J'ai lu «
SUCRE NOIR » comme j'aurais fait un jeu de piste : j'ai cherché le Trésor ! Et j'ai trouvé tout plein de richesses. Car cette lecture, c'est une Aventure, une vraie Expédition. Trois cents après le naufrage de l'un des corsaires sud-américains les plus célèbres, le très fameux Henry Morgan, on se presse dans ce village des Caraïbes où le navire aurait sombré, à la recherche de la fortune enfouie on ne sait où. Mais
Miguel Bonnefoy n'a surtout pas écrit un documentaire. Et pour que le lecteur ne se méprenne pas, pour le mettre tout de suite dans le bain de la fiction, le naufrage du Capitaine Morgan a pour signe particulier que le navire s'échoue non pas dans la mer mais au-dessus d'une forêt tropicale.
« le jour se leva sur un navire naufragé, planté sur la cime des arbres, au milieu d'une forêt. La poupe s'était enfoncée dans un manguier à plusieurs mètres de hauteur. A tribord, des fruits pendaient entre les cordages. A bâbord, d'épaisses broussailles recouvraient la coque. Tout était sec, si bien qu'il ne restait de la mer qu'un peu de sel entre les planches. Il n'y avait pas de vagues, pas de marées. D'aussi loin que s'étendait le regard, on ne voyait que des collines ».
Au coeur de cette quête vit la famille Otero. le père, Ezéchiel, n'a jamais eu d'autre horizon que les plantations de canne à sucre, la mélasse et les fûts. On le respecte pour l'excellence de son rhum et on respecte sa femme, Candelaria pour la perfection de sa maison. Les explorateurs se succèdent, le Trésor ne se livre pas. Serena, la fille Otero, aurait pu avoir une vie tranquille et un peu triste. Il aurait pu ne pas avoir de livre ! Mais l'imagination sans limite de
Miguel Bonnefoy introduit la silhouette de Severo Bracamonte dont le visage porte « l'innocence sévère des jeunes voyageurs ». Un verre de rhum en échange d'un coup de main. La promesse d'un partage du butin en échange d'un hébergement. le marché est conclu. La vie de Serena, la vie des Otero, la vie du village ne seront plus jamais comme avant. L'ambition, l'illusion, le rêve, le désir, mais aussi la violence, la cruauté, une sauvagerie sans pitié écrivent l'histoire. Sauf que le cours de l'histoire, c'est la Fatalité qui en décide. Et le lecteur, s'il accepte de le laisser prendre, navigue avec volupté au milieu des vicissitudes, des imprévus, des retournements de situation. Quant au Trésor, c'est tout simple : pour le trouver, il suffit seulement de ne pas le chercher !
Comme dans «
LE VOYAGE D'OCTAVIO », comme dans «
JUNGLE »
Miguel Bonnefoy met le brio de son talent et la vivacité de ses mots au service de son pays dont il fait aimer les gens et les paysages aussi fabuleux, grandioses, surprenants les uns que les autres. Et puis, la maestria est contagieuse, j'ai lu «
SUCRE NOIR» avec la même fougue que celle des chercheurs d'or. Comme dans un vrai jeu de piste !