Citations sur Les chemins de Damas (49)
L'amour n'est pas un sentiment qu'on marchande, c'est un état, une intelligence en action, la merveilleuse intelligence de l'univers.
— Si vous cherchiez les vrais responsables de vos malheurs, vous les trouveriez en vous.
- Ceux qui vantent les mérites de la mort sont toujours les derniers à partir, vous avez remarqué ?
(Bachir)
La guerre avait opéré une sélection des espèces à rebours : les meilleurs avaient péri sur le Front, il ne restait plus que les médiocres, les planqués et les crétins.
Il lui arrivait de plus en plus souvent d'envier les hommes fauchés par la mitraille sous ses yeux, leur étrange sérénité dans la mort, eux dont les traits se tordaient d'épouvante quelques secondes avant l'assaut. Leur vie s'était brisée à l'âge de dix-huit ou vingt ans, mais ils ne subissaient plus la tragique imbécillité humaine, ils flottaient, libres, aériens, au-dessus du cul-de-basse-fosse où les hommes, sous le vernis civilisateur, s'abandonnaient à leurs instincts les plus vils. [...] C'était pire depuis que les partis évangéliques avaient conquis l'Europe, de l'amour plein la bouche et de la merde plein le cœur.
- Je crois que l'Europe n'a plus d'avenir, reprit Flamand. Le libéralisme avait entrepris de démanteler ses structures, la guerre les a définitivement rasées. Il faudrait pour les relever une vraie volonté politique. Des visionnaires. Pas une clique de politiciens vendus aux grandes entreprises. Tant que les intérêts des capitaux l'emporteront sur les intérêts humains, l'Europe poursuivra sa descente aux enfers.
Pas besoin d'être dans les secrets des dieux pour comprendre que les ordres contradictoires donnés par les commandants de la police illustraient une volonté générale de laxisme, de statu quo. Plus la population serait inquiète, plus elle accepterait les solutions radicales imposées par les extrémistes religieux, le retour à un ordre moral strict, l'abandon de la liberté individuelle, la fin de l'utopie démocratique.
L'humanité a un besoin urgent de rêveurs.
Il réfléchissait, il se demandait à quoi rimait sa putain d'existence. A part tirer des poufs à moitié ou complètement défoncées, à part prendre le fric de pauvres bougres contraints de fuir le pays, à part refourguer du shit trafiqué à des gosses de riches en mal de sensations, à part rajouter des tatouages et des piercings sur un corps déjà plus décoré qu'un arbre de Noël, à part chasser la nuit des organes frais, à part jouer les porte-flingues pour les gros bonnets des trafics, il ne faisait rien de sa vie, elle coulait entre ses doigts comme une eau sale, aucun feu ne brûlait dans ses veines, dans ses yeux, dans son cœur, il s'enfonçait tranquillement dans le dégoût froid de lui-même.
La vie n'était qu'une succession d'instants éphémères, une farandole de moments présents qui se chassaient les uns les autres et s'imprégnaient avec plus ou moins de force dans la mémoire.
Rien n'avait de réalité parce que tout passait sans cesse, parce que toute forme aussitôt créée retournait au néant. C'était la raison pour laquelle, sans doute, les hommes tentaient de piéger le temps dans des constructions monumentales, des frontières, des lois, des coutumes, des religions, des souvenirs, bâtissaient des mondes illusoires dont ils étaient les prisonniers, les otages."