Béatrice est auxiliaire de puériculture, maintenant. Avant elle était danseuse, dans le Cabaret de l'amour. Elle parcourait les routes avec Gabor (son grand amour), Pierre et Pierre et dansait les soirs, nue. Ce livre est construit autour de l'alternance, la confrontation de maintenant et d'avant.
Norma est née de cet amour, une belle petite fille mais l'accouchement pratiqué par une vieille gitane a failli coûter la vie à Bénédicte.
La vie ne sera pas plus clémente par la suite, elle accouchera de Jésus, seule, un bébé préma mort né.
Son corps si beau sur scène l'a trahi pour la maternité.
« Je ne sais pas si c'est un passage obligé, mais quand on a perdu un bébé on se rend compte qu'on peut donner la mort.
C'est une possibilité. Donner la vie/donner la mort. Donner la vie donner la mort.
Le corps peut fabriquer l'un ou l'autre. Par forcément par notre faute, pas du tout notre décision.
[…] Pourtant, quand on a perdu un bébé, la mort reste en nous pour toujours tel un organe vital, et on sait, mieux que quiconque, ce qu'est la vie ».
Elle retrouvera le bonheur de porter la vie avec Roméo.
La vie de bohème s'arrête, contrainte et forcée de se sédentariser à Paris, les amis sont morts. Elle devient auxiliaire de puériculture. le lecteur la suit de chambre en chambre. Elle ne s'extasie pas devant les beaux bébés, ce n'est pas un livre dégoulinant de bonheur, loin de là. Elle voit des femmes violées, battues, excisées, anxieuses, capricieuses, stressées, angoissées, inaptes, terrifiées. Elle décrit une maternité différente de celle qu'on a l'habitude de lire, de voir, une maternité où rien n'est facile, rien n'est acquis, rien n'est inné.
Ses mots, ses maux sont durs, réalistes, jamais exagérés, elle ne sort pas du descriptif, fait preuve d'une grande empathie. de toute façon elle n'a pas le droit de penser, on ne lui demande pas de penser.
Elle fait faire le ménage aux stagiaires auxiliaires de puériculture, comme elle l'a fait, elle fait remarquer à une maman obnubilée par l'allaitement que son bébé est beau « C'est mieux pour ton bébé d'en arriver à même plus le voir tellement tu veux allaiter ? ».
L'hôpital est présenté comme un lieu impersonnel, où la tournée des chambres ne touchent pas, glissent sur les soignants. Béatrice, meurtrie, n'a pas sa place.
Je comprends la frustration de cette soignante qui ne pouvait pas l'être comme elle le souhaitait, de ces mamans toutes différentes à qui on répète tout le temps la même chose.
Un livre sombre mais qui met la vie à l'honneur car Béatrice tout le long s'obstine à vivre. Un livre qui peut déranger, j'en ai aimé la lecture,
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