J'ai toujours imaginé que le paradis serait une sorte de bibliothèque.
Ô la joie de comprendre, plus grande que celle d'imaginer ou de sentir !
La fin de l'histoire ne peut être rapportée qu'en métaphore, car elle se passe au royaume des cieux, où le temps n'existe pas. Peut-être y aurait-il lieu de dire qu'Aurélien s'entretient avec Dieu et que celui-ci porte si peu d'intérêt aux différends en matière de religion qu'il le prit pour Jean de Pannonie. Mais cela ferait croire à de la confusion dans l'esprit divin. Il est plus correct de dire qu'au paradis Aurélien apprit que pour l'insondable divinité lui et Jean de Pannonie ( l'orthodoxe et l'hérétique, celui qui haïssait et celui qui était haï, l'accusateur et la victime) n'étaient qu'une même personne.
J‘eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu‘aucun homme n‘a regardé : l‘inconcevable univers.
Quand s’approche la fin, il ne reste plus d’images du souvenir ; il ne reste plus que des mots. Il n’est pas étrange que le temps ait confondu ceux qui une fois me désignèrent avec ceux qui furent symboles du sort de l’homme qui m’accompagna tant de siècles. J’ai été Homère ; bientôt, je serai Personne, comme Ulysse ; bientôt, je serai tout le monde : je serai mort.
Mais ma génération a tout eu,
car d'abord lui fut accordée la gloire
et ensuite la défaite.
Alors, avec étonnement, comme s'il découvrait une chose perdue et oubliée depuis longtemps, Argos bégaya ces mots : "Argos, chien d'Ulysse." Puis, toujours sans me regarder : "Ce chien couché sur le fumier."
Leur duel fut invisible; si les copieux index ne me trompent, le nom de l'autre ne figure pas une seule fois dans les nombreux volumes d'Aurélien que rassemble la Patrologie de Migne. (Des ouvrages de Jean il n'est resté que vingt mots.) Tous deux désapprouvèrent les anathèmes du second concile de Constantinople; tous deux poursuivirent les ariens, qui niaient la génération éternelle du Fils; tous deux attestèrent l'orthodoxie de la Topographia Christiana de Cosmas, qui enseigne que la terre est quadrangulaire, comme le tabernacle hébreu.
Enfant, je m’étonnais que les lettres d’un volume fermé ne se mélangent pas et ne se perdent pas au cours de la nuit.
Il crut percevoir obscurément que le passé est la substance dont le temps est fait ; c’est pourquoi celui-ci se transforme aussitôt en passé.