En racontant l'histoire de Lucie,
Anne Boquel m'a entraîné dans la spirale infernale de l'emprise psychologique d'une secte religieuse et de son gourou,
le Berger.
C'est poignant, angoissant et au final, passionnant. J'ai eu, par moments, l'impression d'être dans un polar. Voilà encore un livre que je n'aurais sûrement pas lu si Babelio et les éditions du Seuil ne me l'avaient gentiment proposé. Je les remercie d'autant plus que l'immersion que j'ai vécue au cours de ma lecture, au fil de l'excellente plume d'
Anne Boquel, m'a tenu en haleine jusqu'au bout.
Lucie, à vingt-neuf ans, est conservatrice d'un musée d'art religieux à Bessancourt, entre la forêt de Montmorency et l'A 115. Très consciencieuse, elle qui est titulaire d'une thèse sur l'héritage de l'art byzantin dans l'art roman, n'est pas heureuse. Elle vient de rompre avec Louis. Elle est lasse et ce ne sont pas ses relations avec ses parents qui la réconfortent, elle, qui est timide, vulnérable, sans attraits.
Voilà que Mariette, employée au musée, l'entraîne un dimanche à la Fraternité où l'accueil est chaleureux. Prières, chants, incantations, cordialité, simplicité, échanges plaisent à Lucie, subjuguée par
le Berger, Thierry, qui harangue les fidèles et s'entoure de beaucoup de mystère.
Dans cette secte affiliée à l'église évangélique de France, si l'on est accueilli, il faut donner aussi puis se conformer aux préceptes, se priver de nourriture, pratiquer le yoga, méditer… et se rapprocher ainsi des meilleurs membres. Bref, l'emprise psychologique est lancée et Lucie, prise dans les filets d'une captation bien organisée, plonge de plus en plus.
Avec beaucoup de talent,
Anne Boquel montre, par petites touches, l'engrenage infernal qui rend Lucie heureuse mais captive, prête à tout pour s'attirer les faveurs du Berger.
Non seulement sa vie personnelle est bouleversée pas sa pratique assidue mais elle commet l'irréparable en cédant aux demandes pressantes de Thierry qui exige un prêt d'objets du culte appartenant au musée. Comme ils sont encore dans la réserve, Lucie cède après avoir beaucoup hésité, se méfiant, à tort, de Yves, le restaurateur de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles). Elle, si consciencieuse, si pointilleuse dans l'exercice de son métier, ne parvient pas à réagir.
Son musée a peu de succès malgré ses efforts. Sa vie sentimentale est au point mort, comme sa vie familiale et Lucie est complètement piégée. Pourtant, elle constate beaucoup de choses bizarres comme cette jeune Christelle qui débarque, enceinte, puis met au monde un enfant dont on ignore qui est le père, ou encore ces couples qui se forment à la nuit tombée lors du séjour à Maranatha, dans les montagnes, près de Grenoble. Là, il faut travailler, restaurer les bâtiments, prier, se priver de nourriture en attendant l'apparition du Berger qui a su se faire désirer au maximum.
À chaque page tournée, je me demandais quand Lucie allait enfin se révolter, réagir, alors qu'elle subit une emprise totale de la part de Thierry. Jeune femme intelligente, cultivée, diplômée, elle est entièrement soumise à la volonté du Berger qui en profite au maximum, comme il le fait avec d'autres, d'ailleurs.
Le Berger est un roman remarquablement écrit, conduit avec maîtrise. J'ai regretté qu'il s'arrête subitement, laissant en suspens le sort du plus sinistre personnage mais l'essentiel était démontré.
C'est assurément un roman à lire !
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