Lucien la fixait de ses yeux sombres, les paupières légèrement plissées, incrédule. Oui, au lieu de l’encenser, il restait planté là, sans ciller. Pas le moindre frisson d’enthousiasme. Rien ! Nada ! Il était ingrat, voilà tout.
– Cristalline… On n’est plus des gosses, lança-t-il avec un sourire contrit.
Soit, mais tout de même ! Elle s’était coltiné six cents bornes pour lui annoncer qu’elle allait l’extraire de là : un zeste de motivation aurait été apprécié.
– Et ? Est-ce que ça m’ôte mes pouvoirs de super-héroïne ? rétorqua-t-elle en bombant fièrement la poitrine.
Amoureuse. Ça lui était tombé dessus comme les fientes d’étourneaux vers la gare Saint-Roch, aux alentours de dix-huit heures.
Sa maman était une lionne. Elle ne pouvait pas mourir : c’était pour les gens normaux.
Encore une chochotte. Décidément, les hommes n’étaient plus ce qu’ils étaient. Et celui-là semblait prêt à lui faire perdre un temps fou. Il fallait impérativement le secouer.
Mais on ne refuse jamais une course. C’est une règle d’or chez les conducteurs de taxi. En bon professionnel, il leur a demandé où ils se rendaient. L’un des hommes, un grand brun, lui a répondu : « N’importe où, du moment que c’est un coin discret. »
Sa maman était une lionne. Elle ne pouvait pas mourir : c’était pour les gens normaux.
Roméo avait conscience qu’elle était triste à cause de lui. Il aurait voulu la consoler, mais ça signifiait être joyeux. Et ça, ce n’était plus possible. Pas pour le moment.
La violence n’est pas une solution.
Nous nous disputions, certes, mais vous savez ce que c’est, une querelle d’amoureux…
« Le repos est bon pour la croissance. » Voilà comment gâcher des heures précieuses alors qu’il aurait pu chasser des papillons, pêcher des têtards, inventer d’horribles mixtures à base de terre, de coquilles d’escargots et d’herbes.