Le temps pourri à ceci de bon qu'il maintient les prédateurs dans leur antre.
J'ai soudain compris pourquoi les quatre tarés me retrouvaient aussi facilement, pourquoi la barrière se dressait à chaque fois que j'essayais de franchir les limites. Ma puce biologique. Cette vipère de Joa leur avait fourni mon numéro d'accès à ma fréquence confidentielle, elle me l'avait demandé quelques jours avant de me parler de Rezé, "juste pour comparer avec le mien", avait-elle fredonné avec son air de ne pas y toucher. Ils me pistaient via le réseau des satellites, ils avaient branché leurs propres puces et leur saloperie de clôture sur ma fréquence. Ils ne se pressaient pas tout simplement parce qu'ils captaient le moindre de mes déplacements, qu'ils jouissaient de ma trouille, de ma douleur, de mes soubresauts dérisoires. Les dés étaient pipés, le gibier était programmé pour perdre, mon employeur avait un sens particulier de l'égalité des chances.
Extrait de "Ma main à couper"
J'étais épuisé, et déjà j'admettais l'idée de ma mort. J'imagine que, dans l'arène, le taureau exténué accueille l'estocade comme un baiser de paix. J'escaladais des murs, des grilles, des toits, des haies, je traversais des cours, des terrains vagues, je revenais sur mes pas, je tournais en rond comme un fauve dans un zoo. Je ne pensais plus, j'étais une marionnette agitée par les réflexes, par la peur, par ce manipulateur automatique qu'on appelle l'instinct de survie.
Extrait de "Ma main à couper"
Un vent de colère se leva sous son crâne. Comment ses propres parents avaient-ils pu les vendre, sa fille et lui, à ses ignobles trafiquants de gènes ? La misère avait-elle effacé en eux tout sentiment, tout amour, toute tendresse ? L'espace de quelques secondes, il fut tenté de courir dans sa chambre, de se saisir du pistolet tapi dans le tiroir sous ses chaussettes, de mettre fin à cette farce absurde.
Extrait de "Nouvelle VieTM"