, je me suis laissé embarquer par Miguel Bonnefoy dans Héritage et je ne l'ai pas regretté car le style de ce jeune auteur est toujours aussi riche et prenant.
Héritage est une histoire d'exil et de retour, de transmission et de lutte, mêlant fantastique et imaginaire à la plus terrible réalité, le tout basé sur l'histoire familiale de l'auteur.
Détruit par le phylloxéra, le père de Lazare Lonsonier avait quitté son Jura natal et son exploitation viticole anéantie. Il était parti pour la Californie avec trente francs en poche et un cep de vigne, à la fin du XIXe siècle. le canal de Panama n'existant pas à l'époque, il fallait faire le tour par le détroit de Magellan, au sud de l'Amérique. Il n'arriva jamais en Californie car il débarqua à Valparaiso à cause d'une fièvre typhoïde sévissant à bord. Comme il dit venir de Lons-le-Saunier, le préposé à l'immigration crut qu'il s'appelait Lonsonier.
Ainsi débute une épopée familiale faite de rencontres et d'événements extraordinaires. En 1914, les fils des Lonsonier – Lazare, Robert et Charles – décident de traverser l'Atlantique dans l'autre sens pour venir se battre pour la France. Hélas, seul Lazare reviendra à Santiago, un poumon en moins, en décembre 1918.
Petit à petit, les rencontres se font avec tous les personnages du roman. Ce sont toujours des êtres hors du commun comme El Maestro, Etienne Lamarthe, venu de France avec une quantité d'instruments à vent et allant jusqu'à créer un orchestre symphonique à Limache, dans la province de Maya Marga. Sa fille, Thérèse, épouse Lazare. Férue d'ornithologie, elle crée une impressionnante volière et accouche en public de Margot qui ne trouve le sommeil qu'au milieu des oiseaux.
Il y a aussi un sorcier Mapuche, Aukan, qui intervient de temps à autre pendant que Lazare monte une étonnante fabrique… d'hosties. Il est secondé par Hector Bracamonte qui avait essayé de le voler…
Au contact des oiseaux, Margot n'a qu'une idée en tête : les imiter. Elle construit un avion aidée par un nouveau personnage : Ilario Danovsky. le temps passe. La Seconde guerre mondiale motive Margot et Ilario qui s'engagent dans les forces aériennes en Angleterre. Il y a aussi un certain Helmut Drichmann, un fantôme bien réel et l'enfant de Margot qu'elle nomme Ilario Da en souvenir d'Ilario qui a disparu lors d'un combat aérien.
Au Chili, c'est l'effervescence. Les idées révolutionnaires émergent. Les débats sont animés. Ilario Da se passionne pour la politique. Enfin, Salvador Allende est élu en 1970 ! le peuple chilien peut profiter des richesses du pays mieux partagées.
Hélas, la CIA et un certain Henry Kissinger poussent l'armée au coup d'État et commencent alors les pages les plus terribles du roman. Miguel Bonnefoy est d'un réalisme impressionnant pour faire ressentir l'oppression, l'emprise de la dictature, ses méthodes et ses tortures abominables. Comment des êtres humains, au Chili comme ailleurs, peuvent-ils infliger de pareils sévices à leur semblables ?
Tout cela est dénoncé et cela se répète encore mais en lisant ces lignes si bouleversantes, je pense à la chanson de Julos Beaucarne, « Lettre à Kissinger », qui rappelle que, dans le stade Chile, le 15 septembre 1973, des soldats ont tranché les doigts du chanteur et poète Victor Jara, à la hache. Malgré tout, il a entonné le chant de l'Unité populaire repris par tous les prisonniers entassés là. D'autres artistes lui ont rendu hommage comme Los de Nadau, Michel Buhler, Pierre Chêne, Christy Moore, Jean Ferrat, Gilles Servat, U2… Je n'oublie pas Pablo Neruda et tant d'autres innocents martyrisés que le livre de Miguel Bonnefoy ramène à nos mémoires.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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“....lorsque les indigènes mâchaient l'ibadou, ils parvenaient à monter dans les airs jusqu'à atteindre quatre mètres du sol “,
Eh bien avec le dernier livre de Bonnefoy inutile de mâcher l'ibadou, on y monte tout seul et même plus haut ! Il y atteint le summum de l'épique et du romanesque, où les oiseaux donnent le premier envol, suivi par Margot, avec qui on ne redescend plus sur terre.....jusqu'à l'avènement de la dictature de Pinochet.
C'est son troisième livre que je viens de lire et le charme de la forme et du fond est toujours là, c'est un conteur hors paire. Une saga qu'il débute en France, et continue au Chili, avec deux brèves incursions au pays d'origine pendant la Première et Deuxième Guerre Mondiale, un saut en Ukraine pour une autre branche de l'histoire, pour retourner au Chili, un pays, une époque où l'on pouvait tout tenter, même devenir millionnaire en fabriquant de l'hostie.....
En mélangeant les deux cultures, européenne et sud-américaine, il entremêle habilement les histoires de divers familles sur trois générations dont les rejetons finiront par se croiser. On aura même droit à un fantôme, en plus un fantôme qui.....sans compter sorcier et « psychologiste », un vieillard de 118 ans et le légendaire Michel René, « l'héritage » que nous réserve l'auteur comme bonus surprise pour la fin.....Bonnefoy excelle dans l'imaginaire.
Un excellent livre de la rentrée littéraire 2020 que je conseille vivement !
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Fin du XIXème siècle, un vigneron du Jura ruiné par le phylloxera quitte le pays. Il embarque à destination de la Californie avec un cep de vigne sain dans la poche et, souffrant de fortes fièvres, le capitaine du navire le débarque à Valparaiso au Chili, dont il ignore totalement la langue. Quand un agent lui demande son nom, lui, pensant avoir deviné la question, répond Lons-le-Saunier et c'est ainsi que vient de naître la lignée des Lonsonier. Une nouvelle vie commence. Il épouse Delphine Morizet, le couple s'installe à Santiago et ils auront trois garçons qui partiront se battre pour la France en 1914, lors de la première guerre mondiale. Seul Lazare reviendra.
C'est ainsi que Miguel Bonnefoy raconte dans Héritage, la saga d'une famille sur quatre générations, des débuts de la IIIe République à la dictature de Pinochet, en 200 pages seulement, mais de telle manière que j'en suis ressortie époustouflée. Époustouflée par le talent de conteur de ce jeune auteur. Un mélange d'imaginaire, de fantastique parfois, nous plonge dans un récit merveilleux aux mille couleurs, aux mille senteurs. Mais pour autant, la réalité est là, présente, la réalité historique avec la Première et la deuxième Guerre mondiale ainsi que la dictature de Pinochet. Les blessures physiques n'épargneront pas les membres de cette lignée mais l'écrivain insistera beaucoup sur les blessures morales que vont engendrer ces événements et les cas de conscience auxquels ils ont été confrontés.
J'ai eu l'impression de lire une fable, un conte de fées exotique avec des hommes et des femmes dont j'ai admiré la force, le talent, le génie, des personnes audacieuses, éprises de liberté, pleines de rêves. J'ai malheureusement dû aussi côtoyer la barbarie avec les deux guerres, mais encore plus atrocement avec les arrestations arbitraires en masse et les tortures inqualifiables pratiquées dans les geôles chiliennes.
Sans cacher la cruelle réalité historique, et au contraire, en montrant précisément les dégâts psychologiques qu'elle a pu engendrer, c'est avant tout un récit lumineux, dextrement poétique et imaginatif, parfois un peu fou, dans lequel les figures féminines sont particulièrement belles et puissantes que Miguel Bonnefoy nous donne à découvrir.
C'est un magnifique voyage sur les deux continents qu'il m'a été donné de lire, une véritable épopée, un livre lumineux que je verrais bien devenir un film. Je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher de penser à Kusturica, le jour où Margot tente de faire décoller son avion et qu'arrive son grand-père El Maestro avec sa fanfare (un merveilleux moment de poésie !).
Héritage : un roman entre rêve et réalité, une ode au métissage, à la fusion des cultures et à l'humanisme.
Ayant eu la chance de rencontrer cet écrivain aux Correspondances de Manosque, les qualités de son oeuvre sont à la hauteur de cet homme, chaleureux, simple et lumineux presque envoûtant, ensorceleur. Il parle aussi bien qu'il écrit et inversement.
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Déracinés…des elles.
D'ordinaire, je fuis les sagas familiales comme les téléfilms de Noël. En littérature, je suis plutôt amateur des bûcherons d'arbres généalogiques, de ceux qui bouturent les champs du voisin. Les soirées diapos pour admirer les photos jaunies d'ancêtres à moustache ne me passionnent guère. C'est comme cela, je n'ai pas la nostalgie génétique.
La fresque de Miguel Bonnefoy vient de me réconcilier avec le genre. Il conte de façon très poétique, dans un style qui flirte parfois avec un onirisme exotique qui n'est pas sans rappeler « Cent ans de solitude », le destin tourmenté d'une famille de pigeons voyageurs, d'aventuriers autant attachés à leur terre d'accueil qu'à leur patrie.
L'histoire débute vers 1870, dans le Jura. Un vigneron, ruiné par le phylloxéra, puceron alcoolique, quitte la France pour la Californie, un pied de vigne comme seul bagage. Comme il vient de Lons-le-Saunier, il est rebaptisé Lonsonier par le service d'immigration qui le débarque au Chili. Heureusement qu'il n'était pas originaire d'Arnac La Poste, de Bourg-Madame ou de Crotenay. Because fièvre typhoïde, ce n'est pas la Californie de Julien Clerc qui l'accueille, c'et un Chili sin Carne mais avec une terre accueillante.
La lignée des Lonsonier est donc née d'un double malentendu, ce qui me l'a rendu tout de suite bien sympathique.
L'auteur nous raconte ensuite le destin des trois générations suivantes en moins de 250 pages. Un romancier américain nous en aurait fait un pavé de 1000 pages, un anglais se serait lancé dans une trilogie et un mormon aurait élaboré une arborescence aux milles ramifications.
Le premier fils, Lazare, va s'engager et combattre en France avec ses deux frères lors de la première guerre mondiale. Il va y laisser un poumon, beaucoup d'illusions et reviendra presque seul, en compagnie du fantôme d'un soldat allemand.
La fille de Lazare, Margot, rêve d'aviation et partira à Londres pour la seconde guerre mondiale. A son retour, les ailes brisées, elle mettra au monde, IIlario, partisan du président Salvatore Allende, qui connaîtra les geôles chiliennes du général Pinochet, comme le père chilien de l'auteur.
Les personnages de Miguel Bonnefoy sont flamboyants, hommes et femmes égaux dans l'audace, le courage, la mélancolie et ce récit parlera aux déracinés de tous les continents, aux nostalgiques des terres d'origine. L'esprit de clocher à l'échelle planétaire.
Si son précédent roman, « Sucre noir », était une friandise, irrésistible chasse aux trésors à la Stevenson, « Héritage » reste un roman d'aventure, mais mariné dans l'exotisme magique des auteurs sud-américains.
Un roman bilangue, qui raconte des époques sombres de l'histoire mais dont la prose jubilatoire colore les vieux albums photos.
Un très bon cépage.
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Le père Lonsonier quitta la France à cause du phylloxera. Lazare son fils n'y revint que pour s'engager dans la Première Guerre mondiale. Après cette guerre, dont il avait mesuré la profonde absurdité, de retour au Chili Lazare lia son destin à Thérèse, une femme folle d'oiseaux. Plus tard le couple donna naissance à une passionnée d'aviation, Margot qui, comme son père vingt-cinq ans avant, rejoignit l'Europe pour s'engager dans la Seconde Guerre mondiale. Puis c'est le fils de Margot qui devint un militant d'extrême gauche pro Allende emprisonné dans les geôles de Pinochet. Tout au long de ce siècle belliqueux la lignée déracinée des Lonsonier devait connaître des moments de clartés et de ténèbres, de grandeurs et de décadence. Mais aussi des périodes où certains furent visités par un mort silencieux capable d'assurer sa descendance.

Racontant ces Français du Chili devenus migrants par la force des choses, et qui sont restés français toute leur vie au point de venir se battre en Europe pour une patrie qui n'était plus la leur, Miguel Bonnefoy relate en partie son histoire familiale. Une histoire terriblement romanesque, peuplée de personnages tous plus extraordinaires et passionnés les uns que les autres. de ces hommes et femmes libres dans leur coeur que leurs choix n'ont pas toujours comblés, mais qui sont allés jusqu'au bout de leurs convictions, Miguel Bonnefoy en merveilleux conteur leur donne une vie et une épaisseur exceptionnelles. Il nous emporte par la force de ses mots, minutieusement choisis, aussi bien dans les remous de l'Histoire que dans leur trajectoire. La beauté singulière de son oeuvre venant sans aucun doute de cet héritage teinté d'une magie prégnante qu'il lui échut.

« ... Ilario Da se leva avec le désir irrépressible de raconter ... Ses premières phrases, composées d'abord pour le distraire, devinrent une source de plaisir, puis une forme de nécessité. À peine eut-il commencé à écrire que la cathédrale de son esprit se peupla de personnages qui y firent irruption comme dans une fête, formant un pays entier de fables et de batailles, qu'il s'essoufflait à enrichir avec une telle euphorie, une telle facilité, qu'il noircissait la page suivante sans avoir fini la précédente. »
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Chassé du Jura par le phylloxera, Lonsonier s'embarque pour la Californie avec son dernier cep de vigne. C'est finalement au Chili qu'il trouve à replanter ses racines. Lui succèderont trois générations d'une famille qui restera toujours profondément attachée à ses origines françaises, devenues au fil du temps quasi mythiques. Au travers de chacune des deux guerres mondiales puis depuis les geôles de Pinochet, fils, petite-fille et arrière petit-fils vivront chacun dans leur chair cet indéfectible attachement qui, inexorablement, modèlera leur destinée, pour le meilleur comme pour le pire.


Sa brochette de personnages, au pittoresque quasi surréaliste, donne à cette histoire une coloration originale et inoubliable. C'est dans un émerveillement tendre et amusé que le lecteur s'attache tour à tour au Maestro qui débarque de France avec les instruments d'une fanfare entière et initie tout un village à la musique, à Lazare le Poilu revenu des tranchées avec un fantôme, à Thérèse l'ornithophile qui vit pour sa fantastique volière, à Margot l'intrépide aviatrice prête à tout pour voler, à Ilario Da le révolté pro-Allende, sans oublier le mystérieux chaman mapuche Aukan qui traverse le récit comme pour souligner la magique fatalité qui semble gouverner leur existence à tous.


Le fil rouge qui lie ces personnages est leur dualité d'exilés et les dilemmes qu'elle engendre, au travers d'un héritage au contour flou et fantasmatique mais qui ne cesse d'infléchir leurs destins individuels : les racines qui les attachent à la France, comme un atavisme contre lequel il est vain de lutter, une attraction magnétique et magique à laquelle obéissent d'ailleurs jusqu'aux concours de circonstances, tels les involontaires changements de patronymes qui encadrent comme deux coups de clap le départ de Lonsonier et le retour d'Ilario Da.


Le terrible séjour de ce dernier dans les geôles de Pinochet, rédigé d'après le récit des tortures subies par le père de l'auteur avant sa fuite pour la France, constitue sans doute le point culminant du roman, en tout cas l'ultime point de rupture qui fera se refermer la boucle du curieux destin de cette famille.


Cette saga qui, par un vrai tour de force, ne tient qu'en deux cents pages, est une petite merveille savamment ciselée, qui, de rêves enthousiastes en confrontations traumatisantes aux grands drames du siècle dernier, nous conte l'exil, le déracinement, et l'indéfectible lien aux racines.

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Des coteaux jurassiens aux terres hospitalières de Santiago du Chili, Miguel Bonnefoy offre en "Héritage" une saga familiale et historique nichée entre deux cultures, une fiction où s'insinuent quelques fragments authentiques de sa propre lignée franco-chilienne.

La dénomination de « saga » peut surprendre, attendu que ce roman se déploie sur 250 pages seulement. L'auteur y fait preuve effectivement d'un réel talent pour parvenir à conter l'épopée de quatre générations sur un siècle d'Histoire. Toutefois, pour moi, cette concision aura un peu trop bridé l'ampleur et le souffle que j'attendais précisément d'une saga, ainsi que la consistance des personnages auxquels je regrette de n'avoir pu m'attacher suffisamment.

Il n'en reste pas moins que l'imaginaire et la plume élégante de Miguel Bonnefoy méritent à eux-seuls une incursion dans cette légende au réalisme onirique typique de la littérature sud-américaine.

Quant aux intentions de l'auteur, elles s'avèrent également aussi engagées que respectables : « Il s'agissait de montrer que lorsqu'on ouvre ses frontières, lorsqu'on ouvre son regard, lorsqu'on ouvre ses bras, on peut sans doute cultiver, alimenter sa culture, et non pas se restreindre, se castrer de l'ailleurs... »

Un récit universel à découvrir donc, ne serait-ce que pour se souvenir en particulier qu'à une époque, «des Français ont été des migrants, eux aussi».


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Héritage, refermant ce roman éblouissant qui m'a à la fois enchanté et transpercé de douleurs, je me suis demandé un instant, un seul instant, ce que je pouvais emporter dans la fulgurance des pages, si demain je partais sur une île déserte non pas avec ce livre, mais avec ma seule mémoire. Ce que je retiendrais en refermant les dernières pages, - mais est-on capable de refermer à jamais un livre qu'on a aimé, un tel livre... ?
Alors, laissons un peu les pages vibrer dans le feuillage du vent ou du moins celui de mon imaginaire.
C'est l'histoire d'une volière pleine d'oiseaux multiples. Elle traverse le livre et ceux qui ont lu le roman comprendront cela car je ne dévoilerai pas la fin du récit dans lequel cette volière y participe.
Héritage est un voyage, un exil, l'idée d'un homme du Jura, précisément de Lons-le-Saunier, quittant ses vignes meurtries, rongées par la phylloxéra, décide le rêve américain avec un pied de vigne dans une poche et un peu d'argent dans l'autre. Par déformation comme souvent, à l'arrivée à Santiago du Chili, son nom deviendra Lonsonier...
Dans la trajectoire de ce roman, l'écrivain Miguel Bonnefoy nous transporte sur un siècle de rêves et de tragédies, de France en Chili avec des allers-retours vers l'Europe, en particulier en situation de guerre. Ces guerres, nous le savons, ne seront qu'au nombre de deux, c'est déjà trop...
C'est une famille, une génération, puis deux, puis trois...
Des oiseaux dans des cages traversent aussi l'océan. Ils forment un univers sur place au Chili, s'épanouissent, se reproduisent, font des petits, rencontrent des maladies qui les fragilisent, survivent, sont heureux dans ce jardin... C'est comme un paradis... Puis vient la dictature chilienne...
Une femme, Margot, dans cette flamboyante génération, m'a touché, c'est le personnage qui m'a le plus touché ici. Voulant devenir aviatrice et le devenant, je me suis demandé si son rêve d'envol, dans l'apprentissage magnifique et totalement bancal de cette première tentative, dans les ciels sereins puis bombardés par la foudre et la guerre, était venu de ce regard éperdu vers les oiseaux, à force de les regarder dans leurs cages et dans leurs ailes...
Ici j'ai lu et j'ai vu à travers les mots qui parlent, comme des images, l'exil, le déracinement. Quelle force peut donner envie de partir ailleurs dans cet inconnu ? L'ailleurs et l'inconnu sont des mythes merveilleux de l'imaginaire littéraire, mais qu'en est-il dans la réalité ?
Parfois, un sentiment, une sensation, quelque chose est venu me donner une note presque fantastique. C'est le charme du roman qui m'a rappelé Cent ans de solitude.
Miguel Bonnefoy nous parle de la réalité quand il parle du bonheur d'une famille réunie, du déchirement quand l'un des membres de cette famille s'éloigne ou disparaît, quand le malheur vient de plus loin... Les mots de cet auteur sont à chaque fois beau, juste, essentiel... Mais j'ai aimé aussi voir des personnages transgresser...
Lorsque la dictature des militaires chiliens vient, la mort du Président Allende avec le soutien implicite des États-Unis, nous assistons à cette sidération. Nous le savions déjà et nous le découvrons dans cette lignée des Lonsonier... Je vous épargne la suite...
L'Héritage est un pont, une passerelle, un livre essentiel donc. Un livre qui nous donne un bonheur en délivrance, celui de le lire tout d'abord, d'ouvrir ou pas selon notre volonté, des portes... de souffrir aussi...
Difficile d'en parler davantage. Sauf à travers les oiseaux, leurs envols, ou l'envol qui ne peut se faire, sauf à travers les pages de ce roman qui ressemblent aux ailes meurtries de ces oiseaux, dont les traces sanglantes deviennent des mots...
Je referme le livre et je me demande dans les cris que j'entends encore si ce sont des cris d'oiseaux que j'entends ou le chant des martyrs de la dictature chilienne dans les stades ou dans leurs geôles obscures.
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Voilà bien longtemps que je n'ai pas lu une saga familiale et celle-ci est vraiment très prenante. Ce roman commence en 1870 dans le Jura où un vigneron décide de partir en Californie avec un pied de vigne puisque tous ses cépages sont anéantis par le phylloxéra. Il n'ira pas jusqu'en Californie mais débarquera à Valparaiso. le Chili va donc être sa terre d'accueil. Les générations vont se succéder au Chili. Tous vont être des personnages forts, engagés.
Les thèmes de l'exil, du déracinement, de l'émigration sont traités avec originalité.
Miguel Bonnefoy est un véritable magicien de la plume. Dès les premières pages, on se croirait dans un conte mais comme dans tout conte d'ailleurs, la cruauté est est présente. On va traverser les deux guerres mondiales et la dictature, les tortures sous Pinochet.
C'est un livre court mais intense et extrêmement riche. Cette saga est bouleversante.
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